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29e dimanche ordinaire B - 22 octobre 2006

 

Partager la gloire du Maître

La demande de Jacques et de Jean Marc 10, 35-45
Autres lectures : Isaïe 53, 10-11; Psaume 32(33); Hébreux 4, 4-16


Dans Marc 10, 35-45, les disciples Jacques et Jean présentent une demande à Jésus : siéger avec lui dans la gloire. Le Maître en profite pour donner un enseignement aux autres disciples qui se montrent indignés. Le contenu et la dynamique du dialogue permettent de comprendre comment le Maître rejoint les disciples dans les détours de leurs demandes et de leurs aspirations les plus folles, pour les ouvrir à la beauté inespérée du dessein de Dieu.

La demande
     L’échange entre Jésus et les deux frères Jacques et Jean, nous place, d’entrée de jeu, en présence de la requête de ces derniers. Pour mieux comprendre cette demande il faut la mettre en lien avec l’ensemble de la péricope. Marc situe cette requête sur le chemin qui mène à Jérusalem, après que Jésus eut fait l'annonce de sa passion. Dans ce contexte, les deux disciples comme d'ailleurs les dix autres, espèrent assister à la consécration ultime de Jésus comme roi d'Israël. Ils espèrent la révélation de Jésus comme Messie, comme celui qui jetterait les Romains hors de Terre sainte (Luc 24, 21), pour établir le Royaume longtemps désiré par l'ensemble du peuple. La demande manifeste leur désir de participer au mouvement « Jésus ». Dans ce royaume terrestre qui, pensent-ils, sera instauré par leur Maître-Messie, ils veulent partager sa gloire, avoir une place privilégiée dans son entourage. Or, ceci est loin de ce que Jésus va leur faire vivre, en lien avec le règne définitif de Dieu. Aussi va-t-Il, au cours du dialogue qu’Il engage avec eux, les accoucher à la vérité du mystère de sa gloire, en les aidant à cerner le non-sens de leur demande et en leur faisant comprendre le signe de l'espérance nouvelle qu'Il veut incarner dans sa passion et dans sa mort.

Le non-sens de la demande 
   Depuis Socrate et l’Antiquité grecque, la philosophie connaît la maïeutique qui consiste à amener les interlocuteurs à accoucher la vérité, en suscitant, par le dialogue, la mise en forme des pensées confuses. En matière d’accouchement à la vérité, il faut dire que Jésus est un Maître à part ! Dans le texte, l’échange qu’Il a avec les disciples aboutit, aux détours du chemin, à des questions les obligeant à travailler sur eux-mêmes et à évoluer dans la connaissance de leurs aspirations. Les interventions de Jésus (versets 36, 38, 39, etc.) ont une portée pédagogique importante; elles aident à comprendre que tout commence par la verbalisation et la connaissance de ses besoins pour savoir qui consulter pour y répondre. Connaissance de ses limites pour savoir comment vivre avec ! Connaissance de ses aspirations et de ses désirs pour explorer les voies par lesquelles passer pour arriver à ses fins. Connaissance de ses compétences, ses attitudes, ses motivations et ses engagements pour mieux percevoir les unes et y travailler, en plus d’entretenir les autres et de les utiliser à bon escient. Les questions adressées par Jésus aux deux frères et à tout disciple, invitent à ce travail important ; travail sur soi et sur ses désirs pour les purifier. Elles invitent à préciser les intentions pour en ressortir la beauté et l’éclat, sinon en démontrer le non-sens. Dans le cas de la demande de Jean et Jacques, ce qui est mis à nu, c’est une incompréhension, un non-sens qui se dégage de leur propos et qui amène le commentaire du Maître : Vous ne savez pas ce que vous demandez…

La portée de la demande 
    Jésus poursuit le dialogue avec ses disciples, en utilisant des expressions -boire à la coupe et recevoir le baptême- qui s’enracinent dans la culture biblique et sémitique et font référence au sacrifice de la vie de Jésus. Boire à la coupe évoque plusieurs réalités dont celle de la communion, de la bénédiction divine (Psaume 23, 5) et du jugement (Isaïe 51, 17). Employée en référence avec Jésus, cette expression évoque les rites de l’ancienne alliance, en les portant à la plénitude de leur sens : le sang de Jésus contenu dans la coupe de la nouvelle alliance est celui qui sera versé pour le pardon des péchés. Le baptême reçu par Jésus est celui de l’immersion dans l’épreuve de la passion et de la mort, en obéissance au Père, pour le salut des humains. Selon Marc 8, 38 ; 13, 26 et le sens des expressions boire à la coupe et recevoir le baptême, il apparaît que pour entrer dans le règne de gloire, le seul chemin est celui du service et de la fidélité totale à la volonté de Dieu. C’est le chemin que Jésus a emprunté dans le don de sa propre vie ; celui que tout disciple est appelé à prendre à la suite du Maître.

