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Dimanche de la Résurrection C - 4 avril 2010

 

 

Résurrection? Que s'expriment les témoins!

Le tombeau vide : Luc 24, 1-12 ou L'apparition aux disciples d'Emmaüs : Luc 24, 13-35
Autres lectures : Actes 10, 34a.37-43; Psaume 117(118); Colossiens 3, 1-4 ou 1 Corinthiens 5, 6b-8

 

Dans un journal local, une journaliste raconte un envoi missionnaire. Quatre jeunes, garçons et filles, s'apprêtent à partir en Amérique centrale pour quelques mois. Leurs motivations? Vivre une expérience de solidarité internationale, s'ouvrir à d'autres cultures, acquérir un savoir-faire.... Beaucoup de mots décrivent leurs belles valeurs, mais pas un mot n’évoque la foi qui, peut-être, inspire le geste généreux de ces jeunes. Pourtant, le groupe se prépare sous la supervision attentive d'une communauté religieuse... Pendant des mois, la communauté paie la formation, héberge gratuitement les jeunes au point d’arrivée et assure les activités d’intégration au retour.  La journaliste met en évidence l’absence complète de référence religieuse dans le discours des jeunes. « Ils ne sont pas contaminés par la culpabilité judéo-chrétienne », écrit-elle en conclusion de son article.

     Ce genre de propos est devenu monnaie courante. Il exprime bien les limites sociales qui paralysent notre témoignage. Nous vivons aux antipodes des moments bénis où la Résurrection de Jésus alimentait le témoignage joyeux et entraînant des disciples encore étonnés par les événements survenus après la mort du Sauveur.

     Ce témoignage des disciples s’est avéré essentiel lors de la naissance de l’Église. Paradoxalement, notre époque si attentive aux besoins des individus est réticente devant toute activité personnelle de témoignage. Pour nous protéger, pour éviter tout malaise, nous sommes alors portés à nous fondre dans le décor. Prenant au sérieux les mises en garde de certains ténors des médias, nous limitons au maximum nos gestes de communication publique. Nous reléguons dans l’intimité, dans le privé de nos vies le témoignage en faveur du Ressuscité.

     Le Seigneur Jésus est pourtant aussi actif aujourd’hui que jadis. Nous priver de témoigner va à contre-courant de la dynamique décrite dans la Bible. Quiconque vit l’expérience de rencontrer le Ressuscité se surprend à vouloir partager cette aventure. Puisse la célébration de Pâques nous encourager dans notre formulation d’une parole de témoin, une parole précise et stimulante!

     Comme c’est le cas pour plusieurs fêtes majeures de l’année chrétienne, le lectionnaire de Pâques offre quelques choix intéressants pour alimenter notre réflexion. En cette année liturgique C, nous concentrerons notre attention sur un amalgame de textes bibliques reliés par un fil conducteur clair et pertinent : le témoignage au sujet du Ressuscité.

Actes des apôtres et Évangile de Luc

     Saint Luc est à l’honneur aujourd’hui. Dans ses textes, le témoignage qui sort de la bouche de Pierre est détaillé et percutant, alors que les témoins de l’évangile semblent beaucoup plus perplexes.

     La première lecture (Actes des Apôtres 10, 34a.37-43) est tirée du tome 2 de la grande narration des débuts de l’Église rédigée par saint Luc. Le témoignage du chef des apôtres s’adresse aux gens qui se situent en dehors du peuple de Dieu.  Le discours porte sur les faits, ainsi que sur leur sens qui assoit l'identité de Jésus. Fort de son expérience, Pierre établit le pont entre le Christ de l’histoire et le Seigneur ressuscité.

     Contrairement aux disciples qui se lèveront dans les générations suivantes, Pierre a vu et entendu Jésus au cœur de son humanité.  En plus de son expérience de la rencontre avec le Ressuscité, l’apôtre a une expérience directe de la vie humaine de Jésus. Il insère son récit dans une base encore plus large : l’histoire du peuple juif. Les événements commentés dans son témoignage sont ainsi enracinés dans des pages bien fournies de l’histoire humaine.

