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12e dimanche ordinaire B - 21 juin 2009

 

 

Fête des pères, fin des peurs!

La tempête apaisée: Marc 4, 35-41
Autres lectures : Job 3, 1.8-11 ; Psaume 106(107) ; 2 Corinthiens 5, 14-17

 

Jésus traverse la mer.  «Chouette», vous dites-vous dans votre for intérieur.  «Comme cet évangile d'avant la Saint-Jean-Baptiste tombe bien!  Les vacances sont proches!»  Les souvenirs d'Old Orchard vous remontent à la mémoire, avec le goût des chiens chauds achetés par le papa après de longues heures de route. Vous les supportiez avec patience puisqu'elles permettaient à la petite famille de contempler enfin les reflets de la lune sur les flots atlantiques...

     En ce dimanche de fête des pères, ces beaux souvenirs familiaux sont pertinents. Malheureusement, lorsque l'évangile associe Jésus avec les flots, c'est rarement pour nous seriner des bribes de poésie estivale. L'enjeu de ces récits est généralement crucial.  Il mérite toute notre attention.

La mer, ennemie de Dieu

     La mer de Tibériade ou de Galilée traversée par les disciples était considérée comme un ennemi dangereux.  On essayait de la connaître et de la dominer pour en tirer un peu de support pour la vie. Tout le monde sait, au pays de Jésus, que le souffle chaud de la Méditerranée s'engouffre en après-midi dans le goulot des plaines entre les montagnes et soulève en tempête la mer. La nuit, au contraire, c'est le calme plat. C'est le temps de sortir pour la pêche.

     Elle est donc imprévue, cette tempête de soirée qui ballote la barque dans l'évangile. Et les disciples de Jésus, en bons croyants juifs, sentent remonter en eux la grande terreur associée aux flots déchaînés. La tempête sur la mer évoque pour ces croyants juifs le chaos primitif vaincu par Yahvé lors de la création du monde. 

Une solution qui pose question

     Et voilà que Jésus dort!  Un peu comme le Dieu d'Israël qu'on invoquait dans les psaumes, quand il semblait plus absent que présent, quand on lui demandait de se souvenir de sa promesse d'être au milieu de son peuple pour l'aider et qu'il ne semblait plus intéressé à soutenir son peuple...

     Lorsque Jésus se réveille, quel changement! Loin d'être indifférent, il agit avec la puissance de Yahvé créateur du monde. Le calme remplace le vacarme. Sa parole évoque l'organisation des éléments du monde dans le récit de la création. Tout prend sa place, grâce aux limites fixées.  Jésus domine les forces mauvaises comme le créateur du cosmos avait réussi à le faire jadis. 

     D'où la question des disciples sur l'identité de Jésus. Cet homme semble être plus qu'un homme! Leur foi proteste : selon l'Ancien Testament seul Yahvé est Dieu, et seul il domine les éléments de la nature. Comme l'affirme le psaume de ce dimanche, il a réduit la tempête au silence et les vagues se sont tues (107, 29).

     L'épisode pose, à propos de Jésus, la question de fond: «Notre Maître serait-il plus qu'un homme extraordinaire? Car il agit comme Dieu : il dispose de l'eau et du vent».

     Il n'y a plus lieu d'avoir peur. Dieu agit à travers Jésus pour son peuple. Par contre, il y a de quoi ressentir la crainte, ce sentiment très religieux qui montre qu'on met Dieu à sa vraie place : la première... Comme Dieu, Jésus est celui qui permet de faire le passage de l'angoisse au calme.

     Subsiste un énorme problème, cependant. Pour la religion juive, Dieu est unique. Un Juif véritable ne peut reconnaître Dieu dans un homme. Selon la foi du Premier Testament, seul Yahvé est Dieu. Comment peut-il exister à côté de Yahvé un individu qui, comme lui, réduit la tempête au silence et fait taire les vagues? 

Des disciples au cœur entrouvert

     La vraie question est donc posée, au sujet de Jésus.  La réponse viendra plus tard, lorsqu'il mourra en croix et que le soldat étranger affirmera : Vraiment, cet homme était Fils de Dieu (Marc 15, 39).

     Pour l'instant, comme lecteurs de l'évangile, nous devons gérer le côté étonnant de ce que Jésus peut apporter à notre vie humaine. La question reste large et ouverte : Quel est donc cet homme?