Le chemin du disciple
   L’évangéliste Marc écrit à une communauté chrétienne fraîchement frappée par la mort de l’apôtre Jacques, environ 30 ans après l’événement de la mort-résurrection de Jésus. La mort de l’apôtre a permis de comprendre la portée de la parole du Maître et son impact sur la vie et la mission de tout disciple. Par son martyre, Jacques est allé jusqu’au bout de son attachement au Maître : il a souffert et donné sa vie à cause de sa foi en Jésus, comme une participation à sa passion. Ainsi, la parole de Jésus reste actuelle : la préoccupation des disciples ne doit pas consister à siéger à la gauche ou à la droite du Maître, mais de s’associer à Son expérience, de boire à Sa coupe et de recevoir Son baptême, de placer leur vie sous le signe du service, dans une disponibilité totale à l’égard des autres.

Le leadership du disciple
   Dans son évolution à travers les âges et le temps, l’Église a connu, connaît et connaîtra diverses transformations, qui obligent les communautés à reformuler leur mission et leurs structures. Dans ce contexte, le contenu de Marc 10, 35-45 offre des pistes intéressantes. Au plan de l’exercice du leadership, la promesse qui s’offre à chacun d’entre nous est celle de tourner les yeux vers le Maître, pour nous mettre au service de son Corps. Nous sommes appelés à éveiller l’esprit de tout baptisé à l’imprévisible dessein de Dieu ; non pas pour garantir le partage de la gloire du Ressuscité mais pour oser suivre le chemin qui donne sens à la vie. À la suite de Jésus, la mission du baptisé n’est pas de rechercher ses propres intérêts ; elle est de travailler au bien de la communauté.

Surprises contrôlées
   Notre société se caractérise à tous les échelons par la recherche de la sécurité : publique, sanitaire, financière, sociale, affective, etc. Pour y parvenir, il faut exiger un contrôle sur son environnement et sur les autres. Ne retrouve-t-on pas un peu le même phénomène dans la vie de l’Église? Tout le monde aime les surprises à la condition de ne pas voir le contrôle lui échapper. Par exemple, la nomination d’un nouveau responsable paroissial, la mise en place d’une nouvelle administration, d’un nouveau projet ou d’un nouveau leadership pastoral, etc. provoque à coup sûr de la résistance; on se met sur la défensive pour se protéger contre l’inconnu qui peut nous surprendre. Il est ainsi normal d’entendre différents sons de cloches qui répètent : « j’ai hâte de voir celui qu’on nous enverra » ou « j’espère que la nouvelle recrue ne va pas jeter à terre tout ce que nous avons mis du temps à bâtir au plan pastoral » ou encore: « J’espère être son bras droit », etc. N’est-ce pas là une attitude semblable à celle de Jacques et Jean ? Aujourd’hui, comme au temps des frères Zébédée, le Maître-Serviteur-rançonné aurait de bonnes raisons de nous faire comprendre la gravité du moment ecclésial ; de nous appeler et nous dire : … parmi vous, il ne doit pas en être ainsi….

En conclusion
   L’exercice du leadership dans la communauté chrétienne est ouvert à tous. Les ambitions aussi sont permises. Le Seigneur ne limite pas nos aspirations et nos désirs. Il les raffine et leur donne de la consistance ; il nous en donne une compréhension plus ajustée à l’esprit du Royaume et nous offre de les vivre à sa manière, dans un esprit de service. Vues sous cet angle, nos communautés chrétiennes déborderaient de chefs ou de leaders selon le cœur de Jésus et verraient des Jean et Jacques repentants suivre le Christ jusque dans le martyre. Ainsi, Jésus, le Serviteur souffrant (Isaïe 53, 10-11 et Hébreux 4, 14-16), serait encore et toujours le Maître qui accouche les uns et les autres à l’esprit du Royaume.

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2071. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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