     Le propos de l’Évangile selon Luc est plus ciblé que dans les Actes. Le texte déjà entendu lors de la Veillée pascale (Luc 24, 1-12) raconte que les femmes sont parties embaumer un mort. Des indices contredisent le sort fatal qu’on croyait réservé à Jésus.  Le tombeau est ouvert. Des interlocuteurs inespérés portent un vêtement de lumière. Leurs propos sur le sort de Jésus évoquent des propos tenus « de son vivant ». Les femmes racontent cela aux apôtres qui restent sceptiques. Pierre va tout de même vérifier. Le linceul abandonné ne suffit pas à le convaincre…

     Si on proclame plutôt le récit des événements de la route d’Emmaüs (évangile du dimanche soir, Luc 24,13-35), on constate que le témoignage des marcheurs est véhiculé devant les apôtres, à l’intérieur de la cellule des disciples. Le temps n’est pas encore venu de répandre la nouvelle sur les places. Mais déjà, les apôtres racontent l’expérience personnelle de Pierre pour valider le témoignage des marcheurs.

     Ainsi, le chapitre final de l’évangile de Luc en confirme les premières pages. Le récit du tombeau vide comme les aventures d’Emmaüs s’inscrivent dans la continuité de la bonne nouvelle initiale, celle que nous avons proclamée dans la nuit de Noël. Les bergers qui entendaient les messagers du ciel proclamer la gloire de Dieu recevaient sans le savoir les prémices du message du matin de Pâques. Avec la résurrection de Jésus, Dieu est à la hauteur de sa réputation, de sa gloire : il a conduit le Galiléen au-delà du seuil de la mort et de l’oubli.

Première lettre aux Corinthiens ou Lettre aux Colossiens?

     Outre l’évangile qui doit être choisi pour le plus grand bien des fidèles, la messe du jour de Pâques suppose une autre décision… déchirante. Deux courts textes des lettres de Paul sont proposés à notre considération : Colossiens 3, 1-4 et 1 Corinthiens 5, 6b-8. Comment choisir?

     Colossiens est un écrit mystique tardif, inspiré des messages de saint Paul. L’extrait proposé utilise un vocabulaire qui devait enthousiasmer les chrétiens du premier siècle. Ils découvraient la merveille opérée par Dieu en Jésus ressuscité en termes d’espace cosmique, de pouvoir universel, de vie divine et de gloire partagées... Somme toute, une série d’affirmations qui donnent de l’envergure au témoignage!

     La première aux Corinthiens est un écrit authentique de l’apôtre des nations. Elle évoque une tradition juive liée à la célébration de la Pâque : l’élimination du vieux levain des maisons. Utiliser du levain pour faire lever le pain n’était pas un geste anodin. C’était perçu comme la concession aux humains d’un pouvoir de transformation qui appartient à Dieu. Pour célébrer la Résurrection, don de Dieu par excellence, il faut accepter la totale nouveauté donnée par Dieu. Comme on fait le pari de se départir pour un temps des vieux ingrédients éprouvés, si nécessaires pour faire lever de bons pains…

     Comment choisir devant ces deux propos si riches?  Le contenu des deux petites péricopes est si pertinent qu’il s’avère dommage d’en retenir une seule. La proximité avec les événements de Pâques peut s’avérer un critère important. En retenant le texte de Corinthiens, on sera bien près de l’expérience mystique de Paul.

Nous, témoins d’aujourd’hui

     La présence de Paul, dans le discours liturgique de Pâques, est importante pour nous. Pâques nous rappelle ce que nous avons en commun avec Paul. 

     Par rapport aux premiers apôtres, Paul appartient à une classe différente de témoins. Comme nous, Paul n’a pas d’expérience directe des travaux et des succès humains de Jésus. Comme nous, Paul surgit dans l’histoire après la Résurrection. Comme nous, Paul se base sur le relèvement de Jésus par Dieu pour s’engager.

     Nous vivons de l’autre côté du premier dimanche de Pâques. Nous sommes dans la même position que Paul lorsqu’il rencontre Jésus Ressuscité! La rencontre avec Jésus, ce sur - vivant, est une expérience fondatrice qui invite à recadrer toutes choses.

     Nous sommes à armes égales avec Paul, et même plus chanceux que lui, puisque nous bénéficions désormais de son expertise, de sa réflexion, de la mise en forme de certains concepts qu’il a pris soin de formuler.

 

Alain Faucher, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2224. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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