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Dimanche du Baptême du Seigneur C - 13 janvier 2013

 

Place au Messie !

L'annonce du Messie : Luc 3, 15-16.21-22
Autres lectures : Isaïe 40, 1-5.9-11; Psaume 103(104); Tite 2, 11-14; 3, 4-7

 

Dans l’Évangile selon saint Luc, le baptême de Jésus est le premier épisode de la vie adulte du Nazaréen. Pour la célébration du Baptême du Seigneur en l’année C, le lectionnaire offre deux segments du récit qui attirent l’attention sur le sens du rite que va vivre Jésus. Du coup, le contraste entre la personne du Baptiste et celle du Christ apparaît plus nettement.

Le baptême de Jean

     Les évangélistes sont unanimes pour rapporter que Jésus s’est fait baptiser, ce qui incite à reconnaître un fondement historique aux récits rapportant l’événement. L’existence de rites de purification avec de l’eau est d’ailleurs bien attestée dans la Palestine du premier siècle. Mais il s’agissait plutôt d’ablution de type personnel, les gens faisant le geste sur eux-mêmes. La démarche que propose Jean Baptiste se distingue à cet égard, car c’est lui qui administre le baptême. De plus, le rite de Jean va au-delà de la stricte purification, puisque un appel à la conversion l’accompagne. Comme on le constate dans les versets qui précèdent la lecture évangélique, le Baptiste interpelle les pénitents et les invite à changer certains de leurs comportements (vv. 10-14).

     La première partie de la lecture met en scène Jean qui lui-même pointe en direction de celui qui est plus puissant que [lui]. Dans sa manière de rapporter l’événement et de communiquer les paroles du Baptiste, l’évangéliste ne veut laisser aucun doute quant à la prédominance du Christ. Il ne peut cependant garder sous silence le succès populaire de Jean : Le peuple […] était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Messie. D’ailleurs, même après l’exécution du Baptiste, un groupe de ses adeptes lui survivra plusieurs années (Actes 18, 25; 19, 1-4). Il est de plus vraisemblable que Jésus lui-même ait fait partie des disciples de Jean avant d’entreprendre son propre ministère.

En quête de changements

     La préoccupation du peuple quant à l’identité du Messie est révélatrice du climat qui règne à l’époque dans cette société. La communauté juive rêve d’un changement radical, d’un renversement qui lui permettrait de s’affranchir de la domination étrangère sous laquelle elle vit depuis des décennies. Bien sûr, une bonne part de la population s’accommode sans doute de la situation et certains en profitent même. Mais le « petit peuple », lui, en a sans doute assez. Cependant, la transformation que le Christ apportera ne sera pas nécessairement conforme aux attentes de la majorité. Jean lui-même se montrera perplexe, puisqu’il demandera : Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? (Matthieu 11, 3)

     À la question au sujet de son identité, Jean se définit à partir de ce que sera Jésus. Celui-ci sera plus puissant et il baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu. Cette dernière expression, plutôt mystérieuse, laisse entendre que Jésus est dans une classe à part, sans commune mesure avec le Baptiste. Sa personne et son action seront directement « branchées » sur le divin.

     L’intervention de la voix venue du ciel viendra appuyer cette impression. Jean ajoute, en parlant du Messie, qu’il n’est pas digne de défaire la courroie de ses sandales, détail qui réaffirme la supériorité de Jésus sur son prédécesseur. Le geste de délier la courroie des sandales est en effet celui de l’esclave à l’endroit du maître.

« Dans le feu »

     La mention du « feu » pour caractériser le baptême que le Messie va administrer renvoie vraisemblablement aux flammes qui viennent se poser sur les Apôtres lors de la Pentecôte (Actes 2, 3). Si l’expression vient de la bouche même de Jean, il faut peut-être y voir l’idée de purification, comme le veut la symbolique biblique. Ainsi, aux yeux de Jean, celui qui vient derrière lui serait le juge qui nettoiera le peuple des éléments qui l’entachent. Quoi qu’il en soit, l’image du feu apporte un frappant contraste avec le baptême de Jean qui se déroule dans l’eau. Il est intéressant de noter que le baptême chrétien a néanmoins conservé l’usage de l’eau.

Solidaire du peuple pécheur

     Dans la deuxième partie du récit (vv. 21-22) Jésus entre en scène et il n’est plus question du Baptiste. La manière dont l’évangéliste décrit les événements est significative. Il précise que tout le peuple se faisait baptiser alors que le Christ est en prière. Puis, il mentionne que Jésus s’est fait baptiser. Autrement dit, le Nazaréen soutient dans sa prière la démarche du peuple et une fois que tous l’ont vécue, pour couronner le tout en quelque sorte, il se soumet à son tour au rite. En structurant ainsi son texte, Luc souligne la solidarité du Christ avec la communauté des convertis. Il ouvre aussi la porte au mystère de la rédemption en montrant que Jésus, d’une certaine façon, prend déjà sur lui les péchés de la multitude.

     L’épisode aurait pu se conclure ainsi et il aurait été déjà d’une grande richesse. Mais voici que surviennent l’Esprit Saint et une voix, tous deux en provenance «du ciel». Si des doutes subsistaient quant à l’identité de Jésus, ils n’ont plus de raison d’être. La voix céleste, citant le Psaume 2, 7, désigne le nouveau baptisé comme « mon Fils ». Cette intervention de son Père sera le fondement sur lequel Jésus s’appuiera tout au long de sa vie publique et jusqu’à sa passion.

Et la colombe?

     Les spécialistes ne s’entendent pas sur le sens à donner à la colombe qui sert de « véhicule » à l’Esprit Saint. On a évoqué l’oiseau envoyé par Noé après le déluge et qui n’est jamais revenu, ayant trouvé la terre ferme. Dans ce cas, la venue de la colombe pourrait signifier qu’avec Jésus, de nouveaux horizons s’ouvrent pour l’humanité. Selon d’autres hypothèses, la colombe représenterait le peuple de Dieu. On se rappellera aussi que dans le récit de la Pentecôte, du même auteur, Luc, l’Esprit descend sur les Apôtres sous la forme de langues de feu (Actes 2, 3). La diversité des symboles et leur caractère mystérieux est peut-être une façon pour l’évangéliste de souligner l’aspect insaisissable du souffle divin…

Résonnances

     La première lecture prépare admirablement le terrain à l’évangile. En effet, on y entend l’oracle prophétique dont Jean Baptiste se servira pour annoncer la venue du Messie : Préparez à travers le désert le chemin du Seigneur. Tracez dans les terres arides une route aplanie pour notre Dieu. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées… (Is 40, 3-4a). De plus, le texte mentionne à trois reprises « une voix » (v. 3 et 9). Peut-on y voir un lien avec la voix qui provient du ciel pour révéler l’identité de Jésus ?

     Quant à la deuxième lecture, le choix de ces deux extraits de la lettre à Tite s’explique aisément : Paul y mentionne explicitement le baptême dans l’Esprit Saint : Par le bain du baptême, il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous avec abondance, par Jésus Christ notre Sauveur (Tite 3, 5-6).  Il présente un riche exposé sur le sens de ce rite et ses effets, notamment «vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux». La première partie de cette lecture est aussi proclamée la nuit de Noël.

 

Jean Grou, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2342. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Où est le roi des Juifs ?