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Épiphanie du Seigneur - 6 janvier 2008

 

Comme un rendez-vous

La visite des mages : Matthieu 2, 1-12
Autres lectures : Isaïe 60, 1-6; Psaume 71(72); Éphésiens 3, 2-3a.5-6

L’épisode des mages aurait pu s’intituler « Le rendez-vous manqué ». Dans sa mise en scène, en effet, l’évangéliste Matthieu montre que les représentants officiels du peuple juif avaient tout en main pour rencontrer le Messie et ont raté l’occasion. Ils avaient la proximité géographique, les prophéties, les Écritures, l’expertise nécessaire. Ce sont finalement des étrangers, guidés par un signe ambigu (l’étoile), réorientés par les prêtres et les scribes eux-mêmes, qui finissent par trouver « le roi des Juifs ». Mais plutôt qu’une critique à l’endroit du peuple de la première Alliance, ce texte invite surtout à l’ouverture d’esprit. L’attitude des autorités de Jérusalem, qui regardent passer le train du haut de leur savoir, interpelle tous les croyants et les croyantes. Que valent l’érudition, le pouvoir et les traditions si on refuse de se mettre en route?


L’Alliance élargie

  L’ouverture d’esprit encouragée par ce texte se manifeste aussi dans les mages. Ceux-ci représentent le monde païen, en principe exclu de l’Alliance avec Dieu. Or, voilà qu’ils se mettent à l’écoute des Écritures juives, par l’entremise des prêtres et des scribes à Jérusalem, ce qui leur vaut de rencontrer le roi. Quel était leur intérêt à aller se prosterner ainsi devant le souverain d’une nation étrangère?

  Le scénario élaboré par l’évangéliste est en fait symbolique. Il illustre la réalisation de certaines prophéties de l’Ancien Testament comme celle d’Isaïe 60, lue en première lecture. Cinq siècles environ avant la naissance de Jésus, en effet, un prophète rêvait de voir affluer toutes les nations à Jérusalem. C’est ce qui se produit avec la venue des mages en Terre Sainte, à un détail près : le lieu du rendez-vous est Bethléem et non Jérusalem. Le christianisme demeure ainsi ancré dans la tradition juive, tout en prenant ses distances.

  L’apôtre Paul l’exprime à sa manière, dans la deuxième lecture, lorsqu’il souligne que les païens sont associés au même héritage […] au partage de la même promesse. Ayant constaté que l’Évangile ne reçoit pas l’accueil espéré au sein de son peuple, Paul constate qu’il faut voir plus large. Il en déduit que l’Alliance s’étend au-delà de ce qu’il envisageait au départ. Remarquable ouverture d’esprit…

Hors des sentiers battus

  Revenons au récit de Matthieu. Les personnages venus d’Orient, en plus d’être des étrangers, sont des mages. Dans notre esprit, ce titre a quelque chose de plutôt sympathique, surtout depuis la parution des romans et films de Harry Potter. Or, dans la Bible, les mages ont habituellement mauvaise presse. Ils s’adonnent à la magie, à la divination et à d’autres pratiques suspectes aux yeux des Israélites pieux. Que l’évangéliste Matthieu montre des mages en train de couper l’herbe sous le pied de l’élite de Jérusalem a quelque chose d’ironique. Tout ça, parce qu’ils ont observé le ciel et y ont reconnu un signe. Encore une fois, il importe d’y voir davantage qu’une flèche à l’endroit du peuple élu. Le texte indique avant tout qu’il est possible de trouver Jésus en-dehors des sentiers battus par la tradition. Encore une fois ici, la faculté de s’ouvrir l’esprit entre en ligne de compte. Bien des chercheurs et des chercheuses de Dieu de nos jours explorent des avenues qui peuvent sembler critiquables. Cela ne les conduit pas nécessairement à un cul-de-sac…

Faire table rase?

  À ceux et celles qui seraient cependant tentés de rejeter en bloc la tradition et les Écritures, il convient de rappeler un détail du texte de Matthieu. Si l’apparition de l’étoile a permis le coup d’envoi à la démarche des mages, elle n’a pas réussi à elle seule à conduire au Messie. La consultation et le respect de l’Écriture a été nécessaire pour que les hommes venus d’Orient arrivent au but. Encore ici, c’est une question d’ouverture d’esprit. Se fermer à ce qui vient du passé ou à l’expertise des érudits, c’est risquer de tourner en rond longtemps!

Et l’étoile?

  Et que dire de la fameuse étoile? Objet de fascination et de spéculation depuis des siècles, elle demeure finalement un élément plutôt accessoire du récit. Elle renvoie à une vieille prophétie du livre des Nombres (24, 17), attribuée à Balaam (tiens, un autre païen!). Dans ce passage, on parle d’un astre qui se lève. Vraisemblablement, il s’agit d’une référence à David et à sa montée fulgurante à la tête du peuple. Avec le temps, ces paroles ont été comprises comme annonçant la venue du Messie. La présence de l’étoile dans le récit de Matthieu lance un message : les prophéties de l’Ancien Testament se réalisent avec la naissance de Jésus à Bethléem. Il est bel et bien le Messie tant attendu et c’est pourquoi il mérite l’adoration des mages venus d’Orient.

  À bien y regarder, tout ce récit est fortement imbibé de l’Ancien Testament. On y trouve même une citation explicite, dans la bouche des chefs des prêtres et des scribes d’Israël. Il s’agit en fait de la combinaison de deux extraits : Michée 5, 1-3 et 2 Samuel 5, 2. Cet assemblage permet à Matthieu de livrer un enseignement à propos de Jésus : celui-ci est le berger d’Israël annoncé par les Écritures. Or, sa naissance ne suscite aucun réel intérêt au sein de son propre peuple. Tout au plus Hérode manifeste-t-il son intention d’aller lui rendre hommage. La suite du récit montre son réel désir : exterminer un éventuel prétendant au trône. Qu’est-ce que cela augure pour la suite des choses? À quoi pouvons-nous nous attendre lorsque Jésus commencera sa prédication? Le drame du rejet du Messie par le peuple élu et sa passion commence déjà à se faire pressentir…

Rendez-vous

  De manière plus générale et dans le contexte liturgique, la fête de l’Épiphanie est un peu comme un rendez-vous. Rendez-vous avec le Fils de Dieu venu donner du sens à notre humanité. Rendez-vous avec la grandeur du divin qui se révèle dans le plus petit des humains. Rendez-vous avec les hommes et les femmes de tous les horizons, en recherche de lumière et de vérité. Rendez-vous avec ce que la vie a de plus beau à nous offrir, à l’image de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Y serons-nous cette année?

Jean Grou, Québec

Source: Le Feuillet biblique, no 2125. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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