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9e dimanche ordinaire A - 6 mars 2011

 

 

Dire ne suffit pas

Les vrais disciples : Matthieu 7, 21-27
Autres lectures : Deutéronome 11,18.26-28.32; Psaume 30(31); Romains 3,21-25a.28

 

Tous les Juifs pieux au temps de Jésus se demandaient comment être agréables au Dieu de l’Alliance. Bien sûr, les réponses étaient consignées dans le Deutéronome. En effet, le contenu de ce livre dictait au peuple en quoi consisterait dorénavant leur fidélité au Dieu de leurs pères : Veillez à mettre en pratique, les décrets et les commandements que je vous présente aujourd’hui (Dt 11, 32). Puis Moïse énumère en détails les décrets et les coutumes à observer (Dt 12, 1ss). Mais cela est vaste, très vaste! Il y aurait méprise si on confinait la fidélité aux lieux et aux temps du culte tout en négligeant le souci de la conduite quotidienne. C’est un peu la mise en garde que fait Jésus à ses disciples.

Dire et faire

     Il arrive à Jésus de donner une indication qui aide à reconnaître quels sont ceux qui entreront dans le Royaume. Dans l’évangile d’aujourd’hui, justement, il affirme d’emblée que le dire ne suffira pas : Il ne suffit pas de me dire Seigneur, Seigneur pour entrer dans le Royaume des cieux (Mt 7, 21) Il faut aussi ajouter le faire. Et ce faire consiste à se conformer à la volonté du Père. Ce qui a dû déconcerter le plus son auditoire c’est que, sans cette conformité, le fait d’avoir prophétisé en son nom et même d’avoir fait des miracles pourra même ne compter pour rien. Qui plus est, ces gens ne seront pas reconnus et certains rejetés (v. 23). Cette mise en garde contre l’illusion vient nous apprendre qu’un discernement rigoureux s’impose. Sommes-nous des loups déguisés en brebis? Sommes-nous une vigne aux branches garnies d’un beau feuillage mais sur lesquelles les fruits sont absents?

Les fruits du Royaume

     Mais quels sont donc les fruits vraiment bons, ceux du Royaume? C’est justement là que les règles du discernement spirituel s’avèrent délicates et subtiles. Il arrive que les apparences soient trompeuses en dépit du fait que les gestes posés l’ont été en vue du Royaume et même au profit du Royaume. On le sait, il y a des prophètes qui sont de faux prophètes malgré leurs gestes d’éclat (v. 22). À quoi tient donc cette reconnaissance dont parle Jésus? En quoi consiste donc cette conformité à la volonté de son Père? (v. 21) Cherchons, je pense, du côté du cœur, de la sincérité, de la coïncidence entre les paroles et les actes. Je crois que c’est là que tout se joue.

Notre relation avec Jésus

     Aller vers nos frères et sœurs dans la foi pour leur annoncer l’évangile du Christ devrait s’accomplir en clarifiant d’abord la qualité de notre relation avec Celui que nous annonçons. Encore là, un danger nous guette ou plutôt l’illusion est possible. C’est ce que Jésus veut nous dire en disant qu’il ne suffit pas de crier « Seigneur! Seigneur! » alors que ce cri est pourtant un acte de foi sublime. Confesser sa divinité en l’appelant Seigneur, cela n’est pas rien. Il s’agit là de l’appellation  la plus ancienne pour nommer Dieu. Formule brève s’il en est une. Mais ce n’est ni la longueur ni les mots de notre prière qui déterminent notre appartenance à Jésus mais bel et bien la foi en sa filiation divine et, répétons-le, la conformité à la volonté de son Père.

