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Dimanche du Christ, roi de l'univers B - 25 novembre 2012

 

Alors, tu es roi?

Jésus devant le tribunal romain : Jean 18, 33b-37
Autres lectures : Daniel 7, 13-14; Psaume 92(93); Apocalypse 1, 5-8

Au moment où j’écris ce texte, la Grande Bretagne vient de souligner avec éclat les 60 ans de règne d’Élizabeth II. Quels que soient les sentiments de chacun envers la couronne britannique, ces célébrations spectaculaires ont remis la monarchie dans l’actualité pour quelques jours. Il est bien évident que le faste de ces fêtes contraste fortement avec l’image de Jésus, prisonnier, interrogé par Pilate. Quel est donc ce roi si déconcertant?

Es-tu le roi des Juifs? (v. 33).

     Dans tout le Nouveau Testament l’expression roi des Juifs n’apparaît que dans les récits de la Passion (Mt 27, 11.29.37; Mc 15, 2.9.12.18.26; Lc 23, 3.37.38; Jn 18, 33.39; 19, 3.19.21) avec une seule exception : Mt 2,2, dans le récit de la visite des Mages à Jérusalem. Dans l’évangile de Jean, Jésus est appelé deux fois roi d’Israël (1,49; 12,13). Dans l’Empire romain, Israël n’étant pas une réalité politique, cette expression revêt donc un caractère essentiellement religieux; elle ne pouvait sans doute pas servir de base à une accusation devant le gouverneur. Par exemple, lors de l’entrée à Jérusalem après la résurrection de Lazare, Jésus est acclamé comme roi d’Israël (Jn 12,13). La scène pouvait être interprétée dans un sens politique mais les Pharisiens eux-mêmes, pourtant hostiles à Jésus, reconnaissent qu’ils ne peuvent rien contre lui (Jn 12,19).

     Par contre les Juifs sont une nation reconnue au sein de l’Empire; à certains égards, ils jouissent même d’un statut spécial à cause des exigences de leur religion. On les connaît aussi comme des trouble-fête, facilement prêts à se soulever contre les autorités étrangères. Revendiquer le titre de roi des Juifs peut allumer l’étincelle qui mènerait à une révolte générale. Le même évangéliste Jean précise que Jésus, pressentant que certains de ses concitoyens voulaient  le voir jouer ce rôle, s’enfuit pour échapper à leurs pressions (Jn 6,15).

     D’où Pilate a-t-il pris l’idée que Jésus pouvait prétendre à la royauté (cf. v. 34)? On peut évidemment faire toutes les spéculations imaginables sur les rumeurs qui étaient parvenues jusqu’à lui mais il faut bien reconnaître que le quatrième évangile n’en dit rien. Avant de conduire Jésus chez Pilate, les autorités juives l’interrogent sur ses disciples et sur sa doctrine (Jn 18,19) sans parvenir à aucune conclusion. Ils le présentent au gouverneur comme malfaiteur sans donner plus d’indications sur ses méfaits (Jn 18, 29-31). C’est donc Pilate, de son propre chef, qui introduit dans le débat le thème de la royauté de Jésus sur les Juifs. Cette accusation deviendra le principal moteur de l’action et constituera le motif principal de la condamnation (Jn 19,19). Sur le plan politique, cette stratégie permettra à Pilate d’obtenir un succès non négligeable, la reconnaissance, par les grands prêtres, de la souveraineté de l’Empereur romain (Jn 19,15).

Ma royauté ne vient pas de ce monde (v. 36).

     Dans le contexte du 4ième évangile il est évident que Jésus ne pouvait pas accepter d’emblée le rôle politique que Pilate voulait lui attribuer. Par ailleurs, il ne refuse pas le titre de roi mais il veut situer sa royauté sur un autre plan. Qu’est-ce qui distingue la royauté de ce monde de celle qui ne vient pas de ce monde ?

