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4e dimanche de Carême C - 10 mars 2013

 

L'accueil de la démesure !

La brebis égarée : Luc 15, 1-3.11-32
Autres lectures : Josué 5, 10-12; Psaume 33(34); 2 Corinthiens 5, 17-21

 

C’est un thème récurrent dans les évangiles de montrer comment la bonté de Dieu dépasse de beaucoup ce que les contemporains de Jésus en pensaient et ce que nous en pensons encore aujourd’hui. Un des gestes manifestes de cette bonté est le pardon. On serait même porté à avancer que ce geste appartient en propre à Dieu. Cette conviction a même inspiré le poète français Charles Péguy : De toutes les paroles  de Dieu c’est celle qui a éveillé l’écho le plus profond. C’est la seule que le pécheur n’a jamais fait taire dans son cœur.

La bonne nouvelle de la miséricorde infinie

     En constatant que plusieurs de ses concitoyens refusent d’accueillir la bonne nouvelle qu’il est venu leur annoncer, Jésus leur sert des paraboles dont l’évidence ne fait aucun doute : des invités au banquet qui se dérobent et qui sont remplacés par des pauvres, des estropiés, des aveugles et des boiteux (Luc 14, 21). Puis au chapitre 15 Luc nous sert trois paraboles qui viennent confirmer l’importance de cette même bonne nouvelle : Dieu aime et fait miséricorde à qui se repent. Il s’agit de la brebis perdue, de la drachme perdue et celle du père et de ses deux fils. Cette dernière vient clore la trilogie (Lc 15, 1-3.11-32). Nous pouvons avancer avec certitude que c’est cette parabole qui a été le plus souvent commentée et cela par des éminents prédicateurs et par des théologiens sérieux.

Le contrat de l’alliance entre deux partenaires

     L’alliance dans la vie sociale, consiste en un contrat rédigé en bonne et due forme. Rien de moins, rien de plus. Je te donne ou je t’offre ceci en échange de cela. Si c’est accepté : marché conclu. Les personnes en cause se quittent et la plupart du temps elles sont satisfaites. C’est ce que le plus jeune des fils avait en tête lorsqu’il décide de faire sa vie et de quitter son père. Père, donne-moi la part d’héritage qui me revient (v. 12). Ce fils sait que sa naissance au sein de cette famille lui donne des droits. Des droits légitimes. Aussi, le temps venu, il les fera valoir. On ne part pas vers l’aventure comme un mendiant surtout quand on sait que le père a des biens. Devenir autonome donc comporte des exigences, au départ du moins. Le jeune fils l’a compris et veut protéger ses arrières.

Le contrat de l’alliance avec Dieu

     L’alliance avec Dieu ne se calque pas sur celle des humains. Elle consiste en un contrat qui sort de l’ordinaire. Il s’agit de celle d’un père avec son enfant certes, mais d’un père d’une bonté exceptionnelle et faisant preuve d’une compréhension tout aussi exceptionnelle. C’est ce que Jésus s’apprête à enseigner. Il veut que les publicains et les pécheurs qui sont venus l’écouter (v. 1) et que les pharisiens et les scribes qui récriminent contre lui (v. 2) comprennent que le contrat passé avec Dieu, son Père du ciel, est d’un tout autre ordre parce que l’une des deux parties va beaucoup plus loin que l’autre. Elle s’engage dans une entreprise qui défie tout ce que l’on peut imaginer : celle de fermer les yeux même devant l’irresponsabilité, l’ingratitude et l’intérêt d’un partenaire simplement parce qu’il est son fils et qu’il est cher à son cœur de père. Rien ne peut porter atteinte à cet amour paternel.