La conformité à la volonté du Père

     Cette conformité à la volonté du Père sera celle de Jésus à l’heure de son agonie. Celle qui lui fera tout remettre entre ses mains. Il ne s’agit pas d’une volonté contraignante mais « d’une volonté qui nous incline doucement comme par amour » (André Louf). Une volonté qui se manifeste à la manière d’une source murmurant le non béni  au plus profond de notre être. Ou encore comme la manifestation d’une joie toute spirituelle révélant le dessein de tendresse du Père qui nous enveloppe et nous réconforte. C’est de cette volonté dont parle Jésus lorsqu’il nous confie qu’elle est pour lui nourriture : Ma nourriture, c’est d’accomplir la volonté de mon Père (Jn 4, 34).

La conclusion du premier enseignement de Jésus

     Il est bon de rappeler ici que ce sont les dernières lignes du Sermon sur la montagne qui nous sont offertes aujourd’hui en saint Matthieu. Elles se présentent à la manière d’une conclusion générale. Ce qu’elles nous confient des paroles de Jésus s’applique autant à son enseignement qu’à l’ensemble de la Parole de Dieu. Jésus n’a pas tranché le dilemme évoqué dans les deux lectures de ce dimanche. Paul, pour sa part, affirme que l’homme devient juste par la foi, indépendamment des actes prescrits par la loi de Moïse (Rm 3, 28). Jésus a jugé bon, nous semble-t-il, de laisser vivante cette tension car elle est plus proche de la vie, plus proche de nos défis quotidiens.

Une question d’interprétation

     Les personnes qui interpréteraient l’enseignement de la Loi de Moïse comme une invitation à tout investir dans les activités terrestres sans référence à la volonté du Père qui seul donne le salut, seraient dans l’erreur. Les personnes qui interpréteraient l’enseignement de Paul comme une sorte de certitude qui nous ferait oublier que nous devenons justes par la grâce de Dieu (v. 24) et non par nos efforts personnels, feraient également fausse route. Faire des choses, oui. Poser des gestes, oui. Prier, encore oui. Mais tout cela serait vain s’il n’y avait pas, comme Jésus l’a fait et l’a enseigné, la volonté de se laisser conduire par Dieu dans la foi et la confiance.

La maison sur le sable

     Jésus termine son entretien par la parabole des deux maisons : l’une bâtie sur le roc et l’autre bâtie sur le sable (vv. 24-25). Plusieurs applications de ce passage ont été tentées mais dans le cas qui nous occupe je suggère une relecture qui pourrait mieux convenir avec le propos que nous avons tenus précédemment. Ne pas savoir assez clairement comment agir peut produire des vies hésitantes et fragiles, donc à faible rendement. C’est pourquoi Jésus a insisté sur l’urgence, ou du moins sur l’importance, d’écouter les appels intérieurs et de les mettre en pratique (v. 24). Pour nous, aujourd’hui, l’importance sera de réfléchir avant de prendre des décisions pastorales ou d’opter pour une pratique chrétienne conforme à nos dires. Nous n’avons pas toujours une tâche gigantesque à accomplir mais toute vie humaine et surtout chrétienne comporte une suite de décisions. Et si ces dernières ne sont pas réfléchies et priées, nous bâtissons sur le sable.

La maison sur le roc

     Évidemment, nous ne pouvons pas toujours réaliser ce que nous avons mûrement décidé. Mais il faut surveiller de très près ce que nous laissons de côté. Et cela vaut pour la ferme décision de s’abandonner à la volonté du Père ou pour nos humbles efforts à vouloir y  parvenir. Les deux sont agréables à Dieu. L’ennemi c’est l’indécision chronique qui remet tout à demain. Autant dire alors que rien ne s’accomplira en vue de l’avènement du Royaume. L’atermoiement ne mène nulle part quel que soit le domaine :  c’est choisir le sable au lieu du roc de la confiance. Par contre, si le choix de bâtir sur le roc est privilégié, la pluie aura beau tomber, les torrents dévaler, la tempête souffler (v. 25), rien ne saura ébranler la maison fondée sur le roc (v. 25). Nous pourrons alors chanter avec le psalmiste : Acclamons notre Rocher, notre salut! Oui il est notre Dieu (Ps 94, 1).

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2263. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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