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Célébrer la Parole

 

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24e dimanche ordinaire C - 12 septembre 2010

 

 

Pour le salut du monde

La brebis égarée : Luc 15, 1-32
Autres lectures : Exode 32, 7-11.13-14; Psaume 50(51); 1 Timothée 1, 12-17

 

L’auteur de la Première lettre à Timothée – appelons-le Paul par commodité – se présente comme un pécheur qui ne savait que blasphémer, persécuter, insulter (1 Tm 1, 13). Mais il est un pécheur pardonné, il se présente même comme  le prototype de celui qui a reçu la miséricorde : Si le Christ Jésus m’a pardonné, c’est pour que je sois le premier en qui toute sa générosité se manifesterait (1 Tm 1, 16).

     À partir de son expérience personnelle Paul énonce un principe général : Le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs (1 Tm 1, 15 cf. Mt 9, 13 et parallèles). Il renforce cette affirmation par une introduction solennelle qui en fait une confession de foi : Voici une parole sûre et qui mérite d’être accueillie sans réserve (1 Tm 1, 15 cf. 3,1; 4,9; 2 Tm 2, 11; Ti 3, 8). Le cœur de la mission de Jésus consiste à apporter aux pécheurs le pardon. À ce don gratuit, le pécheur ne peut répondre que par la foi (cf. v. 16) et l’action de grâce (cf. vv. 12.17). Voilà résumé en quelques lignes le message que Jésus illustre dans les trois paraboles de la miséricorde (Lc 15).

Il fait bon accueil aux pécheurs (Lc 15, 2).

     L’introduction (vv. 1-2) oriente l’interprétation des paraboles qui suivent. Le contexte est polémique. Les pharisiens et les scribes accusent implicitement Jésus de se faire complice des pécheurs en allant jusqu’à partager la table avec eux. La tradition juive avait plutôt tendance à isoler ceux qu’on considérait comme pécheurs, à la fois pour protéger les justes de tout risque de « contamination» et pour amener les coupables à changer leur conduite : Je n’ai pas été m’asseoir avec le fourbe, chez l’hypocrite je ne veux pas entrer; j’ai détesté le parti des méchants, avec l’impie je ne veux pas m’asseoir (Ps 26(25), 4-5 cf. aussi Ps 101(100), 4-5.7-8).

     Seule la troisième parabole (vv. 11-32) correspond exactement à ce qui est annoncé dans l’introduction. On y trouve le thème de l’accueil du fils repentant et celui du repas pris avec lui. Malgré des ressemblances évidentes les deux autres paraboles (vv. 3-7 et vv. 8-10) ont une orientation quelque peu différente.

Il y aura de la joie dans le ciel (v. 7 cf. v. 10).

     Ces deux paraboles sont étroitement parallèles. Un propriétaire de troupeau (v. 4) et une maîtresse de maison (v. 8) perdent chacun quelque chose d’important pour eux. L’un et l’autre mettent en œuvre des moyens considérables pour retrouver ce qui était perdu. Il est évident que ni la brebis ni, à plus forte raison, la pièce de monnaie ne font de démarche pour revenir ou pour être retrouvées. L’initiative vient de la personne qui a subi la perte. Et, après avoir retrouvé ce qu’ils cherchaient, l’un et l’autre partagent leur joie avec leurs proches. Ces paraboles illustrent bien la parole de Jésus : Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs, au repentir (Lc 5, 32). Le contexte est semblable, celui des protestations contre la familiarité de Jésus avec les pécheurs (comparer le v. 2 à Lc 5, 30) mais la réponse met l’accent sur la mission de Jésus venu chercher et sauver ce qui était perdu (Lc 19, 10).

Un homme avait deux fils (v. 11).

     Dans cette troisième parabole Jésus met en scène des personnes plutôt qu’un animal ou un objet inanimé; cela lui permet de faire place à la liberté des personnages, à leur initiative et à leur responsabilité. Chacun des fils fait des choix : le plus jeune quitte la maison et dépense ses biens (cf. v. 13), l’aîné reste avec son père et le sert fidèlement (cf. v. 29); le plus jeune décide de revenir chez son père (cf. v. 20) alors que le plus vieux refuse d’entrer dans la maison (cf. v. 28). Celui qui était parti retrouve sa place au sein de la famille alors que celui qui était resté s’exclut lui-même de la communauté familiale.

     Par ailleurs le père, après avoir accepté la demande de son fils cadet (cf. v. 12), le laisse partir sans protester. Il ne prend aucune initiative pour le faire revenir mais, le voyant de retour, il fut pris de pitié (v. 20).
 
     Cette petite phrase est le centre de gravité de toute l’histoire. Le verbe employé par Luc évoque un profond bouleversement intérieur; on le trouve aussi pour décrire l’émotion de Jésus devant la veuve de Naïm participant aux funérailles de son fils (Lc 7, 13) et celle du bon Samaritain à la vue du blessé (Lc 10, 33). Troublé au plus profond de son être le père renverse les règles de la justice distributive. Sans poser aucune question (le récit ne rapporte aucune parole du père à son fils cadet), il organise la fête pour le retour de l’égaré.

     Lorsque Jésus fait bon accueil aux pécheurs (v. 2) il agit à la manière de Dieu lui-même : Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant – oracle du Seigneur Yahvé – et non pas plutôt à le voir renoncer à sa conduite et vivre? (Éz 18, 23).

Mangeons et festoyons (v. 23).

     Le thème de la nourriture constitue le fil conducteur qui relie les péripéties de l’histoire. Prenons quelques exemples. Le fils cadet doit affronter une famine (v. 14) et il est même prêt à manger les aliments des cochons (v. 16). En pensant à la maison familiale, le souvenir qui lui revient est celui du pain que mangent les ouvriers (v. 17). Pour fêter le retour de son fils le père fait tuer un veau gras et organise un festin (v. 23). Et lorsque l’aîné proteste contre ce qu’il considère comme une injustice, il mentionne que son père ne lui a jamais donné un chevreau pour festoyer (v. 29).

     À première vue, on pourrait croire qu’il s’agit d’un enseignement au sujet de l’alimentation! En fait, la nourriture – ou son absence – sert d’indicateur de la qualité de communion entre les personnages. En quittant la maison, le fils cadet rompt les liens de filiation et de fraternité, il se retrouve réduit à partager la compagnie des porcs. On comprend combien, surtout pour un Juif, cette situation représente une déchéance. L’aîné, de son côté, attend de son père un salaire pour son travail; il réagit comme un mercenaire plutôt que comme un fils. La fête organisée par le père avait pour but de rétablir la communauté familiale mais l’histoire se termine sans que l’on sache si le fils aîné s’est laissé convaincre. Nous ne savons pas non plus si les interlocuteurs de Jésus ont compris pourquoi il accueillait les pécheurs et mangeait avec eux.

     Cette attitude n’est pas le monopole des Juifs pieux du temps de Jésus. Chacun peut se reconnaître à la fois dans le cadet qui quitte la maison et dans son frère qui refuse de l’accueillir à son retour. Chacun devrait aussi pouvoir se reconnaître sous les traits du père capable de pardonner et de réconcilier.

 

Jérôme Longtin, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2238. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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