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Dimanche de la Nativité du Seigneur B - 25 décembre 2005
 

Joyeux Noël !

Le Verbe, lumière et vie des hommes Jean 1, 1-18
Autres lectures : Isaïe 52, 7-10; Psaume 97 (98); Hébreux 1, 1-6


Comme chacun le sait, la date du 25 décembre pour fêter la naissance de Jésus a été choisie non pas en fonction d'un souvenir historique mais d'un phénomène naturel, le solstice d'hiver. La fête chrétienne en remplace une autre, païenne, du Soleil Invaincu. La liturgie propose de célébrer Jésus lumière pour le monde. Cet accent est particulièrement sensible à la messe du jour de Noël, dont nous allons commenter les textes.

Au commencement était le Verbe (v 1)
     Le Lectionnaire a gardé cette traduction, depuis longtemps classique. Même si elle est rigoureusement exacte, il faut admettre qu'elle est difficilement compréhensible pour un francophone moyen. Pourtant elle ne comporte aucun mot étrange ou difficile … mais ces mots familiers ne signifient pas ce qu'ils paraissent. Le commencement n'est pas le début de quelque chose mais une réalité au-delà du temps et de l'espace, hors de l'histoire, dans le monde de Dieu. Faute d'un mot plus adéquat, il faut bien recourir à un vocabulaire relié au temps. Le choix de ce terme évoque le récit de la création : Au commencement, Dieu créa…(cf. Gn 1, 1) de même que le discours de la Sagesse : Yahvé m'a créé, prémices de son œuvre ,avant ses œuvres les plus anciennes. Dès l'éternité, je fus établie, dès le principe, avant l'origine de la terre (Pr 8, 22-23).

     Le Verbe est un autre mot déroutant. Dans l'usage courant, il s'agit d'un terme de grammaire exprimant l'état ou l'action du sujet. Dans le vocabulaire chrétien, il désigne la Parole de Dieu en tant qu'être personnel. L'être de Dieu et son action s'expriment à travers sa Parole qui produit toujours son effet. Elle est donc créatrice; lorsque Dieu parle, il appelle à l'existence: Dieu dit: que la lumière soit et la lumière fut (Gn 1, 3; voir aussi : Is 55, 10-11). Toujours, Dieu est, et toujours, son Verbe, sa Parole existe et crée (v. 3).

La vie était la lumière des hommes (v. 4)
     Le lien entre le Verbe et la lumière est établi par le thème de la vie. Le Verbe est source de vie (v. 4) et la vie est lumière. Dans toutes les civilisations, la mort est associée à la nuit, aux ténèbres, alors que la vie correspond au jour, à la clarté (voir, par exemple : Lc 1, 78-79 : L'astre d'en haut nous a visités pour illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres et l'ombre de la mort : cf. aussi : Mt 4, 16). Dans le langage de Jean, la lumière est associée au monde de Dieu, elle signifie le salut (cf. Jn 12, 35-36) et Jésus lui-même se présente comme la vraie lumière, source de la vraie vie : Je suis la lumière du monde, celui qui me suit … aura la lumière de la vie (Jn 8, 12; cf. aussi : Jn 12,46). Rappelons aussi que la lumière est la première création de Dieu (cf. Gn 1,3, texte cité plus haut). Le Verbe, en tant que lumière, vient dans le monde créé pour que l'humanité puisse trouver le chemin vers Dieu, donc vers la vie en plénitude.

    Saint Jean précise que le monde, en tant que lié aux ténèbres, donc aux forces du mal, refuse d'accueillir la vraie lumière : Le monde ne l'a pas reconnu. Il est venu chez les siens et les siens ne l'ont pas reçu (vv. 10-11). On peut penser, bien sûr, au thème mythique du combat éternel de la lumière et des ténèbres. Ce mythe universel fournit sans doute les images et le vocabulaire utilisés par l'évangéliste. Mais son horizon se situe bien plutôt sur le plan historique. Il a en vue la situation très concrète de Jésus, rejeté et mis à mort par ses concitoyens. Cette insertion dans l'histoire bien réelle s'établit par le personnage de Jean le Baptiste (vv. 6-8.15). Nous ne sommes pas dans un monde imaginaire mais dans la Judée et la Galilée romaines, au temps des successeurs d'Hérode le Grand.

Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous (v. 14)
    Voilà l'affirmation centrale du Prologue et, d'une certaine manière, de tout l'évangile de Jean. Le Verbe, la Parole éternelle de Dieu, devient chair c'est-à-dire s'inscrit dans l'histoire en prenant totalement la nature humaine avec ses faiblesses et ses pauvretés. Il ne s'agit pas d'une apparence, d'une sorte de déguisement que le Verbe aurait endossé pour se faire voir parmi les humains, comme le pensaient les membres de certains groupes : Tout esprit qui confesse Jésus Christ venu dans la chair est de Dieu; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas de Dieu; c'est là l'esprit de l'Antichrist (1 Jn 4,2-3).

     La venue du Verbe dans la chair transforme radicalement la condition humaine tout entière. Puisque le Fils de Dieu est devenu homme, les êtres humains, par la foi, peuvent devenir enfants de Dieu : Mais tous ceux qui l'ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu (v. 12).

Dieu, personne ne l'a jamais vu… (v. 18)
     Moïse avait dit à Yahvé : Fais-moi, de grâce, voir ta gloire (Ex 33,18) et Yahvé lui répondit : Tu ne peux pas voir ma face, car l'homme ne peut me voir et vivre (Ex 33, 20). Cette conviction traverse tout l'Ancien Testament (bien qu'il existe aussi des traditions différentes; voir, par exemple : Ex 24, 11; Is 6, 1). La rencontre directe avec Dieu dépasse infiniment les limites de l'être humain et ne peut se réalises dans le cadre de l'existence terrestre. Mais si Dieu lui-même vient habiter l'humanité, dans la personne de son Fils unique, alors la distance qui le séparait des humains est abolie. Le Fils est la face visible de Dieu et toute sa mission consiste à le faire connaître. À la fin de sa vie Jésus pourra dire : Qui m'a vu a vu le Père (Jn 14, 9).

Il nous a parlé par un fils (He 1,2)
    Le Fils est le dernier mot du Père. Telle est la conviction de l'auteur de l'Épître aux Hébreux, exprimée dans ce préambule majestueux, qui présente de nombreuses ressemblances avec celui de l'évangile de Jean. L'évangile s'exprime ainsi : Le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu (…) par lui tout s'est fait (vv. 1.3); dans l'Épître aux Hébreux nous trouvons : Par lui ( le Fils) il a créé les mondes. Reflet resplendissant de la gloire du Père, expression parfaite de son être…(vv. 2-3). Celui que l'évangile nomme l'unique engendré (v. 18), l'épître l'appelle le Fils (vv. 2.5) et le premier-né (v. 6). Ce qui distingue plus nettement la pensée de l'épître est la perspective sacrificielle qui occupe une place centrale dans la suite et qui est déjà annoncée ici (cf. v. 3). Parce qu'il a accompli une fois pour toutes (cf. He 7, 27; 9, 12; 10, 10) la réconciliation entre l'humanité et Dieu, le Fils est la révélation complète et définitive du mystère du salut.

Comme il est beau de voir courir… le messager de la bonne nouvelle (Is 52,7)
    Le messager de la bonne nouvelle est appelé, dans le texte grec du livre d'Isaïe, évangéliste. Le message qu'il est chargé de transmettre concerne d'abord le retour du Seigneur à Sion, c'est-à-dire à Jérusalem. Le temps de l'exil est terminé et Dieu revient habiter avec son peuple sur la terre promise. Cet événement historique permet à Israël de prendre conscience du fait que son Dieu, qui avait paru impuissant et vaincu lors de la conquête par les Babyloniens, est malgré tout le plus fort; c'est lui qui est roi (cf. v. 7). Cette bonne nouvelle annonce aussi d'autres interventions de salut que Dieu accomplira jusqu'à l'avènement de son Règne. Un jour, toutes les nations seront atteintes par le projet de Dieu : Et, d'un bout à l'autre de la terre, elles verront le salut de notre Dieu (v. 10). En Jésus, le Fils unique, se réalise pleinement cette espérance de salut universel.

Jérôme Longtin, bibliste
Diocèse Saint-Jean-Longueuil

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2037. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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Des raisons de fêter, déjà!