La mer du Sel

La mer Morte est cet immense lac dans lequel se déverse le fleuve du Jourdain. Située en plein désert, elle est bordée à l’ouest par les monts de Judée, en Israël-Palestine, et à l’est par ceux de Moab, en Jordanie. Dans la Bible la mer Morte est souvent appelée « mer du Sel » (Gn 14,3; Jos 18,19), et avec raison : elle est tellement salée que pas un seul poisson ne peut y vivre!

La mer Morte. À droite : Massada
(photo : C. Boyer)

     La mer Morte est saturée en minéraux. Elle est alimentée par le Jourdain et d’autres rivières secondaires, mais le niveau d’eau ne cesse de diminuer chaque année. Elle est située à 411 mètres sous le niveau de la mer; il s’agit du point le plus bas de la planète. Il y fait une chaleur telle qu’au cours des cent dernières années l’évaporation a fait baisser de 12 mètres le niveau de la mer Morte! Différents plans de sauvetages ont été proposés, mais aucun n’a été mis à exécution à ce jour. C’est l’abaissement constant du niveau d’eau occasionné par cette évaporation importante ainsi que par la rareté des pluies qui a entraîné l’augmentation de la salinité. Alors que la salinité normale d’un océan est d’environ 4%, la mer Morte est constituée de 25% de sel.

Aujourd’hui, mais déjà aussi dans l’Antiquité, des centres
de détentes tirent profit des sels minéraux et des sources sulfureuses
et thermales des rives de la mer Morte, comme ici à Mineral Park.
(photo : C. Boyer)

     Le sel de la mer Morte est exploité depuis très longtemps, surtout à des fins culinaires, comme agent de conservation et pour donner du goût aux aliments. Aujourd’hui, le sel de la mer Morte est utilisé dans plusieurs gammes de produits de beauté et de soin de la peau. Le bitume (l’asphalte) est une autre ressource naturelle de la mer Morte exploitée depuis longtemps. Déjà au VIIIe millénaire avant notre ère on se servait du bitume comme isolant et pour recouvrir et décorer des crânes humains dans le cadre de cultes aux ancêtres; de tels crânes ont été retrouvés à Nahal Hémar, au sud de la mer Morte, ainsi qu’à Jéricho, au nord. Les anciens se servaient aussi du bitume pour étanchéifier les coques des bateaux ou encore les paniers d’osier tressé. Les Nabatéens transportaient le bitume jusqu’en Égypte où il servait à l’embaument des morts. Aujourd’hui, on retrouve plusieurs usines de potasse, de bromure et de magnésium au sud de la mer Morte.

Les rives arides de la mer Morte, au sud, sont jonchées de gros blocs
de sel et on y trouve plusieurs usines.
(photo : C. Boyer)

     C’est au sud de la mer Morte que la Bible situe Sodome et Gomorrhe. Ces villes cananéennes n’ont laissé aucune trace archéologique. La zone sismique importante au milieu de laquelle est située la mer Morte ainsi que les risques d’explosions et d’incendies dus à la présence de gaz naturels sous la mer sont peut-être à l’origine de l’épisode biblique du cataclysme qui emporta ces villes (Gn 19,24-25). Et les agglomérations de sel qui forment de curieuses silhouettes dans cette région pourraient bien avoir inspiré la tradition concernant la femme de Lot, neveu d’Abraham, transformée en statue de sel lors de la destruction de Sodome et de Gomorrhe (Gn 19,26).

     La ville de Sodome a donné son nom à l’acte sexuel par lequel ses habitants voulurent abuser des messagers de Yahvé (Gn 19,1s). Ce n’est cependant pas sur leurs pratiques sexuelles que le récit porte l’attention, mais plutôt sur la violence que les habitants de la ville s’apprêtaient à faire subir aux étrangers. Et ce manque flagrant d’hospitalité n’était pas leur seul vice : « Les gens de Sodome étaient de grands scélérats et pécheurs contre Yahvé. » (Gn 13,13) Lorsque Abraham demande à Yahvé d’épargner la ville afin que les justes qui s’y trouvent ne périssent pas, il ne réussit à y trouver ni cinquante justes, ni quarante-cinq, ni quarante, ni trente, ni vingt, ni même dix justes (Gn 18,22-33). Sodome est alors châtiée et seuls Lot et ses filles sont sauvés ; sa femme, par contre, désobéît à l’ordre divin de ne pas se retourner…

     Sodome et Gomorrhe sont devenus le symbole du châtiment de Yahvé. Dans les évangiles, Jésus fait allusion à la destruction de ces deux villes lorsqu’il indique ce qu’il adviendra des villes qui, comme elles, manqueront d’hospitalité envers les disciples qu’il leur aura envoyés (Mt 10,15). Plus loin, il menace ainsi Capharnaüm, réfractaire à la Bonne Nouvelle : « Si les miracles qui ont eu lieu chez toi avaient eu lieu à Sodome, elle subsisterait encore aujourd'hui. Aussi bien, je vous le dis, pour le pays de Sodome il y aura moins de rigueur, au Jour du Jugement, que pour toi. » (Mt 11,23-24).

Lorsqu’on apporte un journal ici, c’est pour prendre une photo et non pour lire…
car contrairement à ce qu’il paraît, la position est très inconfortable!
(photos : C. Boyer)

     Il m’est arrivé à plusieurs reprises, alors que je résidais à Jérusalem, d’aller faire un tour à la mer Morte. La route qui longe la rive ouest de la mer passe près du site et des grottes de Qumrân (ou les manuscrits « de la mer Morte » ont été découverts), par la luxuriante oasis d’Ein Gedi (cascades d’eau, chemins de randonnée) et près de la forteresse de Massada. Quand on arrive à la mer Morte par le désert de Judée, c’est impressionnant de voir cette énorme cuvette, de l’admirer du haut des falaises abruptes qui la bordent; la couleur du sable tranche avec celle de la mer.

     La mer Morte héberge quelques plages et les familles israéliennes viennent y passer la journée. C’est seulement à environ une heure et demie de Jérusalem. Une activité populaire : s’enduire le corps de boue; il paraît que ça revitalise la peau. Des plages sont aussi aménagées du côté jordanien. La seule différence : les femmes se baignent toutes habillées. Et ce n’est certainement pas pour se protéger du soleil : la couche atmosphérique est plus importante, les rayons ultraviolets sont donc davantage filtrés, d’où l’improbabilité d’attraper un coup de soleil.

Impossible de couler!
(photo : C. Boyer)

     Lorsqu’on se baigne dans la mer Morte, la densité de l’eau est si élevée qu’on flotte à la surface; impossible de couler! On a l’impression de se baigner dans de l’huile. Certains ne trouvent pas particulièrement agréable une baignade dans ce lac d’eau chaude et visqueuse où on ne peut réellement nager et où il faut garder la tête hors de l’eau afin d’éviter que cette soupe de chlorures n’entre en contact avec les lèvres ou les yeux. Pour apprécier, il suffit de rester sagement sur le dos et de se laisser bercer par cette mer calme où il règne un silence… de mort.

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