Le haut du manuscrit (photo © Bibliothèque du Congrès)

La Bibliothèque du Congrès fait l’acquisition d’un fragment très ancien de la torah

Sylvain CampeauSylvain Campeau | 21 mai 2018

La Bibliothèque du Congrès a fait l’acquisition récemment d’un fragment de rouleau d’une torah très ancienne datant du 10e ou 11e siècle. Même si les manuscrits de la mer Morte lui sont antérieurs d’environ un millénaire, la nouvelle mérite qu’on s’y attarde parce que le texte du fragment présente une forme très ancienne qui nous rapproche du travail des massorètes, ces savants juifs qui ont produit, entre le 6e et le 10e siècle, ce que nous appelons le « textus receptus » ou le texte hébreu qui fait autorité.

Le fragment écrit à l’encre noire sur parchemin (peau de veau) est très bien conservé. Il contient cinq colonnes de texte et raconte la libération d’Égypte (Exode 10,10-16,15). Le récit commence avec l’une des plaies d’Égypte (l’infestation des sauterelles) et se termine avec le don de la manne au désert. Sur la colonne de gauche, on peut voir le chant de la mer (Ex 15,1-18) : sa présentation se distingue visuellement du reste du texte. Les mots sont disposés comme des briques sur un mur : cette présentation est caractéristique depuis le travail des massorètes et ne se retrouve pas dans les manuscrits de la mer Morte ou les premiers grands codex.

La bibliothèque a fait l’acquisition du manuscrit par l’intermédiaire de Gary A. Rendsburg, historien de l’Université Rutgers (New Jersey). Le fragment était connu des chercheurs même s’il a été vendu aux enchères en 2001 par la Maison Christie’s. Avant la vente et son acquisition par un collectionneur privé, Jordan Penkower, chercheur à l’Université Bar-Ilan (Israël) avait eu la permission d’analyser le document et de le décrire dans un article scientifique [1].

Selon une inscription en hébreu et en russe au dos du fragment, le parchemin a été offert en 1863 par Shelomo Beim (1817-1867) au grand-duc Constantin, frère du tsar Alexandre II. Selon les experts, l’analyse du texte, de la forme de l’écriture, de la manière dont le texte est divisé et de la présentation visuelle du cantique de la mer, le manuscrit aurait été transcrit au Proche-Orient.

Le document est un témoignage important de la transmission du texte biblique et sera conservé à la section hébraïque de la Division Afrique et Moyen-Orient de la Bibliothèque du Congrès à Washington.

Codex et rouleau

Les premiers chrétiens ont rapidement adopté le codex comme support pour leurs Écritures. Ancêtre du livre, le codex (codices au pluriel) est un ensemble de feuilles de papyrus ou de parchemin et sont reliées sur le côté. Il faut attendre au 8e ou au 9e siècle pour voir les Juifs adopter le codex. Le codex d’Alep, par exemple, date de 920 environ et celui de Saint-Pétersbourg (Leningrad) date de 1009-1010 de notre ère. Les codices étaient toutefois réservés à l’étude. Pour l’usage liturgique, on continuait d’utiliser les rouleaux et cette pratique se poursuit encore aujourd’hui.

Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction.

[1] Jordan S. Penkower, « A Sheet of Parchment from a 10th or 11th Century Torah Scroll : Determining its Type among Four Traditions (Oriental, Sefardi, Aschenazi, Yemenite) », Textus 21 (2002) 235-264.

Le furet biblique

Le furet biblique

Initiée en 2001 par Gérard Blais, du Centre biblique Ha’rel (Saint-Augustin), cette rubrique s’inspire souvent de l’actualité pour poser un regard sur le judaïsme, le christianisme ou l’univers culturel de la Bible.