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2e dimanche de l'Avent C - 10 décembre 2006

 

Cette année-là

La prédication de Jean le Baptiste : Luc 3, 1-6
Autres lectures : Baruc 5, 1-9; Psaume 125(126); Philippiens 1, 4-6.8-11

Luc aime bien associer les personnages du monde juif ou romain à l’histoire de Jésus. C’est une manière pour lui de montrer que toute l’histoire humaine converge vers un événement central : la venue dans le monde du Fils de Dieu. Sont ainsi mis à contribution Hérode le Grand (Luc 1,5), Auguste (Luc 2,1), Hérode Antipas (Luc 23,8-12), Gamaliel (Actes 5,34-39) etc… ; d’une manière ou d’une autre, ils apportent, souvent sans le savoir, leur contribution à la réalisation du projet de Dieu. Au moment où Jésus va commencer son ministère public, Luc fait appel à pas moins de sept dirigeants politiques et religieux pour bien ancrer les événements qu’il raconte dans l’histoire de son temps (v. 1).

Cette année-là Dieu prend l’initiative d’adresser sa Parole à Jean, fils de Zacharie (v. 2). Luc aurait tout aussi bien pu écrire : « Jean, fils de Zacharie, commença à prêcher ». Sur le plan historique, l’information était aussi exacte. Mais l’évangéliste veut souligner l’initiative de Dieu. Jean ne s’improvise pas prédicateur mais Dieu s’adresse à lui et lui confie un message de salut.

Toute chair verra le salut (v. 6)

     Le thème du salut est caractéristique de l’œuvre de Luc (et de Paul) (voir, par exemple : Luc 2,11.30; 19,9; Actes 28,28). Dans l’Ancien Testament le vocabulaire relié au salut s’emploie pour désigner soit les grandes interventions de Dieu dans l’histoire, soit, plus fréquemment, l’initiative divine venant délivrer le fidèle de tel danger qui le menace (par exemple : Psaume 9,14; 11(12),5; 12(13),5 etc…). Dans la deuxième partie du livre d’Isaïe (chapitres 40 à 55), le salut concerne d’abord la délivrance des exilés à Babylone. La décision de Cyrus de permettre aux descendants des déportés des guerres d’autrefois de rentrer chez eux, en 538 avant notre ère, apparaît au prophète comme un geste sauveur de Dieu lui-même qui va permettre à son peuple de revivre (voir Is 51, 5.6.8). La citation faite par Luc aux versets 4-6 est tirée de cette partie du livre d’Isaïe (40, 3-5); le prophète entrevoit le retour des exilés vers leur patrie comme une procession à travers le désert transformé, pour l’occasion, en terre fertile et dont les pistes cahoteuses deviendraient une allée triomphale.

    Il est bien évident que le retour des exilés vers Jérusalem ne s’est pas réalisé dans ces conditions idylliques. Dès lors, la promesse transmise par Isaïe restait encore à accomplir; on était en droit d’attendre une nouvelle intervention de Dieu qui porterait à sa pleine réalisation ce qui n’avait été qu’amorcé lors de la restauration de Jérusalem. Les quatre évangiles associent Is 40, 3a (grec) à la prédication de Jean le Baptiste (cf. Mt 3,3; Mc 1,3; Jn 1,23) mais Luc est le seul à citer le texte presque au complet jusqu’au verset 5. À première vue il n’y a pas beaucoup de ressemblances entre la situation envisagée par le prophète du 6ième siècle et celle de Jean. Le point d’attache est sans doute le lieu où la Parole de Dieu est adressée à Jean : au désert (v. 2). Le rapprochement était facile à faire avec la voix criant dans le désert selon la version grecque du livre d’Isaïe. Plus encore, le texte commande de préparer une route pour accueillir quelqu’un qui vient (le texte d’Isaïe précise, au verset 5a, qu’il s’agira d’une manifestation de la gloire de Dieu mais Luc omet ce membre de phrase). La citation telle que faite par Luc laisse ouverte la question de l’identité de ce mystérieux visiteur. Enfin Luc introduit, grâce à cette citation, le thème du salut. Jean annonce rien de moins que l’accomplissement de la promesse faite autrefois aux ancêtres et dont on attendait toujours la pleine réalisation.

