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33e dimanche ordinaire A - 16 novembre 2008

 

 

Grand retour, gros risque

La parabole des talents : Matthieu 25, 14-30
Autres lectures : Proverbes 31, 10-13.19-20.30-31 ; Psaume 127(128) ; 1 Thessaloniciens 5, 1-6

J’écoute par un beau dimanche une émission à la radio nationale.  Le commentateur littéraire y présente un roman qui prend en compte la conviction de la venue finale de Jésus.  Cet intervenant fort cultivé ne peut s’empêcher d’ajouter une pointe de sarcasme : «Tiens, il revient celui-là?  Il était parti?  On se demande bien où!  De toute façon, qui a remarqué son absence?»

Malgré ses immenses connaissances littéraires, ce commentateur de la radio nationale ignore ce que tout croyant pratiquant sait depuis longtemps.  Le Ressuscité est déjà en présence du Père éternel.  En pleine gloire, il nous confie la responsabilité d’inclure dans la famille trinitaire tous les enfants de Dieu dispersés.  Nous savons cela parce que nous sommes nourris, dimanche après dimanche, des enseignements bibliques du Lectionnaire de l’Église. 

Chaque année, nous fêtons l’Ascension en célébrant la discrétion actuelle de Jésus.  Elle ouvre un immense espace pour exercer nos responsabilités !  La présence actuelle du Ressuscité dans le monde prend un visage : le nôtre.  Dieu a pris un gros risque en nous faisant confiance… À notre tour d’assumer nos responsabilités!

Un retour espéré qui confirme notre rôle

Les trois derniers dimanches de l’année liturgique « A » insistent sur la venue finale de Jésus.  Par ricochet, cette perspective nous suggère de prendre en main le présent, ici, selon nos moyens, avec nos ressources et notre créativité.  Aujourd’hui, les textes de la Bible attirent notre attention sur une attitude, l’audace.  Cette attitude est essentielle pour vivre notre attente du retour de Jésus.

Dans un premier temps, nous détecterons le souci constant des premiers chrétiens : être à la hauteur de la venue de Jésus, toute prochaine selon eux.  L’évangile exige un certain effort de décodage pour y apprécier cet enjeu.  La deuxième lecture (1 Thessaloniciens 5, 1-6) confirme ce souci.  Il ne s’agit pas d’un concept abstrait, mais plutôt d’un élément structurant de la pensée des premiers chrétiens.

Dans un deuxième temps, nous prendrons acte de l’audace générée par la certitude de la venue finale de Jésus.  Cette audace se traduit par un certain goût du risque chez les baptisés.  La première lecture (Proverbes 31, 10-31) vient en renfort de l’évangile pour décrire le lieu où s’incarne la foi.  Il s’agit du terrain concret de la vie familiale, de la vie sociale, de la vie économique.

En ce temps-là, l'évangile

Jésus parle en parabole de sa venue.  Son récit laisse les lecteurs d’aujourd’hui assez perplexes.  En fait, cette parabole décrit un univers social bien différent du nôtre.  Elle fournit également des clés de lecture discrètement disséminées dans le texte.  Une lecture minutieuse est requise pour ne pas se laisser enfermer dans le malaise ressenti devant les comportements caricaturaux des personnages.

De toute évidence, l’homme qui part longtemps en voyage est très riche.  Il confie ses biens à des gens totalement voués à son service.  À notre époque, ce personnage opulent ferait la joie des lecteurs de magazines à potins.  Une large part de la population s’intéresse aux aventures des personnes riches et célèbres !  Au temps de Jésus, on se méfiait des riches.  On croyait que les ressources disponibles étaient limitées : les riches étaient des accapareurs.  Pour cacher leur jeu, ils déléguaient à leurs subalternes le soin d’accaparer toujours plus la richesse. 

Dans la parabole, deux des serviteurs ont bien compris ce qui est attendu d’eux.  Les sommes impliquées sont fabuleuses.  Un talent équivaut facilement à quinze années de salaire !  Rien à voir avec les dispositions psychologiques (les talents de chacune et chacun) sur lesquelles s’attardent trop souvent nos actualisations de la parabole…  Les sommes d’argent en jeu sont gigantesques… mais le montant ne semble pas impressionner le maître.  Il complimente ses deux serviteurs en parlant des sommes impliquées comme « peu de choses ».  Le processus suivi par les deux serviteurs semble être la cause des compliments.  Ils ont pris le risque de faire fructifier, et c’est ce qui était attendu d’eux.

Par contraste, le troisième serviteur s’est limité à la procédure légale suggérée par les rabbins.  Selon certains, est réputé avoir pris soin du bien confié celui qui le met hors de vue en le cachant dans la terre.  Le maître n’est pas d’accord avec cette vision des choses !  Il exige de l’action : « il fallait placer mon argent à la banque ».  Le serviteur a beau décrire la dureté du maître, qui s’accapare les biens à son profit, rien n’y fait.  Le jugement du maître se base sur l’action, si risquée soit-elle.  On peut imaginer, à la limite, qu’un serviteur qui aurait essayé de faire fructifier l’argent sans y réussir aurait été aussi louangé que les deux serviteurs qui ont réussi à doubler la mise.

Jésus ne fait pas la promotion des attitudes du riche.  Jésus met en scène des personnes qui risquent ou qui ne risquent pas.  Ainsi, Jésus ne peut encourir du petit peuple le reproche de prendre la part du riche : il ne se prononce pas sur le bien-fondé des comportements des accapareurs de ressources.  Jésus parle de sa venue : il arrime à l’exemple des risques financiers le risque encore plus grand consenti par les premiers chrétiens.

Ces croyants et ces croyantes investissaient leur espérance en fonction de leur certitude du retour du Seigneur.  Ce risque était énorme.  Il remettait en question les avantages de la société gréco-romaine.  Prendre un tel risque exprimait l’intensité du désir qui animait les jeunes communautés chrétiennes.

La deuxième lecture évoque le désir intense qui brûlait le cœur des premières communautés chrétiennes, lorsqu’elles évoquaient la venue finale de Jésus.  Ces quelques versets ne devaient pas intéresser outre mesure les gens qui ne se souciaient pas de la dernière manifestation du Seigneur Jésus.  Mais pour les autres, sa venue sera un moment de lumière, qui chasse les ténèbres de la nuit…Belle promesse pour une époque où il était bien difficile d’éclairer la nuit…  Grâce à la vigilance et à la sobriété promues par Paul, on savait comment s’activer jour et nuit, en dépit des apparences décourageantes, trop souvent meublées du silence du Ressuscité. 

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2161. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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