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1er dimanche de Carême C - 17 février 2013

 

Fidélité à toute épreuve

La tentation de Jésus : Luc 4, 1-13
Autres lectures : Deutéronome 26, 4-10; Psaume 90(91); Romains 10, 8-13

 

Chaque année lors du premier dimanche du Carême, la liturgie nous propose le récit des tentations de Jésus, dans la version tour à tour des évangélistes Matthieu, Marc et Luc. Spontanément, nous pouvons nous dire que cela donne parfaitement le ton aux jours qui vont suivre. Le Carême, en effet, n’est-il pas ce temps au cours duquel il nous faut lutter contre les tentations ? Gourmandise, alcool, tabac… Ce n’est pas faux, mais ce n’est certainement pas complet non plus. Quand nous y regardons de plus près, nous voyons apparaître un autre aspect, peut-être plus fondamental, de l’épisode des tentations du Christ. La lutte de celui-ci contre le diable révèle surtout sa fidélité à l’égard de son Père.

Apprendre la fidélité

     Voilà qui nous amène, au-delà des tentations, à percevoir le Carême comme une période propice à « éprouver » notre fidélité à l’endroit du Seigneur. Et s’il en est ainsi, ce n’est pas simplement pour nous tester et nous permettre de parvenir à un quelconque accomplissement personnel. C’est bien plus pour nous préparer à renouer avec la profession de foi que nous allons proclamer lors de la Veillée pascale. Dans cette perspective, le récit des tentations apparaît d’autant plus approprié pour ouvrir le Carême.

     Il importe aussi de dissiper un possible malentendu à propos du récit des tentations. Il ne s’agit certes pas du compte rendu d’un fait survenu à un moment précis de la vie de Jésus. Nous avons affaire plus probablement à une mise en scène destinée à illustrer toutes les tentations que le Christ aura à affronter durant son existence terrestre. C’est sans doute d’ailleurs pourquoi cet épisode se trouve au début des trois évangiles où il apparaît (Matthieu, Marc et Luc). Il annonce ainsi, en quelque sorte, ce qui va suivre Jésus au long des jours à venir. Dans l’Évangile selon saint Luc, le moment suprême de toutes les tentations sera l’heure de la passion du Christ. Celui-ci refuse de recourir à quelque moyen surnaturel que ce soit pour échapper à ses bourreaux. Il ne s’écarte jamais de la mission d’amour et de compassion qu’il a reçue de son Père. Il n’entre pas dans le jeu des « chefs » qui, ricanant, disent entre eux : Il en a sauvé d'autres : qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu! (23, 35) Ces paroles rappellent celles du diable dans le récit des tentations : Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas; car il est écrit : Il donnera pour toi à ses anges l’ordre de te garder. La boucle est bouclée : Jésus avait vaincu le tentateur une première fois dans le désert. Il remporte la victoire décisive sur la croix, en refusant de se sauver lui-même et en remettant plutôt son sort entre les mains du Père.

Un piège bien préparé

     Si Jésus arrive à résister aux pièges du diable, ce n’est pas à défaut, pour le tentateur, d’avoir usé de stratégie. Celui-ci, en effet, en disant : Si tu es le Fils de Dieu…» rappelle ce que le Père lui-même vient de déclarer au moment du baptême de Jésus par Jean Baptiste (Luc 3, 22). Il met alors le Christ devant une alternative : il change la pierre en pain et il prouve sa condition divine, ou bien il ne le fait pas et il démontre que la voix céleste s’est trompée. Mais Jésus n’entre pas dans ce jeu et opte pour une troisième voie, la seule qui lui convienne: s’en remettre avec confiance à la parole de Dieu. Il s’appuie sur un passage du Deutéronome pour démolir l’argument du diable.

