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22e dimanche ordinaire B - 2 septembre 2012

 

Du bon usage de la Loi

Le pur et l'impur : Marc 7, 1-8.14-15.21-23
Autres lectures : Deutéronme 4, 1-2.6-8; Psaume 14(15); Jacques 1, 17-18.21-22.27

Les notions de pureté et d’impureté remontent à la nuit des temps et se manifestent, sous une forme ou une autre, dans toutes les religions. À l’origine il ne s’agit pas d’un concept ayant rapport avec la morale mais plutôt avec le culte. Est pur ce qui est agréé par la divinité; est impur ce qui est rejeté par Dieu et qui, en conséquence, empêche de s’en approcher. Il n’est pas toujours facile de comprendre pourquoi tel objet, tel aliment ou tel animal est pur alors que tel autre ne l’est pas.

     La religion juive accorde une place importante à ces distinctions. Les chapitres 11 à 16 du Lévitique y sont entièrement consacrés (voir aussi Dt 14, 3-21) et la jurisprudence avait encore compliqué la mise en œuvre de cette réglementation (cf. Dn 1, 8-16; Ag 2, 10-14). L’archéologie montre qu’il existait, au temps de Jésus, de nombreux bains rituels dans les maisons ou les lieux publics pour permettre aux Juifs pieux d’accomplir toutes les purifications prescrites. C’est sur cet arrière-fond que se déroule la controverse entre Jésus et les Pharisiens racontée dans l’évangile.

Vous laissez de côté le commandement de Dieu (v. 8).

     Jésus se livre à une véritable charge contre la manière dont les scribes et les Pharisiens interprètent la Loi et l’appliquent. Les versets non retenus par le Lectionnaire sont encore plus radicaux que ceux de la lecture liturgique. Aux versets 9 à 13 Jésus dénonce une application du Décalogue permettant de se dispenser de prendre soin de ses parents en contradiction flagrante avec la Loi elle-même. Aux versets 16 à 20 il s’en prend à la question toujours très sensible dans le judaïsme des aliments purs et impurs (cf. Ac 10, 14-15).

     Jésus n’a pas été le premier à dénoncer la manière purement formaliste de pratiquer la Loi. Il cite (vv. 6-7) un texte d’Isaïe 29, 13 qui, plusieurs siècles auparavant, faisait des reproches semblables à ses contemporains. C’est une tentation permanente de camoufler un vide spirituel intérieur sous la pompe extérieure et la multiplication des rites (cf. Is 1, 10-20; Am 5, 21-27; Mi 6, 5-8 etc.). Il serait  injuste d’accuser tous les Pharisiens et tous les scribes d’avoir pratiqué une religion de pure façade; plusieurs d’entre eux étaient des croyants sincères désireux de faire passer la Loi de Dieu dans toutes les dimensions de leur vie quotidienne. Mais à force de multiplier les règlements et les interprétations on en était venu à rendre l’observance de la Loi tellement compliquée que seuls quelques spécialistes pouvaient espérer s’y retrouver (cf. Mt 23, 4). En somme, Jésus accuse ses adversaires d’avoir détourner la Loi de Dieu, qui devait être un guide de vie (cf. Dt 4, 1) pour en faire un piège et une occasion de péché.

Voilà ce qui rend l’homme impur (v. 15).

     D’un point de vue hygiénique ce n’est certes pas une mauvaise habitude de se laver les mains avant de manger ni de laver la vaisselle. Ce que Jésus condamne c’est l’idée qu’en accomplissant ces gestes on se met automatiquement en règle avec Dieu. Les prophètes avaient déjà insisté sur la fidélité intérieure et l’engagement pour la justice comme conditions essentielles pour être en communion avec Dieu : On t’a fait savoir, homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi : rien d’autre que d’accomplir la justice, d’aimer la bonté et de marcher humblement avec ton Dieu (Mi 6, 8; cf. Dt 10, 12-13). On est tout proche de ce que saint Paul appelle le fruit de l’Esprit (cf. Ga 5, 22-23).

