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6e dimanche ordinaire C - 14 février 2010

 

 

Sautez de joie!

Des foules viennent à Jésus : Luc 6, 17.20-26
Autres lectures : Jérémie 17, 5-8; Psaume 1; 1 Corinthiens 15, 12.16-20

 

Quelles que soient nos conditions de vie, notre âge, notre santé, notre situation d’emploi, nos relations familiales ou amicales… nous avons des bons jours et des mauvais. Nous nous souhaitons d’ailleurs le « bonjour » lors de nos rencontres quotidiennes, en espérant que cela se réalise, ce qui n’est pas toujours le cas. Mais même lorsque nous profitons des belles journées, et que nous sommes joyeux, rares ou exceptionnelles sont les fois où nous « sautons de joie ». Ce n’est pas fête à tous les jours – dit-on! Les débordements de bonheur appartiennent aux jours de grandes nouvelles, de grandes réalisations ou de grandes surprises. Qui aurait l’idée saugrenue de sauter de joie quand ça va mal? Assurément, personne! Pourtant, c’est la recommandation de l’Évangile d’aujourd’hui.

D’où vient ce mystérieux élan de bonheur?

     Le jour où nous sommes pauvres, où nous avons faim, où nous pleurons, où nous sommes repoussés, insultés, rejetés, voire même haïs… voilà le jour pour se réjouir et sauter de joie, selon Jésus. Le prophète de Nazareth aurait-il perdu la tête? Sans doute, les nombreux disciples qui étaient « sur la plaine » ce jour-là (contrairement à Matthieu, Luc ne place pas ce sermon « sur la montagne ») doivent s’être posés sincèrement la question. Comment sauter de joie quand ça va mal? Et surtout, pourquoi? D’où nous viendrait ce mystérieux élan de bonheur?

     En bon maître juif, Jésus répondrait sans hésiter : « De la foi en Dieu ». Le Seigneur est la véritable source de bonheur, d’un bonheur qui dure et qui tient bon malgré les mauvais jours. S’éclater de joie à propos d’heureux événements ou d’une bonne chance, quoi de plus normal, mais aussi quoi de plus mondain, voire quoi de plus païen? Si nous tirons notre bonheur des aléas de la vie, nous nous laissons emporter par la fatalité et nous laissons le hasard dicter notre part de bonheur dans la vie. Il y aurait les chanceux et les malchanceux en ce monde, tout comme les jours de chance et les jours de malchance. Nous devenons alors des pions sur une table de jeu, livrés au jeu de la concurrence et des forces en conflit.

     Est-ce que Jésus prêche alors l’indifférence ou le détachement de ce monde? D’aucuns pourraient aspirer au bonheur en le dissociant des succès et des ratés de la vie en ce monde. Par une sorte d’ascèse, on pourrait dévaluer la part de joie associée au bien-être, puis se tenir stoïquement en retrait de tout ce qui fait rire ou pleurer les humains…

     Non, Jésus ne minimise pas l’importance de la nourriture, de la santé, des vêtements, de la sécurité physique et de tout ce pourquoi les humains se débattent et travaillent d’arrache-pied à obtenir. Le bonheur que Jésus propose prend racine dans ce monde, même s’il vient effectivement d’ailleurs.

Le bonheur des humains lui tient à cœur

     Jésus déclare que Dieu tient à cœur le bonheur des humains, particulièrement celui de ceux et celles qui sont les plus mal pris. Heureux, vous les pauvres : le Royaume de Dieu est à vous! Ceux qui n’ont rien hériteront de tout; ceux qui ont faim seront rassasiés; ceux qui pleurent riront à gorge déployée. Le renversement du sort des malheureux peut s’effectuer dès leur vivant ou bien attendre dans l’au-delà : la foi au Dieu des vivants enlève la frontière de la mort comme horizon limite à la réalisation du Règne de Dieu. Mais il ne s’agit pas de se moquer de la souffrance humaine sur terre en renvoyant le bonheur au ciel. Jésus annonce que le bonheur est possible dès ici-bas sur terre parce que Dieu nous aime depuis le ciel. Pauvres, affamés et malheureux peuvent commencer à se réjouir de ce qu’ils sont la priorité de Dieu, qui vient jusqu’à eux pour les accompagner à vivre leur situation de détresse présente. Même dans ton malheur, Dieu t’aime et il vient jusqu’à toi, pour t’aider à tenir et pour t’accompagner vers des jours meilleurs. Tiens bon et réjouis-toi!
Mais il y a plus. La proclamation de cette bonne nouvelle change effectivement la réalité. Ceux et celles qui entendent Dieu se soucier du malheur d’autrui, peuvent-ils rester indifférents ou s’en laver les mains? S’ils reconnaissent en Dieu leur Roi, s’ils souhaitent ardemment la venue de son Règne, ne doivent-ils pas se faire les ministres de Dieu et porter secours aux malheureux? En orientant le Règne de Dieu vers le soutien de ceux et celles qui souffrent, les béatitudes ne sont pas seulement un réconfort adressé aux malheureux, mais un appel à la conversion de ceux et celles qui jouissent des biens de ce monde et un appel à tous à se réjouir de l’amour que Dieu a pour nous. Quand les béatitudes changent les cœurs et les situations de vie en ce monde, il y a en effet de quoi sauter de joie, même au cœur des difficultés!   

Enracinés en Dieu

Béni soit l’homme qui met sa confiance dans le Seigneur, dont le Seigneur est l’espoir (Jérémie 17,7)

     Les béatitudes sont à juste titre la charte chrétienne, mais elles n’en sont pas moins trempées dans la spiritualité des prophètes juifs. À preuve, ce merveilleux passage du prophète Jérémie, qui loue quiconque met sa confiance dans le Seigneur, plutôt que dans un mortel. Mettre notre confiance dans le Seigneur nous oriente « vers le courant » des eaux qui peuvent vraiment nous désaltérer. Selon Jérémie, étendre nos bras, notre volonté, nos « racines » vers Dieu, cela nous permet non seulement de traverser les périodes de sécheresse, mais mieux encore, cela nous rend capables de porter du fruit par mauvais temps! N’est-ce pas justement la bonne nouvelle du Royaume que de renverser la tendance de ce monde à l’échec et de produire les tout premiers fruits du monde nouveau?  

Un bonheur qui doit éclore au beau jour de Dieu    

Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes (1 Corinthiens 15,19).

     L’apôtre Paul reconnaît que la bonne nouvelle chrétienne ne saurait se contenter d’un bonheur terrestre, somme toute éphémère. Après avoir porté du fruit sur cette terre, le Christ ne serait pas source de foi s’il ne s’était relevé d’entre les morts. Le bonheur qui doit commencer sur cette terre grâce à notre engagement généreux les uns envers les autres est un bonheur qui doit éclore au beau jour de Dieu.

 

Rodolfo Felices Luna, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2217. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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