     Dans un deuxième temps, le tentateur vise un point sensible dans la mentalité juive de l’époque. En faisant miroiter à Jésus la prise de possession de tous les royaumes de la terre, il lui ouvre la porte à un messianisme de type triomphant. À l’époque, en effet (et comme au cours d’une bonne partie de son histoire), le peuple d’Israël se trouve sous la domination d’étrangers. Il ne dispose pas vraiment d’un territoire bien à lui. Comment résister, alors, à la perspective de s’approprier l’ensemble des royaumes de la terre? Mais le diable n’a pas compris – comme bien d’autres après lui d’ailleurs – qu’une telle forme de royauté n’intéresse pas Jésus. La réponse de celui-ci montre clairement que son seul véritable « plan de carrière », c’est d’adorer son Père et rien ni personne d’autre.

Ultime tentative

     Devant la remarquable résistance de Jésus à ses propositions, le diable essaie de jouer à armes égales. Les deux premières fois, en effet, le Christ l’avait déjoué en s’appuyant sur la parole de Dieu. Pour son troisième essai, le tentateur va donc citer deux versets bibliques (Psaume 90, 11-12). Ce faisant cependant, il utilise un procédé répandu : extraire un passage de la Bible et l’insérer dans un contexte qui le détourne de son sens. Ainsi, les deux versets qu’il utilise expriment la confiance envers Dieu quand survient une épreuve, quand le malheur frappe. Mais il n’est pas question de se mettre soi-même en péril, simplement pour vérifier si le Seigneur est aussi attentif aux siens qu’on le dit! Jésus ne tombe pas dans le panneau et met le point final à cet épisode de tentations. La victoire n’est cependant pas définitive puisque, comme le souligne l’évangéliste, le diable se retire jusqu’au moment fixé. Ce moment sera celui de la passion, comme nous l’avons signalé plus haut.

Faire mémoire
(Deutéronome 26, 4-10)

     Moïse disait au peuple d’Israël : « Lorsque tu présenteras les prémices de tes récoltes, le prêtre recevra de tes mains la corbeille et la déposera devant l’autel du Seigneur ton Dieu. Tu prononceras ces paroles devant le Seigneur ton Dieu : ‘ Mon père était un Araméen vagabond, qui descendit en Égypte : il y vécut en immigré avec son petit clan. C’est là qu’il est devenu une grande nation, puissante et nombreuse. Le Seigneur nous a fait sortir d’Égypte par la force de sa main et la vigueur de son bras, par des actions terrifiantes, des signes et des prodiges. Il nous a conduits dans ce lieu et nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de miel. (Dt 26, 4-5.8-9).

     La première lecture reflète une pratique qui remonte vraisemblablement aux Cananéens, peuple occupant la Terre sainte avant l’arrivée des Israélites. Des documents anciens, en effet, témoignent de rituels au cours desquels on présentait les premiers produits des récoltes aux divinités associées aux forces de la nature. En adoptant ce rite, Israël lui a donné un caractère historique : il rend grâce au Seigneur non pas tant pour les fruits de la terre que pour la liberté à laquelle il est parvenue grâce à l’intervention divine. C’est le cœur de la foi israélite qui s’exprime ici de façon solennelle. En faisant mémoire de tout ce que Dieu a fait de bon pour lui, le peuple donne du sens à son présent et raffermit sa confiance en l’avenir.

« Tous ont le même Seigneur »
Romains 10, 8-13

     Donc, si tu affirmes de ta bouche que Jésus est Seigneur, si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé. (v. 9)

     Si la première lecture nous ramène au fondement de la foi israélite, les paroles de Paul dans la deuxième nous rappellent l’essentiel du christianisme : l’affirmation de la résurrection du Christ. Alors que le Carême vient juste de commencer, nous voilà déjà plongés dans le mystère pascal. L’apôtre souligne aussi que le salut en Jésus Christ n’a rien à voir avec les liens du sang ou l’appartenance à un groupe ethnique. Il se distingue en cela de Moïse qui, dans la première lecture, commence la profession de foi en évoquant l’ancêtre qu’il appelle « un Araméen vagabond ».

 

Jean Grou, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2347. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Un récit pascal et ecclésial