Fêter
en mangeant
Multiplication
des pains (Luc 9, 11b-17)
Autres lectures : Genèse
14, 18-20; Ps 109 (110);
1
Corinthiens 11, 23-26
Les épisodes rapportés par saint Luc dans le chapitre
9 de son évangile annoncent ce qui se produira à la
semaine sainte. La multiplication des pains correspond à
l'institution de l'eucharistie, la profession de foi de Pierre est
à mettre en rapport avec son reniement tandis que la première
annonce de la Passion est à voir comme prophétie des
souffrances de Jésus. La Transfiguration, pour sa part fait
intuitionner la résurrection et l'Ascension du Seigneur.
En situant le miracle par rapport
à une annonce de la Passion, en décrivant Jésus
accomplissant les gestes de la Cène, en montrant le rôle
actif des apôtres qui distribuent le pain, saint Luc enseigne
de manière à peine voilée ce qu'est le Saint-Sacrement.
Il est le repas qui rassemble en
Église les chrétiens. Il est le signe sacramentel
de la Passion et de l'Exode de Jésus. Il se fait sur l'ordre
du Seigneur Jésus lui-même. Il est l'annonce et déjà
une participation au banquet messianique dont parlent les prophètes
: Yahvé Sabaot préparera pour tous les peuples
un festin de viandes grasses, un festin de bons vins (Isaïe
25, 6).
Voulez-vous faire affront à
ceux qui n'ont rien? (1 Corinthiens 11, 22). Acceptons-nous
trop facilement cette contradiction : fêter la libération
spirituelle de l'être humain alors qu'un grand nombre d'hommes
et de femmes sont encore prisonniers de conditions de vie inhumaines?
Arrêtons-nous au scandale que peuvent donner les chrétiens.
Ils fêtent la libération apportée par Jésus
dans le repas sacré d'une liturgie parfois fastueuse: la
plupart des êtres humains de la planète ne manquent-ils
pas du pain nécessaire à leur subsistance?
Célébrer l'eucharistie
n'a de sens qu'en exprimant une espérance aussi humaine que
théologale. Les chrétiens ne peuvent se nourrir d'un
langage qui parle de l'abondance des temps messianiques s'ils ne
sont en même temps insérés dans les préoccupations
de ce temps.
Nos célébrations doivent
refléter la préoccupation chrétienne que chacun
puisse donner ce qui lui appartient. Même l'infirme, l'handicapé,
le misérable doit pouvoir se sentir à l'aise pour
éprouver le sentiment de partager de sa vie et de son être.
Le fait que ce soit Jésus à la veille de sa mort qui
donne son corps enseigne que le pauvre doit pouvoir lui aussi donner
de lui-même dans l'eucharistie, fête de la communauté.
Pierre Bougie, PSS
Professeur au Grand Séminaire de Montréal
Source: Le Feuillet biblique,
no 1975. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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