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2e dimanche de Carême C - 28 février 2010

 

 

Dieu se rend visible

La Transfiguration de Jésus : Luc 9, 28b-36
Autres lectures : Genèse 15, 5-12.17-18; Psaume 26(27); Philippiens 3, 17 - 4, 1

 

Dans la seconde lecture de la célébration dominicale, Paul fait référence aux chrétiens qui ne tendent que vers les choses de la terre (Philippiens 3, 19).  Cette tendance pourrait trouver son expression aujourd’hui chez les croyants qui veulent ramener les interventions directes de Dieu, les miracles, à des causes scientifiques. Ces fidèles de bonne volonté influencés par un environnement fortement scientifique où tout peut être expliqué ne peuvent concevoir que Dieu est souverainement libre, qu’il peut transgresser les lois qu’il a lui-même fixées pour le fonctionnement de l’univers. Ils ne se rendent pas compte qu’en niant la réalité miraculeuse ils emprisonnent la Trinité dans un carcan. Mais le Père, le Fils et l’Esprit réussissent parfois avec humour à échapper aux limites que l’humanité veut déterminer à l’action divine. Et les apparitions font partie des merveilles difficiles à expliquer, des miracles accomplis par Dieu sur la terre.

Des symboles

     La liturgie de la Parole de la messe du 2e dimanche de Carême propose le récit de deux apparitions. Dans la première lecture, Abraham a un songe. Dans l’Évangile, les trois apôtres sont témoins de la Transfiguration du Seigneur. Plusieurs personnes qui ont la foi considèrent que les apparitions sont des symboles destinés à rendre compte de conversions intérieures. Les épisodes relatés ne sont pas arrivés concrètement, physiquement. Abraham n’a pas vu Yahvé devant lui et Pierre, Jacques et Jean n’ont pas perçu avec leurs yeux Jésus transfiguré.

Une réalité

     Les autorités de l’Église catholique sont très prudentes face aux miracles. Elles préfèrent une croissance spirituelle basée sur la transformation intérieure plutôt que sur les manifestations spectaculaires qui bouleversent les lois naturelles. Les autorités ne nient pas la possibilité de faits surnaturels mais elles ne donnent pas automatiquement crédit à la multitude des miracles qui leur sont rapportés. En effet, elles se méfient des excès d’une piété assoiffée de merveilleux et de surnaturel. Les apparitions constituent un élément favorisé par des croyants et des croyantes dont la foi dépend des prodiges surnaturels.  Plusieurs critères ont été établis afin de déterminer l’authenticité des miracles. Le caractère pédagogique de l’action divine constitue un élément de vérification important.

Un acte généreux

     Dieu n’intervient pas directement dans l’histoire humaine pour satisfaire des besoins égoïstes. Yahvé n’apparaît pas dans l’Ancien Testament simplement pour se faire dire par Israël qu’il est puissant et beau. Jésus n’apparaît pas aux apôtres pour se prouver qu’il est différent des apôtres. Au contraire les miracles sont des actes que Dieu tourne vers l’autre et non vers sa propre personne. La première lecture confirme cette considération. Yahvé apparaît à Abraham pour conclure un pacte avec lui. Yahvé promet au fondateur du peuple élu une terre qui sera habitée par sa descendance. Il faut remarquer que Yahvé ne se montre pas directement au père des croyants. Et ce fait est une constante dans l’Ancien Testament. Moïse verra et entendra des manifestations spectaculaires de la divinité : nuée, bruits intenses comme le tonnerre, un buisson ardent. Dieu enverra aussi ses serviteurs, les anges, pour parler aux êtres humains. Ces créatures, plus près de l’humanité dans la hiérarchie des créatures célestes, seront des messagers de choix pour Dieu. Dans l’épisode proclamé aujourd’hui, le sommeil devient le canal choisi par le Très-Haut pour transmettre sa pensée à Abraham. Plusieurs religions du monde ont considéré ce moment où la conscience vogue dans l’univers mystérieux des rêves comme le moyen privilégié pour communiquer avec l’au-delà. Abraham aura donc une révélation dans un songe.

La Transfiguration

     L’arrivée du Christ va transformer la manière dont la Trinité va communiquer avec les personnes humaines. Désormais, la condition humaine étant assumée par Dieu dans la personne de Jésus, les gens vont être témoins d’un nouveau mode de présence de Dieu sur terre : les apparitions divines. Dans l’Évangile, Jésus apparaît dans toute sa gloire. Il est humain et divin simultanément. Et il n’est pas transfiguré pour que ses amis soient impressionnés par sa puissance. L’apparition est plutôt tournée vers les apôtres. La parole essentielle de l’épisode exprime ce fait : Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le (Luc 9, 35). L’objectif fondamental de l’apparition est de raffermir la foi des disciples face aux épreuves douloureuses qui s’annoncent à Jérusalem. Le Père confirme que Jésus est son Fils. Ainsi il seconde les prétentions du Seigneur sur sa nature divine et bouleverse une conviction profonde des apôtres héritée de leur éducation religieuse, à savoir qu’un être humain ne peut pas être Dieu. En plus il incite les apôtres à faire un pas supplémentaire en leur adressant ces deux mots importants : Écoutez-le. Les trois disciples doivent donc écouter le Maître.  Le Père exige beaucoup mais il donne aussi beaucoup. Le trio aura la chance de voir Jésus dans sa gloire, privilège qui sera accordé à peu de gens même après la résurrection.

     Les apparitions constituent donc un élément de la trousse pédagogique utilisée par Dieu. Au fil de l’histoire chrétienne, cet outil a encore été utilisé par la Trinité. Jésus est apparu à Marguerite Marie Alacoque (1673-1675) pour lui transmettre dans un contexte où la divinité de sa personne prenait presque toute la place qu’il est aussi humain parce qu’il a un cœur d’homme. La Vierge Marie est aussi apparue à diverses époques délivrant constamment un message de conversion (Lourdes, 1858; Fatima, 1917). Il faut aussi ajouter que les fidèles ne sont pas obligés de croire aux apparitions. L’Église qui authentifie les apparitions déclare que celles-ci « ne sont pas contraires à la foi ».

Un citoyen des cieux

     Escamoter les interventions directes de Dieu dans l’histoire humaine serait un moyen facile d’expliquer le scandale de la souffrance humaine. Plusieurs personnes refusent le Christ ou perdent la foi parce qu’il semble que Dieu intervient de manière arbitraire dans le cours des choses humaines. Pourquoi n’efface-t-il pas totalement la douleur puisqu’il est tout-puissant ? Pourquoi guérit-il une personne plutôt qu’une autre ? En niant les miracles, ces gens peuvent affirmer que Dieu a créé un monde imparfait, plein de souffrance et qu’il faut assumer cette imperfection puisque Dieu laisse sa création se débrouiller seule. Cette explication simple à un problème complexe écarte tout un pan de l’être divin. Les enfants de Dieu, citoyens des cieux, sont invités à tourner leur attention vers la terre et le ciel, vers la nature et vers les miracles. La deuxième lecture rappelle cette invitation. Tous les membres de l’Église, connaîtront le miracle ultime. À la fin des temps, ils seront ressuscités par le Christ et auront, comme Lui, un corps glorieux. En attendant ce jour, la Nouvelle Alliance est toujours en vigueur. Jésus nous demande d’espérer la venue du Royaume tout en prenant soin, dans la charité, de nos frères et sœurs humains.

 

Benoît Lambert, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2219. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Il eut faim