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chronique du 28 septembre 2007
 

De Djenine à Tell el-Farah

Je suis allé passer quelques jours dans le nord de la Cisjordanie. Avec la Bande de Gaza, la Cisjordanie forme ce qui est appelé « les territoires palestiniens ». J’y suis allé en compagnie de Lucie, une amie que j’ai connue à Jérusalem, une amie courageuse, car peu de gens avaient envie d’aller se promener dans la région de Djenine et de Naplouse.
 

nord de la Cisjordanie

Le nord de la Cisjordanie correspond grosso modo
au territoire de la Samarie de l’époque de Jésus.
(photo : C. Boyer)

     Dans les territoires palestiniens, il y a un bon système de « taxis collectifs ». Ce sont des voitures ou camionnettes qui peuvent transporter jusqu’à une quinzaine de personnes, et c’est assez économique. Les taxis collectifs font des trajets plus ou moins fixes mais, contrairement aux autobus, ils attendent d’être bien remplis avant de partir.

     Toute excursion dans les territoires palestiniens commence évidemment par une série interminable de « postes de contrôle » (check points) israéliens. Il y en a tellement, et les conducteurs de taxis collectifs font tellement de détours pour en éviter quelques-uns, que pour aller de Jérusalem à Djenine, un trajet qui aurait dû prendre trois heures, ça a pris plus de huit heures! En d’autres mots, c’est comme si ça avait pris toute la journée pour faire le trajet Montréal-Québec…

marché de Djenine

Le marché de Djenine.
Cette ville palestinienne est située
complètement au nord de la Cisjordanie.
(photo : C. Boyer)

     Sous la ville actuelle de Djenine se trouve peut-être la ville de Beth-haGân, mentionnée uniquement dans le deuxième livre des Rois, vers laquelle, au IXe siècle avant notre ère, s’enfuit le roi de Juda Ahazia (Ochozias), poursuivit par le roi d’Israël Jéhu (2 R 9,27). Aujourd’hui Djenine est une ville palestinienne très militante. C’est ici d’ailleurs qu’a eu lieu, il y a quelques années, le « massacre de Djenine », alors que l’armée israélienne était entrée dans la ville et, pendant une dizaine de jours, avait tué une cinquantaine de présumés terroristes, tout en empêchant les organisations humanitaires d’entrer dans la ville.

     Ici, comme dans le reste des territoires palestiniens, on trouve beaucoup d’affiches de propagande pro-palestinienne. Les Palestiniens victimes de l’armée israélienne, tout comme ceux qui se sont suicidés dans un attentat terroriste, sont perçus comme des héros et désignés « martyrs ». Même les enfants sont très fiers de leurs martyrs. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’un enfant palestinien porte au cou un médaillon avec la photo d’un frère ou d’un cousin « mort au combat ». À Djenine, un petit garçon voulait poser près des affiches de martyrs que je m’apprêtais à photographier….

propagande

À Djenine, un petit garçon est fier de poser à côté d’affiches de propagande palestinienne sur lesquelles figurent Yassine (en haut), le chef fondateur du Hamas assassiné un mois plus tôt, ainsi que des jeunes combattants palestiniens, mitraillette à la main, qui semblent n’avoir même pas 15 ans.
(photo : C. Boyer)

     À quelques kilomètres au sud de Djenine se trouve le site d’une ancienne ville biblique que je tenais à visiter, celui de Tell el-Farah, qui a été fouillé au lendemain de la Seconde Guerre par Roland de Vaux, de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem. Guy Couturier, professeur retraité de l’Université de Montréal qui écrit la chronique archéologique sur interBible, a participé à ces fouilles alors qu’il était encore étudiant à l’École biblique. Tell el-Farah se trouve à proximité du village de Farah, comme l’indique son nom, mais il n’a jamais été restauré après les fouilles archéologiques et n’est donc signalé nulle part. Nous nous sommes donc rendus dans le village de Farah pour demander aux gens s’ils connaissaient l’existence de ce site.

