Il devait rire dans sa barbe en les voyant faire table commune : Simon et André, Jacques et Jean et… Matthieu, la nouvelle recrue, sans oublier ses amis publicains et pécheurs. Voilà les quatre pêcheurs de Capharnaüm en compagnie du fonctionnaire chargé de percevoir les droits de pêche. Celui qu'ils rencontraient en maugréant parce que les taxes sont toujours trop élevées et la commission surestimée; celui qu'ils méprisaient parce que collaborateur de l'occupant romain, voilà que Jésus vient d'en faire un disciple. Ils sont maintenant cinq dont la mission sera d'être pêcheurs d'hommes.

     Quel coup de maître de Jésus, pour ne pas dire quel coup de filet! Jésus réunit dans une communauté de vie des hommes qui ne devaient échanger que des regards furtifs. Il associe à sa mission d'annoncer la Parole de salut, des hommes dont la communication devait se limiter à la vérification d'états de compte.

L'apprentissage de la miséricorde

     Ces cinq compagnons de Jésus vivent une expérience déterminante. En effet, ils sont les premiers à faire la connaissance du coeur de Dieu. En Jésus, le Dieu de la première alliance se révèle tel qu'il est : « tendre et miséricordieux, lent à la colère et riche en pardon ». Simon et André, Matthieu, Jacques et Jean commencent l'apprentissage de la miséricorde divine en s'accueillant les uns les autres. C'est un préalable à leur future mission d'évangélisateurs. Qui n'a pas fait l'expérience de la miséricorde peut difficilement en être témoin.

     La conduite de Jésus a de quoi étonner les scribes, ces spécialistes de la religion. Selon leur jugement, Jésus se conduit comme un homme qui ignore les exigences de pureté rituelle : faire table commune avec les pécheurs, c'est devenir comme eux et se rendre inapte à s'approcher de Dieu par le culte. À l'opposé, en se rapprochant des pécheurs, Jésus favorise la rencontre de Dieu et des hommes. Pour signifier qu'il y a unité entre sa conduite et la volonté de Dieu, Jésus envoie les scribes consulter Osée, le prophète de la miséricorde divine : « Allez apprendre ce que veut dire cette parole : C'est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices » (Osée 6, 6). Jésus fait une pierre deux coups : il plonge ses disciples dans une expérience de miséricorde et en même temps il contraint les scribes à un discernement : reconnaître que la conduite de Jésus est voulue par Dieu, ou rejeter la volonté de Dieu.

Yves Guillemette, ptre

Source: Le Feuillet biblique, no 1887. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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