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Dimanche de la Résurrection A - 24 avril 2011

 

 

Reconnaître les signes et adhérer à la foi

Le tombeau vide : Jean 20, 1-9
Autres lectures : Actes 10, 34a.37-43; Ps 117(118); Colossiens 3, 1-4

 

Pour la liturgie du matin de Pâques, on aurait pu s’attendre à un passage des évangiles où Jésus apparaît vivant à ses disciples, après son séjour au tombeau. Or, dans l’extrait de l’Évangile selon saint Jean lu en ce jour, le Ressuscité est absent. Trois autres personnages occupent plutôt la scène : Marie Madeleine, Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait. Ce choix n’est cependant pas dénué de sens puisqu’il nous permet de nous rappeler qu’avec la résurrection, le Christ n’est plus présent comme autrefois. Il est toujours là, mais de manière imperceptible à nos sens physiques. Maintenant, il revient aux témoins de jouer leur rôle : savoir reconnaître les signes et adhérer à la foi. C’est le défi devant lequel se retrouvent les trois disciples, le premier jour de la semaine.

Étrange disparition…

     L’élément déclencheur du récit, ce qui lui donne sa raison d’être, c’est, bien entendu, la découverte du tombeau vide. L’évangéliste met l’accent sur la réaction des trois disciples devant cette réalité inattendue : paroles, déplacements, silence... La diversité en la matière souligne que la foi en la résurrection est une expérience spirituelle multiple. Chaque individu, avec sa personnalité propre, son expérience, son bagage intellectuel et son ouverture d’esprit, l’abordera de manière différente. De fait, parmi les évangélistes, Jean est celui qui donne la touche la plus personnelle aux récits d’apparition. Ainsi, le disciple bien-aimé croit sans avoir vu (20, 8). Marie Madeleine entend le Seigneur l’appeler par son nom et le reconnaît (20, 16). Les disciples le voient au milieu d’eux et se réjouissent (20, 20). Thomas exige de voir et de toucher le Ressuscité pour croire (20, 25).

Un commencement

     Mais revenons au début du récit. L’évangéliste situe avec soin la scène dans le temps : Le premier jour de la semaine, […] de grand matin, alors qu’il fait encore sombre. La mention du premier jour rappelle le récit de la création (Genèse 1, 2). L’auteur fait ainsi du matin de Pâques le début d’un temps nouveau. L’idée du commencement est renforcée par l’expression de grand matin. Par contre, il fait encore sombre, la nuit n’est pas tout à fait terminée. Le contexte rappelle l’épisode de la marche sur les eaux. Les disciples viennent alors de s’embarquer pour pour gagner Capharnaüm, sur l’autre rive. Déjà il faisait nuit, et Jésus ne les avait pas encore rejoints (Jean 6, 17).

     L’évangéliste laisse ainsi entendre qu’en l’absence du Christ, l’humanité est plongée dans les ténèbres. Mais les ténèbres n’ont rien de définitif, comme la suite du récit le montrera.

« On a enlevé le Seigneur »

     La raison pour laquelle Marie Madeleine se rend au tombeau n’a rien d’utilitaire. Il ne s’agit pas pour elle d’aller embaumer et parfumer le corps, ce dont Joseph D’Arimathie et Nicodème se sont déjà chargé avant l’ensevelissement (Jean 19, 38-40). Elle va plutôt, dans une démarche tout à fait gratuite, pleurer la disparition d’un être aimé, afin de vivre pleinement son deuil. Constatant que le corps a disparu, elle en conclut que des gens l’ont emporté. Cette explication servira d’ailleurs à ceux qui voudront, plus tard, à réfuter la résurrection de Jésus. (cf. Matthieu 27, 63-64; 28, 12-14) Mais un détail plus loin dans le récit montre que Marie fait fausse route. En effet, l’évangéliste précise que les pièces de tissus qui ont servi à recouvrir le cadavre sont demeurées sur place, et bien disposées. Des voleurs se seraient-ils donné la peine de retirer ainsi les morceaux de linge et de les disposer avec précaution? Prenons une comparaison : vous entrez dans la chambre de quelqu’un que vous croyez en train de dormir. La personne n’y est pas, mais son lit est soigneusement fait. Iriez-vous conclure à un enlèvement? Sans doute que non!

Le même, mais transformé

     La présence du linge et du linceul dans le tombeau vide indique aussi que le Christ n’a désormais plus besoin de vêtement. Pourquoi? Parce qu’il est entré dans une vie radicalement différente de celle qu’il avait menée jusqu’ici. Il demeure le même, tout en étant transformé. C’est pourquoi, aussi, les témoins dans les récits des apparitions de Jésus ressuscité ne le reconnaissent pas toujours au premier regard. Ainsi en est-il, par exemple, de Marie Madeleine (Jean 20, 14) et des disciples d’Emmaüs (Luc 24, 16). L’occasion est belle en ce matin de Pâques de rappeler que la résurrection est autre chose que la réanimation d’un cadavre ou la réincarnation. Dans les deux derniers cas, on revit dans un état similaire à celui d’avant la mort, tandis que le Ressuscité, lui, échappe à la sphère du matériel, de l’univers physique et temporel.

Simon-Pierre et l’autre disciple

     Quoi qu’il en soit, l’essentiel est que le corps n’y est plus et cette nouvelle déclenche la course de deux disciples, Simon-Pierre et celui que Jésus aimait. Il s’agit des deux mêmes qui, dans le récit de la passion chez Jean, interviennent de façon particulière. Pierre tente de défendre Jésus en frappant de son épée un des gardes venus l’arrêter (18, 10). Avec l’autre disciple, Pierre suit le maître et parvient à entrer dans la cour du grand prêtre (18, 15-16). Il  vivra alors un épisode amer : le reniement (Matthieu 26, 69-74). À l’inverse, le disciple bien-aimé montrera son indéfectible fidélité en réapparaissant au pied de la croix (19, 25-27).

Elle voit. […] Il voit. […] Il vit…

     Un élément du récit est commun aux trois personnages qui interviennent : le fait de voir. Mais leur façon de réagir à ce qu’ils voient est différente. Marie Madeleine court alerter les disciples. Pierre demeure silencieux. Le disciple bien-aimé croit. La réaction des deux premiers est, pourrait-on dire, la plus naturelle, la plus compréhensible pour nous. Celle du disciple que Jésus aimait ne va pas de soi, mais c’est bien celle que l’évangéliste présente comme modèle à suivre. Il annonce ainsi la bénédiction du Ressuscité à l’égard de Thomas : Heureux ceux qui croient sans avoir vu (Jean 20, 29). Le disciple que Jésus aimait a su voir au-delà des signes, le tombeau vide et le linge, qui, en eux-mêmes, avaient peu à révéler sinon une disparition. En ce matin de Pâques, la lumière du Ressuscité saura-t-elle aussi nous ouvrir les yeux et le cœur?

Radicale nouveauté

     Avec la messe du Jour de Pâques, nous entrons dans une séquence de dimanches où l’Ancien Testament laisse sa place au Nouveau pour la première lecture. Nous lisons plutôt, en effet, des passages des Actes des Apôtres. Cette particularité du temps pascal vient souligner la radicale nouveauté apportée par la résurrection du Christ. L’extrait lu le matin de Pâques donne la parole à Pierre qui fait entendre le cœur de la Bonne Nouvelle, qu’on appelle, dans le jargon théologique, le kérygme. Cet épisode ne pouvait être mieux choisi pour nous mettre dans l’esprit du temps pascal, caractérisé par le témoignage.

 

Jean Grou, Bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2270. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Le signe de la croix