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24e dimanche ordinaire B - 16 septembre 2012

 

Foi engagée, honneur véritable

Profession de foi de Pierre : Marc 8, 27-35
Autres lectures : Isaïe 50, 5-9a; Psaume 114(115); Jacques 2, 14-18

Le contenu biblique de ce dimanche est très important et ce, pour trois raisons. D’abord, un fil conducteur unifie les lectures. Il s’agit du thème de la foi. Le dimanche s’avère ainsi un intéressant prélude à l'Année de la foi dont la célébration universelle commencera dans moins d'un mois, le 11 octobre prochain. Deuxièmement, le texte de l’évangile nous plonge au cœur de l’intrigue de l’Évangile selon saint Marc proclamé cette année. Enfin, la conversation entre Jésus et ses disciples, placée au point tournant de l’intrigue de l'évangile, met en évidence la valeur centrale du monde méditerranéen de leur époque : l'honneur. Nous explorerons le thème de la foi, puis nous observerons les allusions à la valeur « honneur ».

La foi, aujourd’hui comme hier

     L’évangile (Marc 8, 27-35) met en scène plusieurs niveaux de foi. On y évoque la foi toute relative des compatriotes et la foi mieux éclairée de Pierre. On y décrit ensuite la foi bouleversée de Pierre devant les événements négatifs annoncés par Jésus. Enfin, la foi des disciples devra s’ajuster aux exigences de la suite de Jésus.

     Dans la première lecture (Isaïe 50, 5-9a), le verset 7 présente des convictions de foi pour les circonstances difficiles : Le Seigneur Dieu vient à mon secours, c'est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c'est pourquoi j'ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confonduJe ne serai pas confondu : autrement dit, « je ne serai pas touché par la honte de ne pas être bien soutenu par le Dieu qui me protège… ». 

     Dans le Psaume 114 (115), l’amour du fidèle se fonde sur les gestes de salut posés par Dieu : J'étais faible et il m'a sauvé.  Le verset 6 est une affirmation réconfortante de la foi : Le Seigneur défend les petits.  Le psaume jette ainsi un pont entre la première lecture et l’évangile.

     La deuxième lecture (Jacques 2, 14-18) décrit ce qui arrive quand les croyants prennent au sérieux l'action de Dieu et la reproduisent dans leur vie. La foi invite à répondre aux besoins les plus élémentaires de confort et d’alimentation. Ces considérations pratiques déclenchent une discussion ironique sur la foi inactive, celle qui se vante d’être dénuée d'effets concrets. Nous explorerons un peu plus loin cette piste d’actualisation.

L’honneur, valeur centrale d’autrefois

     L’évangile de ce jour est important dans le déroulement de l’Évangile selon Marc.  Selon des archéologues, il serait logique que la Transfiguration de Jésus ait eu pour cadre cette région " nordique " de Césarée-de-Philippe où se déroule la conversation entre Jésus et ses disciples. De plus, l'évangile met en scène une interrogation très importante pour l'époque. Selon nos critères modernes, l’enquête de Jésus sur sa réputation serait une vérification de routine pour ajuster ses relations publiques. À son époque, ces propos de l’entourage étaient déterminants pour le statut de Jésus.

     Tout le monde carburait alors à l'honneur. C’était le bien essentiel! Nous avons l’habitude, aujourd’hui, de construire nous-mêmes notre propre appréciation personnelle. En personnes autonomes, nous acceptons mal de régler notre comportement sur le seul regard des autres. À l’époque de Jésus, c’était plutôt la norme. Chaque personne se sentait étroitement liée au destin de son groupe d’appartenance : famille, coalition, faction, tribu, clan… Dans un tel contexte, il était primordial de s’ajuster au niveau attendu par « les autres ». Ainsi, aux versets 27 et 29, les questions de Jésus s’avèrent essentielles pour cueillir des indications sérieuses quant à sa réputation : « Pour les gens, qui suis-je? ... Pour vous, qui suis-je? »

     Heureusement pour Jésus, « les autres » portent un regard positif sur lui. Les comparaisons identitaires sont fort honorables. En effet, Élie était l'homme dont le retour sur terre devait donner le signal des temps derniers. Quant au prophète, il s’agissait d’un des porte-parole choisis par Dieu : tâche très noble s'il en était une! Les choses vont donc bien pour Jésus. Pierre en rajoute. Il reconnaît à Jésus l'autorité de proclamer le Royaume de Dieu en le qualifiant de « Messie ».  

     Survient alors le coup de théâtre, au verset 31. Le lecteur apprend comment Jésus va concrétiser son statut honorable. Le passage obligé est garni de gestes… déshonorants! Pour la première fois, Jésus apprend à son proche entourage que le grand dignitaire des temps derniers (le Fils de l'homme) doit souffrir, être rejeté, être tué avant d’être relevé. Les agents de son déshonneur appartiennent aux groupes de pouvoir chargés de distribuer l'honneur dans la nation. Les anciens constituent le pouvoir politique. Le pouvoir religieux est exercé par les chefs des prêtres. Et les scribes ont le pouvoir de la connaissance.

     Ce renversement de discours suscite une violente réaction chez Pierre. Il essaie discrètement de dénigrer ce scénario. Jésus voit ses disciples. Il rappelle alors la source des règles de distribution de l’honneur, Dieu, et la condition essentielle pour le suivre : renoncer à soi-même. Nous interprétons de manière individualiste cette consigne, comme s'il s'agissait d'une entrave ascétique à notre développement. Les Méditerranéens « centrés sur les autres » comprenaient qu'il s'agissait d’une invitation à réorganiser leur réseau social. Cette interprétation se vérifie dans l'Évangile selon Marc lorsque Jésus s'entoure d'un groupe (3, 13-19) qui devient sa famille de substitution (3, 31-35).

La foi engagée, toujours d’actualité

     Ainsi, Jésus confirme la nécessité de la grande foi exprimée dans la première lecture. Nous avons déjà proclamé quelques versets d’Isaïe 50, 5-9a au dimanche de la Passion (50, 4-7). Ces versets du prophète décrivent les conséquences malheureuses du déni d'honneur causé par les compatriotes de l’homme de Dieu. Mais surtout, ces lignes mettent en valeur la certitude du croyant : ne jamais être couvert de honte (« confondu ») par Dieu.

     La deuxième lecture offre, au verset 18, une réponse à nos intellectuels qui se vantent de « ne pas pratiquer ». Cette rupture entre foi et pratique est inacceptable aux yeux de la Bible. L'écrivain sacré est virulent. Une foi sans gestes ne peut même pas être détectée!

     À notre époque, un certain filet social atténue les chocs les plus violents en cas de grande détresse. Quand les non pratiquants dissocient les actes de foi et les gestes, nous aurions tort de jouer leur jeu en limitant nos gestes de foi aux seuls domaines de la prière, de la parole et de la liturgie. La foi doit continuer à prouver que le Seigneur défend les petits.  Ainsi, la foi telle que présentée dans ce dimanche décuplera autant l'agir que l'appartenance. Nous y trouverons une dose d’honneur qui ne peut venir que de Dieu seul.

 

Alain Faucher, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2325. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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