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chronique du 17 février 2017

 

Faire parler les ruines de Samarie

Samarie

Samarie et les environs (photo © Antikforever.com)


Site très peu fouillé, les ruines de Samarie ne sont pas à première vue très faciles à lire. Mais si le pèlerin a choisi de traverser le pays du nord au sud, ou en remontant de Jérusalem, qu’il ne se prive pas de ce joyau où résonne encore la voix des grands prophètes du Nord.

Son nom en hébreu, Shomron, signifie la gardienne, la surveillante, l’équivalent du mont Scopus à Jérusalem, en somme. De fait elle est bâtie sur une hauteur. La troisième et ultime capitale du royaume du Nord, voulue vers 880 par Omri, est édifiée sur un sol vierge en ce début de IXe siècle avant J.-C. Le choix est judicieux, cette éminence est entourée de montagnes, et donc de creux profonds, qui la protègent ; sa position dominante a été très vite renforcée par un soutènement artificiel. On dit que du sommet de son temple on pouvait embrasser d’un large regard panoramique la dépression du Jourdain à l’est et la Méditerranée à l’ouest… Jézabel l’épouse du roi Achab pouvait ainsi par beau temps, en regardant au nord-ouest, apercevoir les rivages de sa patrie d’origine.

Jusqu’au milieu du VIIIe siècle les successeurs d’Omri (885-874), Achab (874-853) et surtout Jéroboam II (785-743) ont poursuivi la croissance et l’embellissement de la ville à l’intérieur de son mur à casemates : donjon à proximité du palais royal lui-même pratiquement adossé au temple. Quelques descriptions en sont données par son principal détracteur, le prophète Amos.

Le bouvier, tel qu’il se présente lui-même (Am 1,1 et 7,14), pourtant originaire de Teqoa, village de la campagne de Bethléem, a été missionné par Dieu pour parler au pouvoir en place à Samarie. Ses reproches vont aux riches qui trompent les pauvres et accumulent luxe et injustices, comme au clergé qui dévoie le culte.

De nombreuses scènes historiques se déroulent à Samarie et notamment avec le prophète Élie fortement opposé au pouvoir d’Achab. 1 R 21,19-21 : « Tu as assassiné et de plus tu usurpes! C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur, à l’endroit même où les chiens ont lapé le sang de Nabot, les chiens laperont ton sang à toi aussi. » Achab dit à Élie : « Tu m’as donc rattrapé, mon ennemi! » Élie répondit : « Oui je t’ai rattrapé, parce que tu as agi en fourbe, faisant ce qui déplaît au Seigneur. » De même avec son fils Ochozias (853-852; lire 2 R 1,1-18).

Amos et Osée se sont sans doute croisés dans les rues de Samarie, sans qu’aucun ne mentionne jamais l’autre. Chacun des deux livres s’ouvre avec la même indication chronologique. Am 1,1 : « Ce qu’il vit sur Israël au temps de Jéroboam, deux ans avant le tremblement de terre. » (733) ; Os 1,1 : « Au temps de Jéroboam roi d’Israël. » Osée porte un regard pénétrant sur l’événement de l’Exode, genèse du peuple, comme un temps sur lequel il faudrait revenir afin de retrouver la pureté des relations avec Dieu.

théâtre romain de Samarie

Le théâtre romain en contrebas de la cité d’Omri qui n’était plus, à l’époque, que l’acropole de la ville (photo © MAB/CTS)

D’une superficie de 10 ha à l’époque israélite, Samarie en comptait 80 à l’époque romaine. Une grande partie de son embellissement est due aux occupants hellénistiques, des colons macédoniens installés là par la mansuétude d’Alexandre. Grecs puis Romains ont modifié et agrandi le temple, qui sera plus tard dédié à Auguste, bâti un hippodrome, un théâtre, et l’antique cité d’Omri n’était plus que son acropole, dominant colonnades et boutiques, ainsi qu’une basilique civile. Octave Auguste l’offrira à Hérode le Grand qui, par reconnaissance, lui donnera le nom de Sébaste, qui signifie Auguste en grec, et y installera 6000 vétérans. Entre 193 et 212, l’empereur Septime Sévère dirigea les derniers agrandissements et rénovations.

