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4e dimanche ordinaire A - 3 février 2008

 

Êtes-vous heureux ?

Le sermon sur la montagne : introduction : Matthieu 5, 1-12a
Autres lectures : Sophonie 2, 3; 3, 12-13; Psaume 145(146); 1 Corinthiens 1, 26-31

Il n’existe peut-être pas de texte évangélique plus difficile à commenter que les Béatitudes. Au sujet de ce texte célèbre, la bibliographie est immense; on a écrit tout et son contraire.

Il gravit la montagne... (v. 1).

   À quel auditoire Jésus s’adresse-t-il? Qui sont les disciples qui s’approchèrent (v. 1)? Le verbe employé pour décrire le mouvement des foules : des foules nombreuses le suivaient, est caractéristique du disciple qui suit son maître. Dans l’évangile de Matthieu, il arrive souvent que des foules nombreuses suivent Jésus (voir, par exemple : Matthieu 8,1; 14,13; 19, 2; 20, 29; 21, 9). On n’est pas alors en présence d’un groupe indistinct mais du cercle élargi des sympathisants. C’est déjà l’Église qui se met en marche à la suite de son Maître.

   Sur la montagne du Sinaï Moïse était monté seul (cf. Exode 24,12-18); Jésus gravit la montagne avec ses disciples et là, il s’assoit (v. 1). Il ne prend pas l’attitude de l’orateur qui harangue une foule mais celle du professeur qui instruit ses élèves. À l’Église naissante, Jésus va donner ses premières instructions.

Heureux !

   Jésus ne crée pas la forme littéraire des béatitudes; celle-ci existe dans l’Ancien Testament (voir, par exemple Psaume 1, 1) et dans la littérature extra biblique, aussi bien grecque que juive. La béatitude se distingue de la bénédiction. Cette dernière est une formule efficace qui produit ce qu’elle exprime (voir, par exemple : Genèse 27, 27-29) alors que la béatitude est plutôt le constat d’une situation. En cela elle se distingue aussi du souhait; dire heureux les pauvres de cœur (v. 3) est beaucoup plus fort que dire : « je souhaite que les pauvres puissent être heureux ». En somme on pourrait dire que la forme des béatitudes se rapproche de celles des félicitations (ce mot vient d’ailleurs du latin felix : heureux, presque synonyme de beatus, d’où provient le français béatitude). À quelles conditions peut-on accéder à ce bonheur?

   Les béatitudes se répartissent en trois groupes (vv. 3 à 6, vv. 7 à 10 et vv. 11-12).

   Les béatitudes du premier groupe expriment des situations de privation : les pauvres de cœur (v. 3), les doux (v. 4) c’est-à-dire ceux qui renoncent à l’usage de la violence pour se défendre et faire valoir leurs droits, ceux qui pleurent (v. 5), ceux qui ont faim et soif de la justice (v. 6). Pour eux Dieu va intervenir afin de reverser leur situation. Les pauvres de cœur reçoivent le Royaume dont la révélation est accordée aux tout-petits (cf. Mt 11, 25). Les doux héritent de la Terre Promise alors qu’autrefois Josué et les Israélites l’avaient conquise par les armes (voir, par exemple : Sirac 46, 1-6). Ceux qui pleurent seront consolés selon la promesse faite par Dieu : il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres … pour consoler tous les affligés (Isaïe 61, 1-2). La justice dont il faut avoir faim et soif n’est pas la « justice judiciaire » mais une attitude de fond selon laquelle le fidèle tend de tout son cœur à faire la volonté de Dieu. Saint Joseph est déclaré homme juste (Mt 1, 19); il a trouvé son bonheur à accueillir dans sa vie le projet de Dieu.

   Les béatitudes du deuxième groupe (vv. 7-10) concernent des attitudes personnelles des disciples : la miséricorde, la pureté de cœur, le fait d’être bâtisseur de paix et souffrir pour la justice. La conséquence n’est plus un renversement de la situation mais un accroissement de grâce qui permet d’entrer dans une intimité plus grande avec Dieu : recevoir de Dieu la miséricorde pour ses péchés, voir Dieu (cf. Exode 24, 11), être reconnus pour ses fils, participer à son Royaume.

   Remarquons que la première et la huitième béatitudes comportent la même conséquence : le Royaume des cieux est à eux (vv. 3.10). Cette forme de récapitulation nous invite à croire que cette conclusion s’applique à toutes les béatitudes. Le Royaume, n’est-ce pas la possession de la véritable Terre promise, la consolation pour les affligés, l’établissement de la justice de Dieu dans toute sa création, etc …? Le bonheur réside dès maintenant dans la venue du Royaume, en la personne de Jésus, même si sa pleine réalisation est toujours objet d’espérance (cf. Romains 8, 24).

Heureux...
si on vous persécute (v. 11).

   Le troisième paragraphe est différent des deux autres. Il contient une seule béatitude, beaucoup plus développée que les précédentes; il est rédigé à la deuxième personne du pluriel plutôt qu’à la troisième; il ne concerne pas une attitude personnel-le de ceux qui sont déclarés heureux mais une situation objective, puisque les victimes n’ont pas recherché les mauvais traitements qu’ils subissent. Enfin la conséquence est différée; ceux qui sont persécutés seront rétribués dans les cieux (v. 12).

   On se situe dans la tradition du juste souffrant (voir par exemple : Isaïe 52, 13 — 53,12; Psaume 22(21); 69 (68), 8-10; Sagesse 2, 10-20; 3, 1-13; 5, 15-19 etc…). Le Juste Souffrant par excellence, c’est Jésus lui-même; les disciples doivent se réjouir d’être associés à la Passion de leur Maître pour pouvoir aussi partager sa gloire (cf. Mt 10, 17-20; Actes 5, 41; 1 Pierre 3, 13-17).

Une image de Jésus

   En mettant en tête de l’enseignement de Jésus le Discours sur la montagne et en ouvrant celui-ci par les Béatitudes, Matthieu présente à ses lecteurs un portrait de son héros. On voit se dessiner clairement les traits essentiels de la personne de Jésus et de sa mission.

   En arrière-fond on retrouve l’oracle de Isaïe 61, 1-3. De manière moins explicite que Luc (cf. Lc 4, 16-21) et en procédant par allusions, l’évangéliste montre comment Jésus est celui qui accomplit parfaitement ce qui était annoncé par le prophète : porter la bonne nouvelle aux pauvres, panser les cœurs meurtris, consoler les affligés (cf. Mt 5,17). Le meilleur commentaire des Béatitudes se trouve dans la bouche de Jésus lorsqu’il se décrit lui-même : je suis doux et humble de cœur et vous trouverez soulagement pour vos âmes. Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger (cf. Mt 11, 29-30). Le chemin du bonheur proclamé par Jésus consiste à vivre à sa manière puisque toute sa vie est une mise en application des Béatitudes.

 

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2129. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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