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chronique du 24 novembre 2006
 

Avant d’arriver à Jéricho

La ville de Jéricho est située en Cisjordanie, territoire palestinien. Lorsqu’on s’y rend à pied par le désert, la ville se trouve à l’embouchure du wadi Qelt et on peut y entrer directement. Mais ce n’est pas le cas lorsqu’on y va en auto; depuis la deuxième intifada (septembre 2000), on doit franchir un poste de contrôle israélien, ou check point, dont la rigueur varie de jour en jour en fonction de la situation actuelle et de l’humeur des militaires.
 

poste de contrôle

On arrive au poste de contrôle de Jéricho.
(photo : C. Boyer)

     Généralement, à un poste de contrôle, des militaires nous demandent notre passeport et nous questionnent brièvement sur ce qu’on est venu faire ici. Pendant qu’un militaire s’éloigne pour aller vérifier nos papiers d’identité, un autre se charge de faire une fouille rapide du coffre du véhicule. Pour les étrangers, tout ça n’est souvent que formalités, car c’est principalement sur les Palestiniens qu’est portée l’attention. Ces derniers ne peuvent entrer ni sortir librement des territoires sans permission. Il existe différents permis et laissez-passer temporaires, pour des raisons de travail ou d’hospitalisation notamment, mais la majorité des Palestiniens n’a évidemment pas le droit de circuler librement en Israël ni de se rendre à Jérusalem.
 

militaire

Un militaire attend des consignes avant de nous remettre nos passeports.
(photo : C. Boyer)

     Après les vérifications on nous remet notre passeport et habituellement on peut passer. Mais ce n’est pas toujours aussi simple... Un jour, alors que des amis de l’École biblique et moi voulions nous rendre à Jéricho en camionnette, nous avons appris, en arrivant au poste de contrôle, que la ville venait d’être « bouclée ». C’est ce qui arrive lorsque les autorités israéliennes décident, pour des raisons de sécurité, d’exercer temporairement un contrôle complet sur les entrées et les sorties des territoires palestiniens, notamment après qu’un attentat terroriste est survenu. En principe, dans ce cas personne ne peut ni entrer ni sortir des territoires palestiniens, sauf ceux qui détiennent une autorisation spéciale ou qui sont en véhicules diplomatiques. Cette fois-là, nous n’avons pas été obligé de rebrousser chemin, car au poste de contrôle nous avons rencontré par hasard un diplomate que nous connaissions et qui nous a fait passer avec lui.
 

militaires

Un militaire passe un coup de fil, et nous aurons bientôt l’autorisation d’entrer à Jéricho.
(photo : C. Boyer)

     Les postes de contrôle servent à vérifier non seulement les entrées dans les territoires palestiniens, mais aussi —et surtout— ceux qui veulent sortir des territoires. Évidemment, les Palestiniens n’ayant pas la permission de circuler en Israël et à Jérusalem évitent autant que possible les postes de contrôle. Pour entrer et sortir des territoires, ils préfèrent des points de passages alternatifs, qui consistent souvent en de longs détours par des routes secondaires ou encore accessibles uniquement à pied : sentier dans le désert ou à travers les champs, brèches dans la clôture de sécurité, etc. Ceux qui ont la permission de sortir des territoires passent par les postes de contrôle, mais doivent souvent s’armer de patience.
 

poste de contrôle

Au poste de contrôle à la sortie de Jéricho.
(photo : C. Boyer)

     Lorsqu’on se promène un peu dans le pays, on s’aperçoit rapidement que la rigueur des vérifications aux postes de contrôle n’est pas toujours constante ni raisonnable. Ainsi, un jour où je revenais de Ramallah, qui se trouve en Cisjordanie, les militaires du poste de contrôle de Ram, au nord de Jérusalem, ont refusé de me laisser passer sous le prétexte que l’étampe d’entrée en Israël était mal visible dans mon passeport. Je ne pouvais donc pas revenir à Jérusalem où je logeais, même si mon passeport était tout à fait en règle et qu’en plus, j’avais un visa me permettant de résider en Israël pendant toute une année... Les militaires m’ont fait descendre du taxi collectif, j’avais beau essayer de leur faire entendre raison, rien n’y faisait et j’ai dû rebrousser chemin à pied. J’ai marché jusqu’à un village arabe où j’ai rencontré des Palestiniens qui trouvaient la situation bien comique et qui m’ont offert de me reconduire en auto au poste de contrôle afin de tenter ma chance à nouveau, espérant que je tombe sur des militaires différents. Mais pas de chance! Ce sont les deux mêmes militaires qui m’accueillent, et ils ne le font pas avec le sourire, ils m’avertissent même de ne plus revenir ici... Le soir tombe, les postes de contrôle seront bientôt fermés jusqu’au lendemain, mais mes compagnons arabes ne sont pas à court d’idées, et ils me proposent de faire un détour jusqu’à un autre poste de contrôle où je pourrais peut-être être plus chanceux. Je l’ai été. En tout cas, l’étampe d’entrée de mon passeport ne semble pas avoir posé de problème du tout aux militaires de ce poste-là...
 

route de Cisjordanie

Sur une route en Cisjordanie, tout juste avant d’arriver au poste de contrôle de Ram (à droite).
En arrière-plan, une colonie israélienne.
(photo : C. Boyer)

     On imagine bien que l’atmosphère soit parfois tendue aux postes de contrôle. L’attente peut durer entre quelques minutes et quelques heures, voire même quelques jours, et si on peut concevoir que le climat d’insécurité dans le pays nécessite la mise en place de mesures particulières, celle des postes de contrôle semble parfois plutôt contribuer à cette insécurité. Les fouilles et les vérifications sont vécues quotidiennement par beaucoup de Palestiniens, lorsqu’en plus les territoires sont sporadiquement bouclés, ce qui fait évidemment augmenter la frustration et l’impatience, et si on rappelle que les postes de contrôle sont occasionnellement le lieu d’attentats suicides et qu’il y a environ 700 postes de contrôle en Israël-Palestine, on a là la réunion d’un ensemble d’éléments qui n’a rien de particulièrement rassurant... Au poste de contrôle à la sortie de Jéricho, mes amis et moi avons été témoins d’un incident qui, il me semble, aurait pu facilement dégénérer. Durant l’attente, un jeune enfant palestinien ayant sans doute échappé à la surveillance de ses parents s’est mis à marcher au-delà de la zone permise, ce qui a conduit un militaire à tirer une rafale de balles dans les airs en guise d’avertissement. Ça a suscité quelques cris de panique, mais il y a eu « plus de peur que de mal », comme on dit.
 

militaires et Arabes

Le militaire accroupi (au centre) vient de tirer quelques balles dans les airs, sous le regard d’Arabes résidents en Israël (plaque d’immatriculation jaune) qui attendent la levée du bouclage.
(photo : C. Boyer)

     Lorsque cette déplaisante étape du poste de contrôle est franchie, on peut enfin entrer à Jéricho, et aller vérifier nous-même si les Anciens avaient raison de l’appeler la ville des palmiers.

Chrystian Boyer

Article précédent :
Sur la route de Jéricho

 

 

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