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chronique du 25 juin 2010
 

Le monde de la Bible au Louvre (2e partie)

La visite des collections proche-orientales des musées est une excellente façon de découvrir le monde de la Bible. Faisant suite à un article publié précédemment, voici quelques autres artéfacts que l’on peut contempler au musée du Louvre et qui nous mettent directement en contact avec l’univers biblique.

un adorateur venu porter un agneau à sa divinité

Deux statuettes d’un adorateur venu porter un agneau à sa divinité.
(photo : C. Boyer)

     Le monde de la Bible est sans conteste un monde polythéiste. Le monothéisme, en Terre sainte, s’est développé dans un contexte où toutes les civilisations environnantes vénéraient plusieurs divinités. Bien que le culte théocentrique pouvait prendre des formes diverses, généralement il se déroulait dans un lieu sacré, le temple, et nécessitait une statue, habituellement une sorte de mannequin, qui incarnait la divinité. Chaque dieu avait son temple ainsi que sa statue, certaines divinités importantes pouvaient même en avoir plusieurs.

     Les statues divines étaient l’objet d’une attention semblable à celle portée aux rois : elles étaient toilettées, vêtues, maquillées, priées, promenées en litière, diverties, et bien sûr nourries. La Bible tourne évidemment en dérision ces « idoles » de bois et d’argile. Ainsi, au chapitre 6 du livre de Baruch, où les mots suivants sont mis dans la bouche de Jérémie à l’époque de l’Exil : « Vous allez voir à Babylone des dieux d'argent, d'or et de bois, qu'on porte sur les épaules et qui inspirent crainte aux païens… Que la crainte ne vous saisisse pas devant ces dieux, quand vous verrez la foule qui les adore... Il est clair que ce ne sont pas des dieux… Les met-on debout, ils ne peuvent d'eux-mêmes se mouvoir; penchent-ils, ils ne peuvent se redresser. C'est comme devant des morts qu'on leur présente des offrandes. » (Ba 7-26)

vase à libation utilisé lors du culte au dieu Ningishzida

Un vase à libation utilisé lors du culte au dieu Ningishzida.
(photo : C. Boyer)

     Le culte sacrificiel a rarement une fonction expiatoire en Mésopotamie; les sacrifices sont presque toujours des repas servis aux divinités et ont une fonction propiatoire, c'est-à-dire qu’ils visent à rendre la divinité favorable au fidèle. On nourrissait les divinités principalement de pain et de viande. Pour la viande, la pratique habituelle ne consistait pas à abattre l’animal sur l’autel, comme c’était le cas chez les Hébreux, mais à offrir à la divinité une viande déjà cuite et présentée dans une riche vaisselle. On offrait aussi aux dieux différentes boissons, comme du vin, de la bière ou encore de l’eau, versées en libations. Ces repas sacrés étaient servis quatre fois par jour, et si on en croit les listes qu’on a retrouvées, les divinités se voyaient offrir une quantité très importante de nourriture.

     Mais qui mangeaient tous ces vivres? On en trouve la réponse dans le Daniel grec, le chapitre 14 du livre de Daniel. Dans ce récit, qui porte le titre « Daniel et le dragon », les repas offerts au grand dieu babylonien Marduk (le « dragon » ou « serpent ») sont présentés comme une supercherie : lorsque la nuit tombe, des prêtres empruntent un passage secret dans le temple afin de dérober les victuailles offertes plus tôt au dieu. Les Hébreux tournent ici en ridicule le culte sacrificiel étranger afin de le discréditer. Mais en réalité, tout le monde en Mésopotamie savait bien que les dieux « mangent par les yeux » et ce n’était un secret pour personne que les repas sacrificiels servaient à nourrir les prêtres. Des textes mésopotamiens précisent même la répartition des parts du repas entre les prêtres. On retrouve la même pratique chez les Hébreux et la Bible précise clairement quelles parties des animaux offerts à Yahvé reviennent au dieu, aux prêtres et à l’offrant (voir par exemple Lv 8,28-34).

Sceau-cylindre représentant le dieu Enk

Sceau-cylindre représentant le dieu Enki, et l’empreinte du sceau dans l’argile.
(photo : C. Boyer)

     Une des divinités mésopotamiennes très appréciées de la population était le dieu Enki (alias Ea). Il avait son temple à Eridu, la ville considérée traditionnellement comme la plus ancienne de la Mésopotamie. C’était un dieu du savoir et de la sagesse. Il était rusé et intelligent; dans la mythologie, lorsque les autres divinités sont dans l’embarras, c’est à l’ingénieux Enki qu’elles quémandent une solution. Enki est aussi un dieu créateur. Dans le grand mythe du Super Sage (l’Atrahasis), c’est lui qui crée l’humanité, qu’il modèle dans l’argile comme un potier. On retrouve une image semblable dans la Bible (voir Is 64,7).

     Enki était perçu comme une divinité bienfaitrice. Dans le mythe du Super Sage, lorsque Enlil, une autre divinité mésopotamienne, décide de faire disparaitre l’humanité devenue trop bruyante, c’est Enki qui fournit aux humains les moyens d’échapper aux fléaux divins (épidémie, sécheresse…). C’est d’ailleurs lui qui informe en secret un humain, le Super-Sage, de l’imminence de l’énorme inondation planifiée par Enlil pour éliminer les humains. Grâce aux conseils d’Enki, le Super Sage construit un bateau, y embarque sa famille et divers animaux, et permet à l’humanité de survivre au Déluge. Ce récit mésopotamien est à peu près de mille ans plus ancien que son correspondant biblique (Gn 6,5-9,17).

Vase sur lequel est représentée la déesse Ishtar (Inanna)

Vase sur lequel est représentée la déesse Ishtar (Inanna).
(photo : C. Boyer)

     La divinité féminine ayant connu le plus de ferveur au Proche-Orient est la déesse Ishtar (Inanna à l’époque sumérienne). Son succès fut tel que le culte des autres divinités féminines finit bientôt par être complètement absorbé par le sien. Cette déesse de fertilité et de fécondité, propriétés essentielles à toute société agraire, possédait au moins trente-cinq lieux de culte en Babylonie (sud de la Mésopotamie) et était l’« héroïne » de plusieurs grands mythes mésopotamiens. On appelait Ishtar la « Reine du ciel et de la terre ».

     La popularité du culte d’Ishtar s’est rendu jusqu’en Palestine, en Juda. Dans le livre de Jérémie, le prophète dénonce « toute ces maisons où, sur la terrasse, on brûle des offrandes à toute l’armée du ciel et on répand des libations à d’autres dieux » (19,13). Jérémie mentionne d’ailleurs précisément un culte familial en l’honneur d’Ishtar : « Les enfants ramassent des fagots; les pères allument le feu et les femmes pétrissent la pate pour faire des gâteaux à la Reine du ciel » (7,18). Ces gâteaux portaient le nom de Kamanu en Mésopotamie et étaient préparés avec des figues et du miel. Jérémie précise qu’ils prenaient la forme de la déesse (Jr 44,19).

Moules à gâteaux en forme de personnage féminin et de bovidés à l’intention de divinités

Moules à gâteaux en forme de personnage féminin et de bovidés à l’intention de divinités.
(photo : C. Boyer)

Chrystian Boyer

Lire la première partie :
Le monde de la Bible au Louvre

Article précédent :
Jésus et la Terre Sainte

 

 

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