Le christianisme a commencé par un beau scandale, celui de la croix. C'est un Messie crucifié que les premiers chrétiens prenaient pour leur Seigneur, et qu'ils proclamaient ressuscité d'entre les morts. Mais Jésus n'en était pas à son premier scandale. Dans son récit de la vie du Messie crucifié, Matthieu commence par raconter une naissance non moins scandaleuse.

     À l'origine de Jésus Christ, il y a la honte publique d'une femme enceinte avant la cohabitation avec son époux désigné. Imaginons les racontars qui courent au village, les regards, les suspicions, le mépris! Imaginons le doute qui ronge Joseph, la pensée insidieuse d'avoir été trahi par celle qu'il aimait… Imaginons l'angoisse des nuits sans sommeil à se demander quoi faire maintenant! S'il dénonce publiquement Marie, s'il la répudie, elle sera lapidée aux portes de la maison de son père, comme la Loi de Moïse le prescrit en pareil cas (Dt 22,20-21). Or Joseph est un homme juste et miséricordieux, il ne veut pas voir son épouse mourir atrocement devant ses yeux…

     Le coeur de Joseph est brisé; il décide de laisser Marie en secret, pour lui épargner la vie. C'est alors qu'un songe lui fait voir les choses autrement. Dieu renouvelle sa confiance en Marie, comme aux premiers jours où leurs regards se croisaient au village… Dieu lui inspire le courage de la fidélité dans les épreuves. Et si l'enfant qu'elle portait était l'enfant de la promesse? Serait-ce lui, Joseph, qui barrerait la route à l'Esprit de Dieu venu sauver son peuple? Jamais! Le lendemain matin, fort de sa foi en Dieu, Joseph décide de prendre Marie chez-lui et de nommer l'enfant "Yeshouah", c'est-à-dire "le Seigneur sauve".

     Le Dieu des Chrétiens n'est pas un Dieu du " que dira-t-on? " Il n'est pas non plus un Dieu à la mode, un Dieu " in ", facile à suivre en public. La renommée et les honneurs humains ne sont pas son fait. Il vit parmi les exclus et les rebuts de la société bien pensante. Il ne fréquente pas la haute ville et ses lumières, mais la basse ville et ses ruelles sombres. Son Fils vient au monde dans un foyer presque monoparental, mal vu des voisins, au bord de la rupture, pour y semer le bonheur et la paix. Ce Dieu scandaleux, l'accueillerons-nous chez-nous? Aurons-nous honte de notre Dieu? Vivrons-nous notre foi en cachette? Abandonnerons-nous le Christ et sa mère en secret?

Rodolfo Felices Luna

Source: Le Feuillet biblique, no 1863. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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