Samarie : édicule à l'intérieur de la cathédrale croisée

Édicule musulman édifié à l’intérieur des ruines de la cathédrale croisée. Ce qui donne une idée de sa taille et de la dévotion tant chrétienne que musulmane attachée à Jean-Baptiste, car sous ce petit dôme se trouve, selon une tradition, la dernière prison du Précurseur. (photo © MAB/CTS)

À l’époque byzantine elle perdra de son importance, au profit de la grande ville, Neapolis, aujourd’hui Naplouse, installée 10 km plus au sud. Siège épiscopal, on connaît le nom de l’évêque Macrinus présent au Concile de Nicée en 325, elle s’est dotée d’une cathédrale consacrée à Jean Baptiste le Précurseur ; agrandie par les Croisés en 1283, celle-ci fut une des plus belles de Terre Sainte, à trois nefs avec crypte que l’on prenait pour la prison du Baptiste. En effet une tradition du milieu du IVe siècle, relayée par saint Jérôme, voyait là la dernière résidence et le lieu de l’exécution de Jean parce qu’on savait cette ville liée à Hérode. Par ailleurs le texte de Flavius Josèphe qui situe l’épisode à Machéronte au-delà du Jourdain n’était pas connu. Ses ruines abritent maintenant une mosquée vouée à nebi Yahia, le prophète Jean. Les invectives de Jean sont aussi tellement semblables à celles des prophètes anciens que le rapprochement se fait naturellement.
Au sud de l’acropole, sur un étage de la pente qui descend vers la grande rue à colonnades, subsistent les ruines d’une petite église dédiée également à Jean Baptiste. Une minuscule crypte offrait des murs peints qui sont aujourd’hui complètement ravagés, les traces de peinture ayant disparu et celles-ci avaient été remplacées naïvement par des icônes modernes. Elles ont récemment disparu.

église dédiée à Jean-Baptiste

Les pèlerins font halte dans la petite église dédiée à Jean-Baptiste, un peu à l’écart de la ville. (photo © MAB/CTS)

Les visiteurs pourront s’installer sur les gradins du théâtre et déclamer les oracles d’Osée et Amos. Il n’est pas inintéressant de les mettre en rapport avec le passage du veau d’or dans le livre de l’Exode. En effet une phrase alerte le lecteur Ex 32,4 : « Voici tes dieux Israël qui t’ont fait monter du pays d’Égypte! » Dite à l’identique au mot près par le roi Jéroboam en 933 quand est décidée la sécession d’avec les tribus du sud et que les dix tribus du nord forment un autre royaume (1 R 12,28). Pour éloigner son peuple de la capitale judéenne le roi fait construire deux temples, l’un à Dan à l’extrême nord de son territoire et l’autre à Bethel en territoire de Samarie. Ce sont bien les mêmes termes et l’Histoire les aura certainement retenus de la bouche de Jéroboam. Il est donc probable que l’insertion de ce passage dans l’épisode fondateur de l’Exode invite à lire combien le péché est malheureusement toujours proche de l’offre de salut dont le peuple vient de bénéficier, mais ce sont les paroles de la fin du Xe siècle qui ont marqué les esprits.

Installés dans la petite église médiévale, les pèlerins poursuivront la visite avec des passages du Nouveau Testament : Jésus en effet n’a pas évité la région (Lc 9,51-56) et ne s’est pas laissé arrêter par l’animosité sclérosante entre juifs et samaritains (Lc 10,29-37, Jn 4,1-42). Les disciples, lors de la première persécution que subit la communauté chrétienne, s’y sont réfugiés : « Une violente persécution se déchaîna contre l’Église de Jérusalem. Tous, à l’exception des apôtres, se dispersèrent dans les campagnes de Judée et de Samarie. » (Ac 8,1) Première évangélisée, la province a donné saint Justin un des plus fameux apologistes chrétiens, martyr en 165.

sommet de Samarie

Le sommet de toute la cité, l’escalier monumental, large de 25 m, menant au temple hérodien, agrandi par Septime Sévère, tous deux élevés par-dessus les édifices de l’époque royale. On ne peut pas faire plus haut! (photo © MAB/CTS)

Aujourd’hui pauvre bourgade, Sébastyié la luxueuse, offre toujours ces superbes points de vue sur les plantations d’oliviers qui verdissent les collines de Samarie ; elle donnera aux pèlerins l’occasion de méditer sur les tentations multiples de la richesse, sur le péché de non-reconnaissance des biens donnés par Dieu, sur l’Histoire d’Israël depuis l’Exode relue à l’aune de la prévenance continue du Seigneur.

Source : Terre Sainte magazine 643 (2016) 6-11 (reproduit avec autorisation).

Claire Burkel

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Kursi et le démoniaque gadarénien

 

 

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