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Treizième dimanche ordinaire C - 27 juin 2004
 
Garder sa place ou la perdre

En route pour Jérusalem.
Mauvais accueil en Samarie. (Luc 9, 51-62)
Autres lectures : 1 Rois 19, 16b.19-21; Ps 15 (16);
Galates 5, 1.13-18

 

Lors d'une première lecture, on a facilement l'impression que cette page d'évangile est une collection plutôt décousue de fragments indépendants. De fait, il est probable que la situation a été telle à l'origine; il n'est pas nécessaire de croire que ces épisodes ont eu lieu à la suite. Pourtant, Luc n'a pas procédé au hasard en regroupant les éléments qui forment cette séquence. Le lien qui unit ces petits récits en apparence disparates me semble être la figure d'une place ou d'un lieu à occuper.

     Dès le point de départ, l'évangéliste annonce que bientôt Jésus sera enlevé (de ce monde) (v. 51); donc, Jésus va perdre la place qu'il occupe, il ne sera plus là où il avait l'habitude d'être, c'est-à-dire présent au milieu de ses disciples, parcourant les routes de son pays. Ce déplacement de Jésus a son écho très concret dans l'incident qui suit : le refus des Samaritains de lui accorder l'hospitalité (v. 53), ce qui oblige Jésus à changer d'itinéraire (v. 56). Rejeté par les Samaritains, le Fils de l'homme n'a pas d'endroit où reposer sa tête (v. 58). Cette affirmation de Jésus s'enracine sans doute dans l'expérience vécue; le maître et ses disciples, durant leurs déplacements, ne sont jamais assurés de trouver un toit ni même un lieu accueillant pour passer la prochaine nuit. À un autre niveau, elle exprime le mystère de celui qui, tout en partageant pleinement notre humanité, n'appartient pas à ce monde.

     L'image est moins évidente dans les deux autres sections, mais elle est quand même sous-jacente. Enterrer un mort, c'est lui donner un lieu, une place. Jésus, en refusant à quelqu'un d'aller donner une sépulture à son père, l'envoie aussitôt sur les routes : Toi, va annoncer le règne de Dieu (v. 60); non pas le lieu fixe et permanent d'un tombeau mais le mouvement constant du missionnaire, toujours en déplacement. Enfin, celui qui regarde en arrière n'est pas fait pour le royaume de Dieu (v. 62), autrement dit, il n'y a pas sa place; son attachement au passé et à tous ses liens antérieurs le disqualifie pour trouver place dans le Royaume.

     Ces multiples variations sur un même thème ont chacune son caractère propre. Essayons de les écouter plus attentivement.

La route de Jérusalem

     Le verset 51 constitue une charnière importante dans l'évangile de Luc. Jésus, conscient des dangers qui planent sur lui (cf. Lc 9, 22 - l'évangile du 12ième dimanche - et 9, 44-45), prend avec courage la route de Jérusalem. Le ministère galiléen est terminé; commence la longue route vers la Ville sainte, où la Pâque de Jésus doit se réaliser car il ne convient pas qu'un prophète meure hors de Jérusalem (Lc 13, 33). Cette ville n'est pas seulement la capitale religieuse du monde juif, mais le lieu par excellence où doit s'accomplir le salut. Jésus n'aura pas d'endroit où reposer sa tête (cf. v. 58) tant qu'il n'aura pas accompli totalement sa mission au lieu même où Dieu s'est rendu présent dans son Temple.

     L'épisode du refus des Samaritains d'accueillir Jésus (vv.52ss) se comprend bien dans le contexte des relations conflictuelles entre Juifs et Samaritains. Par ailleurs, il est assez surprenant dans l'œuvre de Luc où les habitants de la Samarie sont présentés sous un jour plutôt favorable (voir Luc 10, 29-37: le bon Samaritain; 17, 11-19 : le lépreux guéri et reconnaissant; Actes 8, 4-8.14-17.25 : la conversion des premiers Samaritains). À ce moment-ci du récit, il n'y a pas de place pour Jésus en Samarie mais il refuse de détruire ceux qui ne l'ont pas accueilli, gardant ouverte la possibilité de la conversion. La Samarie pourra alors devenir, elle aussi, lieu du salut.

Les exigences de la condition de disciple

     Être disciple suppose être prêt à suivre le Maître partout où il ira (cf. v. 57), donc, se détacher de ses racines, de ses liens familiaux, des biens auxquels on peut être, par ailleurs, légitimement attaché. Le vrai disciple est en mouvement; rester sur place équivaut à mourir et à être mis au tombeau (v. 60). Bien sûr, nous ne savons pas si la demande adressée à Jésus concernait un père déjà décédé qu'il s'agissait d'enterrer dans un délai très court ou si l'homme en question envisageait de rejoindre Jésus plus tard, après la mort de son père.

     Dans les trois cas, la réponse de Jésus semble très dure, voire inhumaine, mais elle s'inscrit bien dans la perspective du détachement radical attendu de la part des disciples, spécialement dans l'évangile de Luc (voir, par exemple : Lc 12, 33; 14, 7-33; 18, 8-30 etc.). Celui qui se met au service du Christ et de l'Évangile n'a pas d'autre lieu permanent, d'autre port d'attache que le Royaume de Dieu.

Jérôme Longtin, ptre, bibliste
Saint-Jean-Longueuil

 

Source: Le Feuillet biblique, no 1977. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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Le bouleversant destin de Jésus