Qui suis-je pour toi?
Profession de foi de Pierre : Marc 8, 27-35
Autres lectures : Isaïe 50, 5-9a ; Psaume 114(115) ; Jacques 2, 14-18
La découverte du mystère de Jésus peut être fulgurante, mais souvent elle se fait lentement et progressivement, au rythme des joies, des peines, et des étapes de la vie. Pierre, à la question abrupte, directe, incontournable de Jésus, a répondu avec sincérité et vérité: il Lui rend témoignage... Puis, il refuse à Jésus sa parole de révélation. C’est dire que confesser Jésus exige de le connaître mieux et davantage et, à l’intime de l’être, de prendre un engagement personnel qui implique le perpétuel dépassement d'un horizon trop limité. Qui suis-je pour toi? La réponse ne peut se dire que dans l’amour constamment purifié.
Jésus, une figure du passé?
La première partie du récit rend compte d’opinions diverses exposées par des gens qui viennent entendre Jésus sans l’accompagner pour autant. On le voit comme un prophète, envoyé de Dieu, qui vient rappeler au peuple la voie de la fidélité à Dieu. En tant que membres du peuple hébreu, ils ont une certaine connaissance de Jésus, non négligeable, mais celle-ci est avant tout extérieure. Aussi provoque-t-elle la deuxième interpellation du Maître: Pour vous, qui suis-je? Pierre ose proclamer qu’il est le Messie (v. 29). C’est une avancée, mais ce mot renvoie souvent à une puissance politique qui établira le royaume de justice voulu par Dieu. Cette compréhension du Maître avec qui les disciples ont vécu en Galilée peut-elle être dépassée, s‘ouvrir à un autre horizon? Le pas à franchir est arrivé. Chemin faisant (v. 28), sur la route qui monte à Jérusalem, Jésus, leur dévoile avec assurance ce qui l’attend.
L’identité réelle de Jésus : unique et inédite
Au cours de l’échange entre Jésus et les disciples, il importe de tenir ensemble la confession de Pierre et l’enseignement de Jésus (vv. 31 et 34-35). C’est essentiel et fondamental pour bien comprendre dans son intégralité l‘essence de la foi chrétienne. Jésus prend l’initiative de dire qui il est en évoquant la figure du Fils de l’homme (Daniel 7), utilisée souvent pour exprimer la venue d’un personnage auréolé d’une puissance glorieuse et triomphante, mais, ici, cette appellation est identifiée à la figure du Serviteur souffrant qu’évoque le prophète Isaïe (42, 1-17; 49, 1-6; 50, 4-9 – notre première lecture; 52, 13 - 53, 12). Le texte bascule et les disciples sont estomaqués, déroutés, désemparés: le chemin de leur Maître n’est pas et ne sera pas celui du pouvoir et de la gloire que connaissent les souverains terrestres; Jésus n’échappera pas magiquement à ce que l’existence peut comporter de conditions tragiques.
L’incompréhension de Pierre
De quel type de Messie Pierre pense-t-il avoir besoin? Est-ce bien celui que Dieu veut lui donner? Sa réaction dévoile une connaissance limitée de Jésus et une conception complètement à l‘opposé de celle du prophète. Le disciple, précédemment inspiré, devient bouillant et impulsif, et se montre comme le tentateur, l’adversaire aux yeux de Jésus : Passe derrière moi, Satan! (v. 33). C’est dire à quel point l’entourage immédiat de Jésus et dévoué à son service doit se prendre en mains, changer sa mentalité pour entrer dans la vision de Dieu. Le processus sera long et douloureux.
Cheminer à la suite de Jésus
Pour tout être humain, la vie comporte des limites, des combats, des passes douloureuses qui peuvent ouvrir sur un dépassement de soi, un accomplissement plus complet des ressources insoupçonnées de l’être, un bonheur profond et non une caricature de celui-ci.
Pour le disciple, vivre en communion avec Jésus, c’est apprendre à modeler ses désirs et ses attentes sur ce que le Seigneur a enseigné par sa vie donnée et sa mort vécue en toute obéissance au Père, dans l’amour des hommes et des femmes de son époque et de toutes les civilisations. C’est constamment questionner ses valeurs, ses choix et ses décisions pour vérifier si tout coincide avec le sens que Jésus a donné à sa vie, plutôt que de s’en éloigner en calquant ses pensées et ses agirs sur les modes du jour, en suivant la pente naturelle de la chair et non de l’esprit comme l’expose l’apôtre Paul. Confesser sa foi au Christ, l’actualité en fait foi, implique de porter non seulement les critiques et les oppositions farouches, mais les quolibets et les injures, voire la haine du milieu ambiant. Pourquoi s’étonnerait-on que la route soit, à certains moments, celle du renoncement? Jésus ne cache pas à ses disciples que le chemin entrepris le conduit à Jérusalem.
La confession de Pierre ouvre donc sur le dévoilement du mystère profond et éternel de Jésus. Le texte évangélique montre les balbutiements de la foi des chrétiens de la première génération. Chaque croyant, aujourd’hui, au fil de sa vie, poursuit sa quête du Christ. Dans le fond de sa conscience et de son coeur, petit à petit, par la grâce de l’Esprit, il découvre la richesse et la grandeur de l’amour du Père et du Fils, et doit avec la communauté croyante confesser Jésus selon les formules de foi millénaires. Mais, à l’intime de lui, il importe également de dire dans ses mots personnels, sa passion du Christ, comment celui-ci colore et comble sa vie. Cette réponse en sera une d’amour, en parole et en action, la seule qui puisse convenir, face à Jésus Christ qui a donné sa vie pour notre salut et que le Père a relevé, le jour de Pâques.
Pour prolonger la réflexion...
Des paroles dures à entendre
Si quelqu’un veut venir derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive (v. 34). La dimension de sacrifice ici soulignée s’impose à toute vie, car se livrer à ses instincts naturels, à ses intérêts trop égoistes ne conduit pas à la vie. S’arracher à ce qui enferme sur soi pour s’attacher et partager la vision et l’engagement de Jésus, c’est se mettre à sa suite. Il n’est pas question d’anéantir, de renier ce que Dieu nous donne d’être, mais d’accueillir sa vie de Lui, de porter le poids des événements et des petites morts quotidiennes, de les soulever, de les transformer en victoires. Le Golgotha conduit au matin de Pâques.
Celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera (v. 35). Le grand et déroutant paradoxe! On est loin de l’absence de souffrance et de mort que Pierre attendait. Cela souligne que personne ne peut posséder sa vie comme bon lui semble, mais que, dans la foi, il reconnaît que Dieu seul peut définir en vérité le sens de son existence, sa valeur inaliénable. C’est entrer dans les vues de Dieu, dans la tâche de Jésus, de porter son message, de ne pas en rougir, de manifester son attachement dans un agir concret et ajusté à sa Parole.
Source: Le Feuillet biblique, no 2195. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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