Il proclamait un baptême de conversion (v. 3)

    Jean est universellement connu comme le Baptiste, c’est-à-dire celui qui pratiquait un rite de plongée dans l’eau (cf. Lc 3,16). Pourtant, dans l’évangile de Luc, il apparaît surtout comme un prédicateur et un prophète. Son activité baptismale est réduite au minimum (il n’est même pas clair que ce soit lui qui baptise Jésus – cf. Lc 3,21). Comme les prophètes d’autrefois il prend la parole après avoir reçu un message de Dieu (voir, par exemple : Jérémie 1, 2.4.11.13; 2,1 etc… Ézéchiel 1,3; 3,16; 6,1 etc…). Son message en est un de conversion, ce qui rejoint encore la prédication des grands prophètes (cf. Éz 18, 30-32). Son originalité, si on peut employer un tel terme, consiste dans l’introduction du rite baptismal. Jean n’a pas inventé cette pratique qui est attestée, vers la même époque, dans différents courants du judaïsme. La nouveauté réside dans le fait que ce rite est lié, dans l’enseignement de Jean, au pardon des péchés. Les sacrifices expiatoires prévus par la Loi (cf. Lévitique 6,17-7,6) et qui constituaient une part importante de l’activité du Temple de Jérusalem sont remplacés par un geste simple : plonger dans l’eau, et surtout par une attitude personnelle de renouveau intérieur. Après la Pentecôte, Pierre reprendra presque mot à mot la prédication de Jean mais en y ajoutant une note spécifiquement chrétienne : convertissez-vous – dit-il – et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ pour le pardon de vos péchés (Actes 2,38).

Vous marcherez vers le jour du Christ (Philippiens 1,10)

    L’attente de Paul diffère radicalement de celle de Jean Baptiste. Celui-ci espérait la venue de quelqu’un qui allait inaugurer le Règne de Dieu; Paul attend la manifestation glorieuse du Christ mort et ressuscité. Entre les deux, ont pris place les événements de Pâques qui ont créé une situation nouvelle. Pourtant on peut dire que, d’un certain point de vue, Jean Baptiste, Paul et les chrétiens de toutes les époques se rejoignent dans une même espérance. La venue dans notre histoire du Fils de Dieu fait homme a accompli et dépassé toutes les attentes des croyants de l’Ancienne Alliance; elle a démontré de manière définitive la fidélité de Dieu et son engagement envers l’humanité; elle garantit que notre espérance n’est pas vaine. Même si les chrétiens de Philippes n’ont pas vu leur attente se réaliser aussi vite qu’ils le croyaient, nous continuons à espérer avec eux la venue du jour du Christ (v. 10).

«Avez-vous lu Baruc ?»

    On raconte que le poète et fabuliste Jean de la Fontaine, qui avait mené une vie assez désordonnée, se convertit à la lecture du livre de Baruc. Après sa conversion, il abordait ses amis et connaissances en leur posant toujours cette question : « Avez-vous lu Baruc? » Je suppose que bien peu de chrétiens pourraient répondre oui car ce livre, transmis uniquement en grec, n’est certainement pas le plus connu de la Bible. En reprenant des thêmes et des images des livres antérieurs, il exprime bien la piété juive de la période appelée hellénistique (c’est-à-dire, marquée par l’influence de la culture grecque, du 4ième au 1er siècle avant notre ère).

     Le passage retenu par la liturgie s’inspire assez directement du livre d’Isaïe. Il annonce le regroupement à Jérusalem de tous les Juifs expatriés ici et là (cf. vv. 5-6). Ce rassemblement prend l’allure d’une nouvelle création; la nature entière collaborera à la réalisation du projet de salut de Dieu (cf. vv. 7-8). Cette espérance, exprimée d’une génération à l’autre malgré les échecs et les déceptions, trouvera sa pleine réalisation au jour où viendra le Christ Jésus (Philippiens 1,6) dans la gloire de son Royaume.

 

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2078. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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