     Selon Jésus, la royauté de ce monde s’appuie sur de moyens militaires et sur l’usage de la force : J’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs (v. 36). On comprend que la royauté de Jésus repose sur d’autres moyens et ne fait pas appel à la violence pour se maintenir. On peut y reconnaître une critique à peine voilée de la politique romaine qui maintenait sa suprématie par des moyens militaires. Mais, à l’arrière fond, on devine un rappel du Psaume 2. Le roi de Juda – le Messie – cerné par ses ennemis en révolte (cf. Ps 2, 2-3) se tourne vers Dieu qui est à l’origine de son pouvoir et qui le protégera contre tous ses ennemis (cf. Ps 2, 6-9). Si Jésus se reconnaît roi c’est en tant que Fils de Dieu et participant à la souveraineté éternelle de son Père. Sa royauté ne vient pas d’ici mais de Dieu. Voilà un terrain de discussion où Pilate a du mal à s’engager!

Rendre témoignage à la vérité (v. 37).

     Jésus fait dévier le débat vers le thème de la vérité, laissant à Pilate la responsabilité de son accusation de prétention à la royauté. L’affirmation est particulièrement solennelle : Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Jésus exprime ici ce qu’il considère comme l’essentiel de sa mission. On entend l’écho de l’affirmation de l’évangéliste à la fin du Prologue : La Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. Nul n’a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui l’a fait connaître (Jn 1, 17-18). La mission du Fils est de révéler le vrai visage du Père, de le faire connaître tel qu’il est, c’est-à-dire – pour employer le langage propre à saint Jean – de le glorifier : Je t’ai glorifié sur la terre en menant à bonne fin l’œuvre que tu m’avais donné de faire (Jn 17,4). Telle est la vérité à laquelle Jésus rend témoignage : le Père et son amour pour l’humanité car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique (Jn 3, 16a).

     La royauté de Jésus s’appuie sur la force de la vérité. Ceux qui écoutent sa voix font partie de son Royaume parce qu’ils vivent déjà de la vie éternelle : Il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle c’est qu’ils te connaissent, toi le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ (Jn 17, 2b-3).

Le royaume et les prêtres de Dieu (Ap 1,5-8).

     L’Apocalypse s’ouvre par cet hymne de louange que Jean adresse, à la manière d’une lettre, aux sept Églises qui sont en Asie (Ap 1, 4a). La structure du passage est complexe; il s’agit d’une doxologie développée à partir du nom de Jésus le témoin fidèle (v. 5) par qui la grâce et la paix sont données aux fidèles (cf. v.4).

     Le texte est un tissu d’allusions, ou même de citations presque littérales, de l’Ancien Testament. Retenons-en une, tirée du récit de la manifestation de Dieu au Sinaï : Je vous tiendrai pour un royaume de prêtres, une nation sainte (Ex 19,6). Dans l’Ancienne Alliance le peuple élu est mis à part pour être le bien particulier de Yahvé. L’Apocalypse reprend cette image pour l’appliquer aux chrétiens persécutés auxquels le livre s’adresse (v. 6a). Tous ceux qui sont sanctifiés par le sang de Jésus deviennent les sujets du Royaume nouveau sur lequel règne celui qui vient parmi les nuées (v. 7). Jésus ne règne pas par la puissance mais par l’offrande qu’il a faite de sa vie (v. 5).

Je voyais venir … comme un Fils d’homme (Dn 7, 13-14).

     L’auteur de l’Apocalypse applique à Jésus ressuscité l’image du Fils d’homme provenant du livre de Daniel. Le chapitre 7 met en scène plusieurs personnages : des animaux monstrueux, représentant les royaumes hostiles (Dn 7, 1-8), un Ancien faisant office de juge et dont la description reprend, en partie, celle du trône divin par Ézéchiel (Dn 7, 9-10; Éz 1, 26-28), enfin un Fils d’homme (vv. 13-14) qui représente le peuple d’Israël vainqueur de ses ennemis. Jésus lui-même s’est attribué cette image (cf. Mc 14, 62) et la tradition chrétienne a vu dans cette figure mystérieuse une annonce du Fils de Dieu, le premier-né de la création nouvelle, celui qui résume en sa personne le nouvel Israël.

     Son empire est un empire éternel qui ne passera pas et son royaume ne sera pas détruit (v. 14b; traduction BJ).Voilà l’objet de l’espérance chrétienne qui sera pleinement réalisé lorsque la royauté de Jésus, qui n’est pas de ce monde, sera pleinement accomplie.

 

Jérôme Longtin, ptre-curé

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2335. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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