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32e dimanche ordinaire B - 11 novembre 2012

 

L'obole de la veuve

Jésus juge les scribes : Marc 12, 38-44
Autres lectures : 1 Rois 17, 10-16; Psaume 145(146); Hébreux 9, 24-28

Les deux parties de la péricope évangélique de ce dimanche, sont liées par le mot veuve qui sert de crochet. Autrement, rien n’oblige à penser que les deux scènes se sont déroulées à la suite mais rien non plus ne s’y oppose. Le sort des veuves, surtout celles qui n’avaient pas d’enfants ou qui avaient des enfants à charge, était souvent pénible. C’est pourquoi la Loi leur garantit une protection spéciale au même titre que d’autres catégories sociales plus vulnérables comme les orphelins et les étrangers (cf. Ex 22, 21; Dt 14, 29; 24, 17 etc.). Et Dieu lui-même se fait leur protecteur puisqu’elles ne peuvent pas compter sur l’appui de leur famille (cf. Ex 21, 21-22). Dans l’Église du premier siècle elles forment une sorte de confrérie avec des droits et des obligations (cf. 1 Tm 5, 3-16).

Méfiez-vous des scribes (v. 38).

     Les scribes aussi appartenaient à un groupe fermé, celui des spécialistes de la Loi. On ne pouvait en faire partie sans avoir reçu une formation adéquate et sans avoir été agrégé par les maîtres plus anciens. Leur opposition à Jésus vient en partie du fait que celui-ci se permet d’interpréter la Loi de Dieu sans avoir fait d’études et sans avoir obtenu la reconnaissance officielle (voir, par exemple : Mc 11, 28). La majorité des scribes appartenait à la tendance pharisienne mais il y avait aussi des scribes sadducéens. Dans les évangiles, scribes et Pharisiens sont souvent associés dans leurs attaques contre Jésus et celui-ci les blâme ensemble (cf. Mt 23, 2). Il ne faudrait pas croire pour autant que tous les scribes et tous les Pharisiens étaient coupables des fautes qui leur sont reprochées. Marc met en scène un scribe à qui Jésus dit : Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu parce qu’il a compris le sens et la portée du commandement de l’amour (cf. Mc 12, 28-34).

     La mise en garde de Jésus contre les scribes s’appuie sur trois motifs : la vanité, la rapacité financière et la manière ostentatoire de prier. Ces travers ne sont pas propres aux scribes de l’époque de Jésus; on connait des gens de n’importe quelle profession qui y succombent.

     Dans le cas présent il semble que les personnes visées se servaient de leur statut d’experts dans l’interprétation de la Loi pour s’arroger des avantages et une reconnaissance sociale qui les mettaient au-dessus du commun des mortels. De son côté Jésus enseigne que la vraie grandeur est celle du service, non celle du pouvoir : Celui qui voudra devenir grand parmi vous sera votre serviteur et celui qui voudra être le premier parmi vous sera l’esclave de tous (Mc 10, 43b-44).

     Le deuxième motif concerne l’accaparement des biens des veuves. Une telle pratique est explicitement condamnée par la Loi : Tu ne prendras pas en gage le vêtement d’une veuve (Dt 24, 17). En tant que spécialistes de la Loi, ces scribes auraient dû se porter à la défense des catégories sociales les plus défavorisées mais, grâce à leurs connaissances, ils pouvaient inventer des subterfuges pour contourner les règles (cf. Mc 7, 8-13).

     Enfin, tout cela était camouflé sous des apparences de piété. Mais la prière sans la sincérité est une mascarade; elle offense Dieu plutôt que de l’honorer. Elle a pour but de satisfaire l’orgueil de celui qui la pratique. Déjà Isaïe (cf. Is 1, 10-20), Amos (cf. Am 3, 4-6) et les autres prophètes avaient dénoncé le culte de pure façade de leurs contemporains. À cause de leur familiarité avec les Écritures les scribes auraient pu être des exemples de piété sincère; leur responsabilité est d’autant plus grande qu’ils sont considérés comme des modèles pour le peuple. C’est pourquoi ils seront plus sévèrement condamnés (v. 40).