     Les disciples ne proclament pas encore la divinité de Jésus.  Les disciples sont en train de naître à la foi. En se posant la bonne question sur Jésus à la suite de l'apaisement de la tempête, les disciples remettent en question leur ignorance et apprennent leur rôle de disciple, s'améliorent, progressent... 

     Michel Quesnel écrit dans Comment lire un évangile (1984, page 89) :  «Leur foi est loin d'être acquise, mais leur interrogation porte sur l'essentiel. Celui qui cherche honnêtement à découvrir la personnalité de son interlocuteur accepte en même temps de se remettre en cause et, à partir de là, peut progresser. L'épisode de la tempête apaisée est révélateur de l'attitude qui permet d'avancer dans la foi.

     En le rapportant, Marc pense aussi, vraisemblablement, à la situation de l'Église, barque fragile malmenée par les assauts du mal et des persécutions. Les chrétiens sont tentés d'être paralysés par la peur. Mais ils peuvent regarder vers leur Seigneur qui semble dormir, mieux se poser la question de savoir qui il est vraiment, et fortifier en lui leur foi chancelante.»

Fête des pères en l'année Saint Paul

     Qu'est-ce qui confère à un père son statut de père? Que doit faire un homme pour se mériter ce titre, au-delà de la lancée dans la vie biologique d'un futur adulte? Sans doute assumer un rôle d'éducation patiente. Car un père ne peut rien forcer dans le développement de son enfant? Souvent, il doit se contenter de dire quelques rares paroles étonnantes ou de poser des gestes forts, qui se gravent dans la mémoire sans qu'on y pense trop...

     Cela ressemble aux bienfaits vécus par les compagnons de Jésus. De temps à autre, un événement imprévu leur ouvrait les yeux sur un aspect différent de son riche message. Petit à petit, avec une infinie patience et parfois un sursaut d'énergie investi dans la parole ou le geste, Jésus se faisait connaître avec toute la profondeur de sa personnalité. Le souvenir de la tempête muselée par un Jésus à peine éveillé fait partie de cet arsenal de moyens inédits pour se faire connaître.

     La première lecture tirée du livre de Job (38, 1.8-11) aide à préciser le portrait de Jésus. Le Seigneur Dieu s'y présente comme celui qui a mis des limites à la mer, à l'orgueil de ses flots. Tâche particulièrement impressionnante pour des gens qui concevaient la mer comme une force à contrôler, et non comme une poétique étendue d'eau qui inspire des sentiments romantiques... Au temps de Jésus, on ne chantait pas la mer à la manière de Trenet, en la regardant danser le long des golfes clairs avec des reflets d'argent! On la redoutait, on essayait de l'apprivoiser et on s'en méfiait toujours, avec raison.

     Nous l'avons vu : que Jésus lui dicte un calme bienvenu conduisait automatiquement à se poser la question de l'identité profonde de Jésus. En cet avant-dernier dimanche de l'année consacrée à mieux connaître saint Paul, nous constatons avec intérêt que la question des disciples trouve réponse dans la Seconde lettre de Paul aux Corinthiens (5, 14-17).

     Paul affirme qu'en Jésus, un seul est mort pour tous, et tous ont passé par la mort. Le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n'aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, mort et ressuscité pour eux. Ce grand passage de Jésus au-delà de la mort transforme notre manière de connaître. Nous ne connaissons plus personne à la manière humaine. Le Christ ne se comprend plus à la manière humaine.  Les versets 16 et 17 sont une clé pour comprendre l'évangile de ce dimanche.

     Être dans le Christ transforme quelqu'un en créature nouvelle. En Jésus, un monde nouveau est déjà né. Ce n'est plus la peur qui mène le monde, mais la sérénité générée par une connaissance éclairante de la réalité du Christ. Il agit au milieu des tempêtes de notre vie. On attribue à saint Augustin ce pertinent commentaire de l'évangile qui raconte le sommeil de Jésus pendant une tempête: «Si tu te souviens de ta foi, ton cœur n'est pas agité; si tu oublies ta foi, le Christ dort, tu risques le naufrage» (Rapporté par André Sève, dans son commentaire sur les évangiles, page 132) . 

 

Alain Faucher, prêtre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2192. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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