La restuauration du rouleau (photo © Gali Tibbon / AFP)

Qumrân : un nouveau manuscrit décrypté

Sylvain CampeauSylvain Campeau | 26 février 2018

Deux chercheurs israéliens du département d’études biblique de l’Université d’Haïfa (Israël) ont restauré et décrypté le texte d’un rouleau de Qumrân cinquante ans après sa découverte. Le texte parle d’un calendrier de 364 jours utilisé par les Esséniens, une secte juive dissidente de la période du Second Temple.

Les deux chercheurs, Eshbal Ratzon et Jonathan Ben-Dov, ont rassemblé une soixantaine de fragments (dont certains sont inférieurs à 1 cm2) qu’on tenait jusqu’à tout récemment comme des morceaux appartenant à des manuscrits différents [1]. Un premier indice les a guidé dans leur découverte : le texte hébreu est écrit dans un langage codé. Et, deuxième indice, le scribe a fait quelques erreurs et ce sont les corrections, les marginalia, apportées par un autre professionnel de l’écriture qui ont déterminé l’origine unique de tous les fragments.

Après plusieurs années d’études minutieuses des fragments, les universitaires ont restauré un texte qui détaille les dates les plus importantes du calendrier utilisé par la secte juive. Le rouleau fait référence à un calendrier de 364 jours par opposition au calendrier lunaire qui était utilisé à Jérusalem et qui est encore en vigueur dans la pratique religieuse juive aujourd’hui. Ce calendrier de 364 jours peut être divisé en quatre ou en sept ; cette manière de répartir les jours d’une année permettait ainsi d’établir un calendrier « parfait » où aucune fête ne coïncide avec le Shabbat. « Le calendrier de Qumrân est immuable et il semble avoir incarné les croyances des membres de cette communauté concernant la perfection et la sainteté » ont expliqué les chercheurs dans un communiqué de presse.

Le rouleau révèle également pour la première fois, dans la littérature de cette époque, le nom donné par les Esséniens aux quatre jours marquant la transition entre les saisons. Chacune de ces journées spéciales est désignée par le mot tekufah qui, en hébreu moderne, signifie « période ». Le terme est connu des chercheurs car il est utilisé dans la littérature rabbinique ultérieure.

Une autre particularité du rouleau est qu’il décrit deux festivités qui ne sont pas mentionnées dans la Bible mais qui figurent dans le Rouleau du Temple, un autre texte produit par le mouvement sectaire. Ces deux fêtes qui ont disparues – vin nouveau et huile nouvelle – étaient une extension de la fête de Shavouot qui célèbre le blé nouveau. « Selon ce calendrier, la fête du blé nouveau tombe 50 jours après le premier Shabbat suivant la Pâque; la fête du vin nouveau arrive 50 jours plus tard; et après un nouvel intervalle de 50 jours, la fête de la nouvelle huile est célébrée », expliquent les chercheurs.

Le manuscrit mentionne également un certain nombre de mots et d’expressions qui figurent dans la Mishna [2]. « Cela montre une fois de plus que plusieurs des sujets discutés par les scribes plusieurs siècles plus tard avaient des origines antérieures à la période du Second Temple » concluent les chercheurs.

Sylvain Campeau est bibliste et webmestre du site interBible.

[1] Baptisé 4Q324d, ce rouleau de la grotte 4 a fait l’objet d’une publication : E. Ratzon and J. Ben-Dov, « A Newly Reconstructed Calendrical Scroll from Qumran in Cryptic Script », Journal of Biblical Literature 136/4 (2017) 905-933.

[2] La Mishna est la compilation écrite des lois orales juives et est considérée comme le premier ouvrage de la littérature rabbinique.

Le furet biblique

Le furet biblique

Initiée en 2001 par Gérard Blais, du Centre biblique Ha’rel (Saint-Augustin), cette rubrique s’inspire souvent de l’actualité pour poser un regard sur le judaïsme, le christianisme ou l’univers culturel de la Bible.