     Comme on s’y attendait, les renseignements des villageois n’étaient pas toujours clairs ni cohérents. L’impression qu’on a parfois avec les gens en Palestine lorsqu’on leur demande une indication, c’est qu’ils en ont toujours une à fournir, même lorsqu’ils ne savent pas du tout où se trouve l’endroit qu’on recherche… On dirait qu’ils veulent absolument aider et ne pas décevoir, alors ils indiquent une direction, n’importe laquelle. Sans doute croient-ils que cela vaut mieux que de n’en donner aucune. Et après tout, peu importe le point cardinal qu’ils désignent, ils ont toujours à peu près une chance sur quatre d’avoir raison…

mosquée

Petite mosquée surmontée d'un beau minaret dans le village palestinien de Farah.
Encore des affiches de «martyrs» palestiniens, juste au dessus de l’entrée de la mosquée.
(photo : C. Boyer)

     En marchant par ici et par là à la recherche de Tell el-Farah, Lucie et moi avons fait la connaissance d’une Palestinienne qui, transportant un bol sur sa tête, nous a demandé de la suivre ; elle voulait nous donner du pain, qu’elle s’en allait faire cuire, comme à chaque jour je présume, de la même manière qu’on le faisait dans l’Antiquité, à l’époque de Jésus, par exemple. Non loin de là, sur le bord du sentier qui mène à sa maison, il y avait une cabane abritant un petit four circulaire appelé tannour, comme dans la Bible, à moitié enfoncé dans le sol et dont le fumier de vache sert de combustible. Le four était déjà chaud lorsque nous sommes arrivés.

     Après s’être assise tout près du tannour, la femme a d’abord fait des boulettes avec la pâte qu’elle avait emportée, puis elle les a aplaties dans la farine pour en faire des galettes très minces qu’elle a ensuite déposées sur les petites pierres chaudes au fond du four. Le temps qu'elle prépare d'autres boulettes, le pain était cuit. Ce pain délicieux, préparé de cette façon encore régulièrement en Palestine, moisit rapidement et se conserve difficilement au-delà d’une journée, d’où l’importance de se procurer son «pain quotidien», de nos jours comme il y a deux mille ans (Mt 6,11).

Boulangère

En Palestine, on fait encore régulièrement le pain
comme on le faisait aux temps bibliques.
(photo : C. Boyer)

     C’est non loin de là qu’on a ensuite trouvé le site archéologique de Tell el-Farah. Ou du moins, ce qu’il en reste. Car le site n’a jamais été entretenu, alors les pierres qui jadis constituaient les fondations d’habitations mises au jour par Roland de Vaux sont aujourd’hui presque totalement recouvertes par la poussière ou cachées dans les hautes herbes. J’avais un plan des fouilles, alors j’ai pu identifier quelques structures, mais ce n’était vraiment pas facile d’y voir clair! Pas grave! J’étais bien heureux d’entrevoir les modestes ruines de ce qui a été la première capitale du royaume d’Israël : Tell el-Farah, alias Tirça.

     C’est en effet à Tirça que Jéroboam établit sa capitale après la scission du royaume à la mort de Salomon. Jéroboam avait d’abord été l’intendant de Salomon, mais il s’était révolté contre lui et avait été acclamé roi par les tribus du Nord. Tirça ne resta capitale qu’une cinquantaine d’années, déclassée par Samarie au temps du roi Omri, et son palais ne fut jamais terminé. Mais Tirça resta tout de même aux IXe et VIIIe siècles avant notre ère une des cités importantes du royaume. La beauté de cette ancienne capitale d’Israël, comme celle du royaume de Juda, a inspiré l’amoureux du Cantique des cantiques qui s’adresse ainsi à sa bien-aimée : « Tu es belle, mon amie, comme Tirça, charmante comme Jérusalem, redoutable comme des armées prêtes à combattre » (Ct 6,4).
 

restes d'habitations

Restes d’habitations du IXe siècle avant notre ère,
époque à laquelle Tirça inspirait les poètes…
(photo : C. Boyer)

     Après notre visite de Tell el-Farah, la prochaine destination que nous nous étions fixée était Naplouse. Ce n’est pas loin et c’est une grosse ville, s’y rendre ne devrait donc pas être bien compliqué. Mais ça l’a été, comme il fallait s’y attendre! C’est la Cisjordanie… Mais ce à quoi on ne s’attendait pas, c’est que cette balade soit aussi rocambolesque! Je vous la raconterai le mois prochain.

Chrystian Boyer

Article précédent :
La fête des Tentes à Jérusalem

 

 

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