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Ascension du Seigneur B -28 mai 2006
 

Pour la croissance de l'humanité

Les apparitions de Jésus ressuscité Marc 16, 15-20
Autres lectures : Actes 1, 1-11; Psaume 46(47); Éphésiens 4, 1-13


Depuis longtemps déjà, l’ensemble des spécialistes de la Bible s’entendent pour reconnaître que les versets 9 à 20 de l’Évangile selon saint Marc sont de la main d’un deuxième rédacteur. Cette partie finale de l’œuvre, en effet, manque dans quelques manuscrits importants. De plus, le style de ces lignes diffère considérablement de celui de l’évangéliste Marc. On n’y retrouve pas les traits typiques de son écriture, directe et concrète. Cependant, cette portion de texte apparaît dans plusieurs manuscrits datant du 2e siècle, donc très anciens. Par conséquent, il serait inapproprié de les écarter trop rapidement.

Un manque à combler
  Comment expliquer la présence de cet ajout? Notons d’abord la fin plutôt abrupte de l’évangile en l’absence de ces versets supplémentaires. Il se terminerait, en effet, avec la découverte par les femmes du tombeau vide et l’apparition d’un ange qui les envoie annoncer que le Christ est vivant. Mais il n’y aurait alors aucune rencontre avec le Ressuscité. Le dernier verset serait : Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur (Marc 16, 8). Comme finale, on a déjà vu plus stimulant! Les femmes, en raison de leur crainte, n’auraient même pas donné suite à la demande de l’ange... Assez peu représentatif de la suite des choses, compte tenu de la rapide expansion du message évangélique. On suppose donc que l’évangéliste Marc aurait rédigé une finale rapportant des apparitions du Christ vivant et qui se serait perdue pour une raison inconnue. On aurait comblé ce manque par les versets 9 à 20.

Des points de vue différents
   La première partie de la finale de l’Évangile de Marc (vv. 9-14) se présente comme un résumé des récits d’apparitions des autres évangélistes (Mt 28, 9-20; Lc 24, 13-49; Jn 20, 11-29). Suit l’envoi en mission des disciples par le Ressuscité (vv. 9-20), qui constitue la lecture évangélique de ce dimanche. L’auteur de ces lignes reprend ainsi un élément essentiel qui apparaît dans les autres évangiles. Si le Christ sorti de la mort vient à la rencontre de ses disciples, ce n’est pas dans le simple but de montrer qu’il avait raison ou de les épater. Il vient leur confier un rôle déterminant pour l’avenir de l’humanité : proclamer la Bonne Nouvelle de la résurrection au monde entier. Il en est bien ainsi aussi dans la première lecture, tirée des Actes des Apôtres. Contrairement au récit de Marc, celui de Luc dans les Actes ne mentionne pas les signes qui vont accompagner la prédication des Apôtres. On y lit plutôt un échange entre les disciples et Jésus au sujet du moment où la royauté sera rétablie en Israël. Le Christ est clair : il n’appartient pas aux Apôtres de connaître les délais et l’heure car Dieu les déterminera dans sa liberté souveraine.

   Une autre différence majeure apparaît entre les deux textes. Dans les Actes, il va s’écouler un certain temps entre le moment où le Ressuscité quittera ses Apôtres et le départ de ceux-ci en mission. Ils devront attendre en effet quelques jours afin de recevoir l’Esprit Saint. C’est alors qu’ils pourront se lancer sur les routes pour proclamer la Bonne Nouvelle. Dans la finale de l’Évangile selon saint Marc, il n’est pas question d’une telle attente. L’envoi en mission est immédiat, comme chez Matthieu : Allez dans le monde entier. Et sitôt Jésus enlevé au ciel, les disciples commencent à proclamer partout la Bonne Nouvelle.

     Ces divergences nous rappellent que nous n’avons pas affaire à des reportages en direct mais à des récits qui visent à transmettre non pas une information mais un enseignement. Chaque auteur a ses accents propres, ses préoccupations particulières. Ainsi, l’évangéliste Luc donne un rôle déterminant à l’Esprit, surtout dans son livre des Actes. Dans cet ouvrage, l’Esprit est constamment en train de faire progresser les choses, de pousser les personnages à agir ou à changer leurs plans. En indiquant que les Apôtres doivent attendre sa venue avant que la mission ne commence vraiment, Luc laisse entendre que rien ne peut se faire sans l’intervention de l’Esprit. Le rédacteur de la finale de Marc a visiblement un point de vue différent. Sans dire que l’Esprit est absent de la suite de l’histoire, il s’intéresse plutôt aux signes qui accompagneront les missionnaires de la Bonne Nouvelle.

À l’échelle mondiale
   Dans le récit qui clôture l’Évangile selon saint Marc, la mission est clairement universelle. Jésus envoie les siens proclamer la Bonne Nouvelle à toute la création. C’est à dire non seulement aux être humains mais aussi à l’univers entier. Ce détail révèle la conscience de l’Église des premiers temps de l’ampleur de la tâche qui lui était confiée. Elle se sait investie d’un devoir qui déborde les limites temporelles et physiques. Annoncer la Bonne Nouvelle de la résurrection, c’est chercher à faire croître l’humanité, à l’amener au-delà d’elle-même. En tant que baptisés vivant au 21e siècle, nous sommes les dépositaires de cette mission. Jusqu’à quel point sommes-nous conscients de la noblesse et de la grandeur de notre rôle ici et maintenant, personnellement et collectivement? Bien souvent, nos regards ne dépassent pas l’immédiat, le court terme, notre milieu paroissial, notre église... Il est normal de voir aux affaires qui nous touchent de plus près. Mais il fait bon aussi, à l’occasion, de nous laisser interpeller par des propos comme ceux de l’évangile de ce dimanche et de replacer notre mission dans un contexte plus large, plus englobant. À l’heure de la mondialisation, ce serait une grave erreur pour l’Église que de se replier sur elle-même.

Baptême et refus de croire
   Vient ensuite une déclaration solennelle du Ressuscité qui associe le baptême au salut et le refus de croire à la condamnation. Le baptême est présenté ici comme l’aboutissement de la proclamation de la Bonne Nouvelle. Celle-ci devrait susciter l’adhésion qui se concrétise par le baptême qui est lui-même gage de salut. Le refus de croire à la Bonne Nouvelle, libre et volontairement décidé, est au contraire considéré comme une « auto-condamnation ». En d’autres termes, si la personne qui annonce la Bonne Nouvelle se heurte à un refus, elle ne doit pas s’en sentir coupable. Chaque individu est responsable de ses actes et de ses décisions et doit s’attendre à en assumer les conséquences.

Des signes parlants
    Une particularité du récit final de l’Évangile selon saint Marc est la description des signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants. L’auteur en mentionne cinq : chasser les esprits mauvais, parler un langage nouveau, protection contre les serpents, immunité contre les poisons, guérison des malades. Ces signes s’apparentent à ceux que Jésus lui-même a donné au cours de son ministère terrestre et vont même plus loin. Le langage nouveau sera nécessaire aux disciples qui devront proclamer la Bonne Nouvelle jusqu’aux confins de la terre, chez des peuples qui parlent des langues étrangères. La protection contre les serpents et les poisons va dans le même sens : les Apôtres vont s’engager sur des routes incertaines. Quels périls les attendent? Ils peuvent rencontrer des bêtes menaçantes et des individus mal intentionnés. Le Seigneur les a envoyé : il ne les laissera pas s’acquitter seuls de leur tâche.

Jean Grou, bibliste
Diocèse de Québec

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2059. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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