Le renouement de l’alliance entre le père et le fils

     Le fils est devant un dilemme : continuer sa vie de paria ou redevenir un membre à part entière de sa famille. Rester ou retourner ? Voilà en bref la question de fond. Ce dernier est conscient du mauvais usage qu’il a fait de son héritage. Il a dilapidé ce qui lui fut donné de droit. Aussi, le jeune invente un scénario assez simple : Je vais retourner vers mon père, et je lui dirai : ‘ père, j’ai péché contre le ciel et contre toi ’. Et il poursuit en allant plus loin dans sa prise de conscience : Je ne mérite pas d’être appelé ton fils (v. 18). Mais c’est bien mal connaître son père. Il ne s’imagine pas encore la démesure de l’accueil qu’il recevra. Cependant, sa décision est prise : Il partit donc pour aller vers son père (v. 20). Les pas de l’enfant qui craint d’avoir perdu à jamais son père, vont le conduire vers un père qui n’a jamais oublié d’avoir perdu un fils. C’est là l’enjeu du renouement de l’alliance.

L’accueil du père

     Lorsque j’enseignais la catéchèse aux enfants et que je leur racontais cette belle histoire, ils étaient particulièrement touchés par ce passage : Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié (v. 20). J’en profitais pour leur dire combien le père avait gardé en mémoire la physionomie de son fils chéri. Même de loin il l’a deviné malgré sa maigreur et sa mauvaise mine. Il en eut le cœur serré. Rien de surprenant cependant lorsqu’on se nourrit de gousses que mangeaient les porcs (v. 16). Et lorsque je racontais, en y mettant un peu de pathos j’en conviens, que le père courut se jeter au cou de son fils en le couvrant de baisers (v. 20), l’émotion était à son comble. Quelques uns s’essuyaient les yeux… D’ailleurs cette parabole rejoint toujours les cœurs surtout lorsqu’elle est racontée pour la première fois. L’importance de cet enseignement catéchétique était, bien sûr, de transposer l’attitude du père à celle de Dieu notre Père à tous. J’en garde un souvenir d’une grande intensité en espérant qu’il en fut de même pour les enfants.

L’accueil du fils aîné

     Ce long récit nous amène à la découverte de l’autre fils. Rappelons-nous le début de cette histoire : Un homme avait deux fils (v. 11). Donc c’est justement le fils aîné qui va donner un rebondissement inattendu à ce conflit familial. D’abord, Jésus soigne la mise en scène : le fils aîné est aux champs. Il entend une musique accompagnant la danse (v. 25). Il est normal qu’il s’en étonne. Aussi il demande à un serviteur ce qui peut bien donner lieu à une telle fête en plein jour. La réponse le laisse stupéfait : C’est ton frère qui est de retour et on a tué le veau gras (v. 27). Il ne peut alors contenir sa colère. Il va même jusqu’à refuser de se rendre à la fête tant l’attitude du père lui semble inconvenante. Rien ne semble atteindre son cœur, rien n’éveille sa compassion. L’insistance de son père lui répétant combien sa présence à son côté lui est chère (v. 31) sonne faux à ses oreilles. Tout au contraire, c’est la jalousie et le ressentiment qui prennent le dessus sur la joie des retrouvailles.

La grande leçon de cette longue parabole

     Raconter, commenter et surtout intéresser les auditeurs de cette histoire archiconnue est un tour de force. Mais qui peut se vanter d’avoir tout saisi ? Quoi qu’il en soit, les leçons que nous pouvons en tirer sont inépuisables comme l’eau d’un puits  abreuvée à une source profonde. Qui n’aime pas se faire redire que Dieu notre Père est le meilleur des Pères et qu’il aime ses fils : les tout proches et ceux qui s’éloignent ? Qui ne peut comprendre combien la joie est à son comble quand les deux enfants se retrouvent sous le même toit. Cet événement mérite chants, musique et danse ! C’est-à-dire de la joie à profusion. C’est là probablement une belle image de ce que sera la fête éternelle : un père qui ouvre les bras et qui se jette au cou de ses enfants pour les revêtir du plus beau vêtement et leur mettre bague au doigt et sandales aux pieds (v. 22).

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2350. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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