Une parabole
pas comme les autres
La
parabole du riche et de Lazare (Luc 16, 19-31)
Autres lectures : Amos
6, 1a.4-7; Ps 145 (146);
1
Timothée 6, 11-16
Parmi toutes les paraboles inventées par Jésus, celle-ci
est la seule à se dérouler, en partie, dans le monde
des morts. Elle comporte un plus grand nombre de personnages
que la plupart des autres, incluant des anges (v.
22) et des chiens (v.
21).Autre fait unique : un des personnages, le mendiant autour
duquel s'organise toute l'histoire, porte un nom Lazare (c'est-à-dire
: Dieu vient en aide). Il est curieux de noter que ce personnage,
dont Abraham déclare que la résurrection serait inutile
(v.
31), porte le même nom que cet autre Lazare dont la résurrection
est racontée dans l'Évangile de Jean.
Premier tableau : Sur la terre
Le récit s'ouvre par la présentation
des personnages principaux (vv.
19-21). Le riche est anonyme; il n'existe, en somme, que par
ses richesses et son horizon se limite au luxe que sa fortune lui
permet. Le texte ne dit pas qu'il était malhonnête
ni qu'il refusait d'aider le pauvre, son voisin; il l'ignore, tout
simplement. De son côté, le pauvre a une identité;
malgré sa pauvreté, il est quelqu'un, il existe pour
lui-même, avec toute sa dignité d'homme. On ne précise
pas que ce pauvre était particulièrement vertueux;
simplement, il fait partie de ces petits à qui la Bonne Nouvelle
est annoncée en priorité (cf. Lc
4, 18) et à qui est destiné le Royaume (cf. Lc
6, 20).
Deuxième tableau : Dans l'au-delà
L'histoire débute véritablement
avec la mort des deux personnages principaux. Le riche, qui, de
son vivant, n'avait jamais adressé la parole à Lazare
- du moins on peut le supposer- va essayer d'entrer en communication
avec lui par l'entremise d'Abraham. Lazare reste muet; il ne prononce
aucun mot, ni avant sa mort, ni après. Entre lui et le riche,
le dialogue est impossible.
Abraham présente le sort final
des défunts comme un strict renversement des situations ayant
existé sur la terre (v.
25). À ce compte, il suffirait d'être malheureux
durant sa vie pour jouir du bonheur durant l'éternité,
et vice versa. Pourtant, le reste de l'évangile montre bien
que tout n'est pas si simple. La parabole veut illustrer, par un
exemple saisissant, les propos de Jésus dans les anti-béatitudes
: Malheur à vous, les riches! car vous avez votre consolation
(cf. Lc
6, 24). Cette manière de s'exprimer s'enracine dans une
longue tradition. Les prophètes présentent souvent
le renversement total des situations comme la conséquence
des infidélités aux exigences de l'Alliance (cf.Is
5, 8-10;
Jr 22, 13-19;
Mi 2, 1-5; Hab
2, 6b-14 etc...). Le riche se considère toujours fils
d'Abraham puisqu'il appelle celui-ci mon père
(v.
24), mais, contrairement à cet autre fils d'Abraham,
Zachée (cf. Lc
19, 9), il n'a pas su profiter à temps des occasions
qui lui étaient données de se convertir.
Troisième tableau : De l'au-delà
à la terre
Le riche défunt se préoccupe
du sort de ses frères encore en vie; on suppose qu'ils mènent
le même genre de vie que lui a mené. Sa demande d'envoyer
Lazare auprès d'eux pour les avertir se heurte au refus d'Abraham
: Ils ont Moïse et les prophètes, qu'ils les écoutent!
(v. 29). Il peut être tentant de souhaiter des miracles
spectaculaires, des interventions extraordinaires du monde de l'au-delà
pour révéler des secrets ou pour inviter les pécheurs
à la conversion. Jésus, par la bouche d'Abraham, rappelle
que la Parole de Dieu est déjà interpellation à
changer de vie; les personnes qui ne l'entendent pas, celles qui
ne saisissent pas les signes des temps (cf. Lc
13, 1-5) ne seront pas non plus ébranlées par
un miracle aussi extraordinaire que celui de la résurrection.
Note : L'enseignement de cette parabole ne porte pas sur la vie
après la mort. Jésus se contente de reprendre quelques-unes
des images populaires de l'au-delà, qui avaient cours à
son époque, pour illustrer ses propos. Sa description
n'engage pas son autorité, pas plus, par exemple, que
l'évocation de la femme de Lot (Lc
17, 32) n'oblige à croire à cette histoire (cf.
Gn
19, 26).
Jérôme Longtin, ptre, bibliste
Diocèse Saint-Jean-Longueuil
Source: Le Feuillet biblique,
no 1981. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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