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30e dimanche ordinaire A - 26 octobre 2008

 

 

Faits pour aimer

Le premier de tous les commandements : Matthieu 22, 34-40
Autres lectures : Exode 22, 20-26 ; Psaume 17(18) ; 1 Thessaloniciens 1, 5c-10

Dans les temps bibliques, on cherchait des formules brèves pour orienter le comportement de l’homme religieux. Le prophète Michée, au 8e siècle avait proposé : On t’a fait savoir, ô homme, ce qui est bien, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que d’accomplir la justice, d’aimer la bonté et de t’astreindre à marcher avec ton Dieu (6, 8). Le prophète Habacuc, par ailleurs, avait exprimé à sa façon l’idéal élevé du vrai Israélite. Sa fameuse expression a été immortalisée par saint Paul: Le juste vivra de la foi (2, 4).

Cependant c’est à Jésus que revient l’honneur d’avoir formulé l’expression la plus convaincante qui nous soit parvenue. Le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain se trouvait en effet parmi les 613 prescriptions de la Loi de Moïse (Deutéronome 6, 4 et Lévitique 19, 18). Jésus, en réponse à la question d’un scribe, en a fait sa Loi. L’amour, en hébreu ahavah ou hèsed était à l’origine une vertu politique caractérisant la fidélité d’un souverain à un allié ou à un supérieur. Le prophète Osée lui a donné une signification beaucoup plus touchante en en faisant la vertu qui unit les membres d’une même famille. Le rapport d’une mère ou d’un père devait être marqué par l’amour envers l’enfant ou le jeune, même envers celui qui s’était éloigné de ses parents. Le couple mari et femme exprimait le sentiment profond qui unissait les partenaires par l’amour conjugal. C’est tout ce fond affectif qui se profile derrière l’amour pour Dieu qu’on lit dans les commandements. Le fait que ce soit un commandement l’enrichit d’une portée juridique qui protège les participants de l’alliance des humeurs variables.

Saint Matthieu ne précise pas comment le commandement de l’amour de Dieu et celui de l’amour du prochain se rapportent l’un à l’autre. Cette absence d’explicitation a donné lieu à bien des commentaires qui sont souvent très éclairants sur la qualité de la vie chrétienne.

Amour catholique

Dans l’Antiquité par exemple, Évagre le Pontique a avancé que l’amour du prochain est au fond l’amour du Créateur puisque tout être humain est l’image de Dieu. À la même époque, d’autres  affirmaient que le premier commandement touche l’intelligence avec son désir de contemplation. Le second commandement concerne la volonté qui amène à l’action bienveillante envers le prochain. Ainsi l’amour de Dieu conduit à l’amour du prochain.

Sur l’antériorité de l’amour de Dieu, Aelred de Rielvaux écrivait le contraire au Moyen-Âge. Il soutenait que l’amour du prochain précédait l’amour de Dieu : ce dernier naît du précédent. Un enfant aime ses parents et sa famille, ensuite vient l’amour de Dieu.

Plus tard, toujours au sujet de l’ordre des commandements, Luther argumentait selon une constatation :  alors que le prochain ressent des besoins, Dieu n’en éprouve aucun. Cela fait en sorte que le vrai service de Dieu doit toujours être dans l’aide au prochain. Même prêcher la gloire de Dieu, l’exalter dans la louange et le remercier ont leur valeur sur la terre pour que le prochain se convertisse et soit entraîné vers Dieu de toute façon.

À l’ère moderne, Harnack pensait que l’Évangile place l’amour du prochain avec l’amour de Dieu parce que, selon les mots de l’exégète moderniste, « l’amour pour le prochain est l’unique preuve concrète de l’amour pour Dieu ». Pour lui, le double commandement est un indice de la nature spirituelle et corporelle de l’être humain. L’Évangile considère en conséquence les besoins spirituels et temporels de nos frères comme absolument inséparables.

Voir le prochain, voir Dieu

Parmi ces penseurs, le premier d’entre eux, Évagre, doit être vu comme celui qui est en accord le plus étroit avec l’évangile. Saint Matthieu souligne le thème de la dignité de la personne humaine en rapportant l’enseignement du Christ sur un point : Dieu est présent dans les autres. Ainsi la vérité est frappante pour le lecteur dans le parabole du jugement dernier. Après avoir séparé les brebis des boucs et dirigé les élus vers le ciel, Jésus dit : Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait (Matthieu 25, 40). Jésus a dit plus tôt à propos des communautés de disciples : Que deux ou trois soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux (Matthieu 18, 20). Cependant les mots qu’il adresse à ceux qu’il juge en tant que Fils de l’homme forment l’énoncé le plus clair : c’est Jésus qui bénéficie de l’amour que nous avons pour le prochain. Qu’on se rappelle le dicton : Tu as vu ton prochain, tu as vu Dieu.

Plus sur l'amour du prochain

Le commandement de l’amour du prochain a été donné à l’humanité pour fortifier l’amour naturel. En effet, l’amour mutuel est naturel d’après l’expérience de toutes les nations : le signe de cela est que par instinct, l’être humain subvient à la nécessité de l’autre, même un inconnu, par exemple en collaborant à réhabiliter le criminel, en relevant une personne faible quand elle est tombée, et bien d’autres cas. Cela arrive comme si les hommes étaient entre eux par nature des familiers ou des amis. On comprend donc que la loi divine prescrit aux hommes la charité mutuelle, d’autant plus que sachant que cela est la volonté de Dieu, chaque être humain qui en a reçu la révélation y met plus de constance, plus de stabilité et plus de sérieux. Nous constatons que la plupart des grandes organisations humanitaires du monde moderne ont leur origine dans le christianisme. La Bible découvre la personne humaine à elle-même comme quoi elle est faite pour aimer, amour des parents pour leurs enfants, amour des époux l’un pour l’autre et amour fraternel au-delà des préjugés de race et de nationalité. Le commandement de l’amour vécu par les saints a été connu par eux dans la méditation de la vie de Jésus et dans le choix d’un style de vie qui les entraîne à la charité héroïque.

Un sage de la Chrétienté médiévale observait que l’être humain a besoin de tranquillité et de paix pour s’occuper des choses de Dieu. Or de nombreux obstacles à cette sérénité de l’âme sont écartés surtout par l’amour mutuel. Puisque le commandement de l’amour du prochain apaise les sociétés humaines pour que les hommes s’adonnent aux choses d’en-haut, la charité mutuelle est liée de près au commandement de l’amour de Dieu. La règle des communautés religieuses, en diminuant dans le cœur des membres la jalousie et l’esprit de rivalité, augmente la possibilité de s’unir à Dieu par la louange, la prière et la contemplation.

Il faut distinguer une hiérarchie dans les biens que l’on procure au prochain par amour pour lui. Aujourd’hui l’ordre dans la qualité des biens qu’on doit offrir aux autres tend à s’estomper. L’importance des biens spirituels est rarement mentionnée. Saint Jacques écrit par exemple : Celui qui ramène un pécheur de son égarement sauvera son âme  de la mort et couvrira une multitude de péchés. (Jacques 5, 20). La santé intérieure de la personne demeure un souci pour celui qui aime l’autre dans la profondeur de son être.

 

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2158. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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