     Ce que Paul appelle les œuvres de la chair (cf. Ga 5, 19-21), Jésus l’identifie comme la source de la véritable impureté, la seule qui empêche la communion avec Dieu et avec les autres (vv. 21-22). Ainsi la pureté n’est plus une catégorie rituelle ou juridique mais essentiellement morale. Si le cœur de l’être humain est mauvais il produira des fruits mauvais (cf. Lc 6, 45). La tradition postérieure a eu tendance à limiter la question de la pureté et de l’impureté aux comportements liés à la sexualité. Cette dimension n’est pas absente de la perspective de Jésus mais elle n’épuise pas tout ce qui peut rendre l’homme impur.

Mettez la Parole en application (Jc 1, 22).

     Dans un style souvent déroutant – des images inattendues surgissent tout à coup sous sa plume au milieu d’un développement (cf. v. 17b) -  Jacques donne à ses correspondants des conseils très réalistes sur la manière de vivre leur foi au jour le jour.

     « Tout ce qui est bon vient de Dieu et tout ce qui vient de Dieu est bon ». Tel pourrait être l’énoncé de la conviction fondamentale de l’auteur (cf. v. 17a). Le premier de ces dons est la vie et, plus encore, la vie en communion avec Dieu grâce à la Parole de vérité (v. 18).

     Ceux qui sont appelés par Dieu doivent répondre en accueillant cette Parole, source du salut (v. 21) et surtout en la mettant en pratique (v. 22). Saint Jacques est persuadé que la foi et l’action sont inséparables (cf. Jc 2, 14-26). Il va jusqu’à affirmer : comme le corps sans l’âme est mort, de même la foi sans les œuvres est-elle morte (Jc 2, 26). L’écoute de la Parole de Dieu, si elle ne transforme pas la vie de tous les jours, est une illusion (cf. v. 22). L’auteur va plus loin et précise ce que doit être cette mise en pratique : Venir en aide aux orphelins et aux veuves dans leur malheur et se garder propre au milieu du monde (v. 27).
 
     Se garder propre au milieu du monde n’a pas le sens rituel que Jésus dénonce dans le judaïsme de son temps (cf. Mc 7, 3-4). C’est plutôt un choix moral : éviter les séductions qui peuvent détourner de l’engagement envers Dieu et au service du prochain.

     Venir en aide aux orphelins et aux veuves reprend un thème fréquent de l’Ancien Testament : tu ne porteras pas atteinte aux droits de l’étranger et de l’orphelin et tu ne prendras pas en gage le vêtement de la veuve (Dt 24, 17). Le souci des pauvres de toutes catégories est un impératif du judaïsme authentique (cf. Dt 10, 18-19; Is 58, 6-8 etc.). Et Jésus en fait une exigence essentielle de la Nouvelle Alliance (cf. Lc 6, 20; 10, 20-37 etc.). Jacques rejoint la pensée de Jean : Si quelqu’un, jouissant des biens de ce monde, voit son frère dans le besoin et lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeurerait-il en lui? (1 Jn 3, 17) et celle de Paul : Quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi jusqu’à transporter les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien (1 Co 13, 2b). La manière pure de pratiquer la religion ne consiste pas à multiplier les actes de purification extérieure mais à mettre en pratique la Parole de Dieu par un engagement précis au service les uns des autres, spécialement des plus pauvres. Un tel engagement ne peut venir que d’un cœur pur puisque l’homme bon, du bon trésor de son cœur, tire ce qui est bon (Lc 6, 45a).

  • Plus qu’un code de prescriptions et d’interdits la Loi est une règle de vie, une sagesse qui permet de garder toujours vivante la relation avec Dieu et de régler de manière harmonieuse les relations sociales. Même si beaucoup de commandements sont repris plus ou moins directement de codes antérieurs, l’ensemble de la Loi forme un tout original qui distingue Israël des autres nations et fait l’objet de sa fierté (v. 8).

     À l’époque de Nouveau Testament les interprétations trop rigides de certains docteurs avaient fait de l’observance de la Loi un pesant fardeau mais Jésus lui-même dira qu’il n’est pas venir abolir la Loi mais l’accomplir, c’est-à-dire la porter à sa perfection dans le commandement de l’amour.

 

Jérôme Longtin, ptre-curé

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2323. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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La nativité de saint Jean Baptiste