Un signe du salut
Multiplication des pains : Luc
9, 11-17
Autres lectures : Genèse
14, 18-20; Psaume
109(110); 1
Corinthiens 11, 23-26
Dans lévangile de Luc, le récit
de la multiplication des pains et des poissons appartient à
la conclusion du ministère en Galilée (Lc
9, 1-50); en 9,51
Jésus prend la route de Jérusalem. Cette conclusion
comprend plusieurs épisodes qui peuvent paraître disparates,
mais Luc a su tisser entre ces éléments des liens
auxquels le lecteur doit se montrer attentif.
Un coup d'il sur le contexte
Le récit de la multiplication
est encadré par deux sections qui présentent entre
elles beaucoup daffinités : les interrogations dHérode
au sujet de Jésus (vv.
7-9) et les questions de Jésus à ses disciples
sur sa propre identité (vv.
18-22). Dans le premier cas, le questionnement reste sans réponse;
Hérode est perplexe et voudrait voir Jésus (Lc
9,9). Dans le second, Pierre reconnaît en Jésus
le messie de Dieu (Lc 9, 20) et Jésus sempresse
de préciser comment il va réaliser sa vocation de
Messie : la passion et la résurrection (Lc
9,22).
La scène des pains et
des poissons permet de faire le passage de lune à lautre,
de la curiosité un peu inquiète dHérode
à la confession de Pierre.
Jésus parlait du règne de Dieu (Lc 9, 11)
La rencontre de Jésus
avec la foule a lieu près de Bethsaïde (Lc
9,10). Luc note que les gens suivent Jésus ce
qui est caractéristique des disciples et que celui-ci
leur fait bon accueil (Lc 9,11a). Il se livre alors aux activités
qui ont été les plus caractéristiques de son
ministère, lenseignement et la guérison des
malades (v.
11b). Dans les deux cas, il sagit dune annonce du
règne de Dieu, en paroles et aussi en gestes. Les miracles
sont la mise en uvre de ce qui est proclamé dans le
discours : le Règne de Dieu arrive, le monde nouveau est
déjà là. Luc établit un lien entre la
mission de Jésus et celle de ses disciples, envoyés
proclamer le Royaume de Dieu et faire des guérisons
(Lc 9,2). Cette association de Jésus avec les disciples va
se poursuivre dans la scène principale, celle du repas.
Donnez-leur vous-mêmes à manger
Cette injonction, au cur
du récit, oriente la compréhension de toute la scène.
Si les disciples ne peuvent rien faire sans Jésus, lui-même
ne veut rien faire sans eux. Sans doute, il aurait pu dire : «
Inutile quils sen aillent, je moccupe de les nourrir
» mais il dit plutôt : Donnez-leur vous-mêmes
à manger. À travers les disciples, cest
déjà lÉglise de tous les temps qui reçoit
la charge de donner au monde la nourriture qui vient du Christ..
Jésus prit les cinq pains... (v. 16)
On la remarqué
depuis longtemps, Jésus ne crée pas de nourriture
à partir de rien mais il compte sur ce que les disciples
lui apportent; il prend les pains et les poissons qui sont offerts.
Le repas provient donc véritablement des disciples et il
est aussi servi par eux : Jésus
donna (les pains
et les poissons) à ses disciples pour quils les distribuent
à tout le monde (v. 16).
Il était tout à
fait habituel, dans le monde juif, de prier avant un repas. La bénédiction
prononcée par Jésus doit dabord se comprendre
dans ce contexte. Cependant, il est clair que les récits
du dernier repas et ceux de la multiplication des pains se sont
influencés mutuellement. Luc fait en sorte que les lecteurs
de cet épisode pensent tout naturellement à la dernière
cène. Même sil ne sagit pas dun repas
eucharistique, la structure du texte évoque les célébrations
des premières communautés, telles que nous pouvons
les connaître par ailleurs (par exemple, par le témoignage
de saint Justin, au deuxième siècle) : liturgie de
la Parole (v.
11) et partage du pain (vv.
16-17). Lécoute de la Parole et la fraction du
Pain deviennent le chemin qui permet de passer de linquiétude
à la foi.
On ramassa les morceaux... (v. 17)
Ce détail, qui se trouve
dans toutes les versions du récit de la multiplication des
pains et des poissons, ma toujours paru bizarre; pourquoi
Jésus na-t-il pas fait en sorte « darriver
juste » pour quil ny ait pas de restes?
LAncien Testament offre
un précédent : Élisée nourrit cent hommes
avec vingt pains et il y a des restes (2
R 4, 42-44). La tradition évangélique veut montrer
que Jésus est un prophète bien supérieur à
Élisée. Par ailleurs labondance de nourriture
fournie gratuitement par Dieu est un signe du salut. Cela est vrai
au passé, lors du séjour au désert (Ps
78, 24-25.29; Sa
16, 20-21) et au futur, lors des temps messianiques (Ps
22,27; Is
55,2). La nourriture est surabondante car Dieu ne donne jamais
chichement, quil sagisse des biens spirituels ou de
ceux qui sont nécessaires à la vie quotidienne. Mais
ses dons ne doivent pas être gaspillés, cest
pourquoi on prend soin de ramasser les restes.
Ce qui est vrai dans lordre
symbolique lest aussi dans lordre naturel. Notre terre
peut produire ce quil faut pour nourrir convenablement ses
habitants à la condition que ses ressources ne soient pas
gaspillées ni accaparées par quelques-uns au détriment
des autres.
Je vous ai transmis ce que jai reçu... (1 Corinthiens
11, 23)
Paul écrit aux Corinthiens
vers 57, cest-à-dire moins de trente ans après
les événements qui, à Jérusalem, ont
marqué le début de lhistoire chrétienne.
Lui-même nétait pas présent lors de ce
repas que Jésus partagea avec ses disciples la nuit où
il était livré (v. 23). Mais il en a entendu le
récit et il la transmis, pas seulement en le racontant
comme une histoire du passé mais en le vivant avec les communautés
quil avait fondées, réalisant ainsi le commandement
: faites cela en mémoire de moi (vv. 24.25). Il devient
ainsi le premier témoin de leucharistie dans lÉglise
naissante, au moins une dizaine dannées avant la publication
de lévangile le plus ancien, celui de Marc.
Lorsque Paul écrit, la pratique
du Repas du Seigneur (cf. 1 Co 11,21) est déjà
connue; même des abus et des déviations ont eu le temps
dapparaître. Cest pour y mettre fin que Paul intervient.
Ces abus nous ont valu ce témoignage irremplaçable
: dès les origines, avant même la mise par écrit
des paroles et des gestes du Seigneur, les premiers disciples se
sont réunis pour faire ce quil leur avait ordonné
: manger son corps et boire son sang en proclamant sa mort jusquà
ce quil vienne (v. 26). Leucharistie est donc bien,
depuis toujours, au cur de lexistence chrétienne.
Melkisédek, prêtre du Dieu très-haut... (Gn
14, 18)
Melkisédek napparaît
quen deux endroits de lAncien Testament : Gn
14, 18-20 et Ps
110 (109), 4. À cause du mystère qui lentoure,
il a connu une célébrité considérable
dans la littérature extra-biblique (Qumran, 2ième
livre dHénoch, etc.) et lauteur de lÉpître
aux Hébreux en fait une figure du Messie, prêtre
et roi (cf. He
7, 1-17). Les Pères de lÉglise ont vu dans
le pain et le vin une figure de leucharistie. La victoire
dAbraham sur ses ennemis annonce celle du Christ sur la mort
et les puissances du mal, célébrée chaque fois
quest renouvelé son sacrifice en mémorial.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2104. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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