Elle a tout donné (v. 44).

     Ce texte – et son parallèle en Lc 21, 1-4 – sont les seules sources à mentionner la présence dans le Temple d’un tronc destiné à recevoir les offrandes des fidèles. On ne sait pas à quoi servait cet argent : à l’entretien des bâtiments (cf. 1 R 12, 10-13 pour le premier Temple)? au  service du culte? à l’aide aux pauvres? Par ailleurs on sait que les dons en faveur du sanctuaire étaient valorisés; ils pouvaient même servir à se dispenser d’autres obligations (cf. Mc 7, 10-13).

     Si on lit seulement les versets 41 à 44 il n’y a pas de raison de penser que les généreux donateurs sont animés de mauvaises intentions. Puisqu’ils disposent de ressources considérables ils sont prêts à en donner une partie pour le service de Dieu dans le Temple. Cependant le contexte où Marc – et Luc à sa suite – ont inséré ce passage laisse supposer qu’il pourrait y avoir quelque vanité dans ce geste. On pense à la dénonciation de Jésus dans le Sermon sur la montagne : Quand tu fais l’aumône, ne va pas le claironner devant toi; ainsi font les hypocrites… afin d’être glorifiés par les hommes (Mt 6, 2a). Par contraste la veuve ne peut pas se glorifier de l’importance de son offrande mais Jésus en reconnait la valeur parce qu’elle prend de son nécessaire pour l’offrir à Dieu. La vraie générosité ne tient pas d’abord à la valeur de la chose donnée mais aux dispositions intérieures de celui qui donne.

La jarre de farine ne s’épuisa pas (1 R 17, 16).

     La situation de cette veuve semble encore plus dramatique que celle dont il est question dans l’évangile. Elle est vraiment à bout de ressources, il ne lui reste de provisions que pour un seul repas pour elle et son fils (v. 12) et Élie s’invite chez elle. On comprend ses réticences à partager avec cet étranger. Mais cette rencontre fait partie du plan de Dieu qui a envoyé le prophète à Sarepta (1 R 17, 9). Le grand mérite de cette femme fut de faire confiance à la promesse divine transmise par Élie (v. 14). Malgré toutes les apparences contraires elle croit que le Dieu d’Israël peut subvenir à ses besoins; elle accepte de partager ce qui, autrement, aurait été son dernier repas.

     Cet épisode est resté marqué dans les mémoires. Matthieu y fait allusion en parlant de l’accueil des missionnaires de l’Évangile (cf. Mt 10, 41a) et Luc y voit le signe de l’universalité du salut offert par Dieu (Lc 4, 25-26).

C’est une fois pour toutes … qu’il s’est manifesté (Hé 9, 26).

     Une clef importante pour saisir la logique de l’Épître aux Hébreux est fournie par le verset 24 : le Christ est entré dans le temple véritable, celui du ciel, dont le sanctuaire terrestre n’est qu’une copie. Cette idée provient du livre de l’Exode ; lorsque Dieu ordonne à Moïse de construire le sanctuaire du désert, pour assurer sa présence au milieu du peuple, il lui en montre le modèle (cf. Ex 25, 9; 8, 5).

     L’Ancienne Alliance est une période provisoire centrée sur le culte qui se déroule dans une copie du Temple véritable. Dans la Nouvelle Alliance, le Christ a accompli une fois pour toutes le sacrifice qui réconcilie l’humanité avec Dieu. Cette offrande unique fait contraste avec le rituel du Temple où le grand prêtre devait entrer une fois par année pour offrir les sacrifices pour les péchés du peuple (cf. Lv 16, 11-16.33). Le Christ offre son propre sang; par cette offrande il établit une Alliance nouvelle et définitive.

     L’histoire du salut n’est pourtant pas achevée. L’auteur en est conscient et le souligne en annonçant que le Christ après s’être offert une seule fois … apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent (v. 28).

 

M. l'abbé Jérôme Longtin, prêtre et bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2333. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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