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Dimanche des Rameaux C - 24 mars 2013

 

Se laisser instruire, encore...

Institution de l'Eucharistie : Luc 22, 14 - 23, 56
Autres lectures : Isaïe 50,4-7; Psaume 21(22); Philippiens 2,6-11

 

Le serviteur de Dieu évoqué au début de la première lecture est celui qui se laisse instruire (Isaïe 50, 4). À son exemple, saurons-nous découvrir quelque chose de neuf en ce dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur ?

     Chose certaine, le récit de la Passion transmis dans l'Évangile selon Luc nous fascinera une fois de plus. C'est un récit dont on ne se lasse pas. On y revient avec attention tous les trois ans.  Pourquoi ce récit s'avère-t-il toujours aussi invitant et nourrissant pour la foi ?

     Les thématiques explorées dans ce trop bref commentaire fournissent quelques éléments de réponse à cette interrogation. Nous explorerons les thèmes de la joie, du «vivre en disciples», de la miséricorde de Dieu et de l’anéantissement qui conduit au relèvement.  Cette liste d’éléments positifs nous épargnera les effluves lugubres dont nous pourrions teinter notre prédication ou notre méditation si nous faisions l’économie d’une lecture attentive des propos de Luc…  Tel est le secret, en cette Année de la foi, d’une présentation rafraîchie du récit de la Passion.  Il suffit de remarquer quelques originalités lucaniennes pour communier à la foi des premières communautés chrétiennes alimentées par ses propos sereins et lumineux.

Un écho de... la Nativité !

     Le troisième évangile aborde positivement, avec dynamisme et sérénité, les événements dramatiques entourant la mort de Jésus.  On trouve une première trace de cette tendance dans le bref texte qui décrit l'entrée de Jésus à Jérusalem (Luc 19, 28-40).  Cet épisode joyeux explique déjà à lui seul l'attachement des fidèles pour la version de la Passion offerte par Luc. 

     Ce récit d’entrée à Jérusalem fait écho à des contenus positifs ancrés dans notre mémoire de lecteurs sans que les référents soient toujours bien clairs.  Dans le texte proclamé aujourd'hui, l'expression de plénitude et de joie Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux (Luc 19, 38) évoque le chant des anges lors de la naissance de Jésus (Luc 2, 14).

     Cette reprise au dimanche de la Passion du message destiné aux bergers dans la célébration de la Nativité soulève plusieurs questions intéressantes.  Par exemple, peut-on lire le récit de la Passion de Jésus en faisant abstraction des affirmations de foi sur l'incarnation en vie humaine du Fils de Dieu ? L’histoire de l’Église répond « non ». Autre question, plus dérangeante encore pour notre société de consommation qui revêt les ornements de Noël en vidant la Nativité de son sens : peut-on légitimement célébrer Noël en oubliant le mystère de Pâques ?

     Il serait audacieux de souligner devant les fidèles les liens entre les deux grands pôles de l’année liturgique. Et pourquoi pas ? L’éducation continue de la foi peut s’appuyer sur les choix de la liturgie pour rendre explicite l’unité du mystère célébré sous des modalités diverses. Il y a quelque chose de réconfortant à constater que chaque grande fête de la foi présente en fait un angle différent du même mystère de vie et de salut. Une telle approche est également cohérente avec l’annonce constante du salut dans l’Évangile selon Luc.

Vivre en disciples

     Une deuxième raison explique notre attachement pour le récit de la Passion transmis à la manière de l'Évangile selon Luc.  Cet évangile nous apprend beaucoup sur la manière concrète de vivre en disciples.  Aujourd'hui, nous entendons parler d'un comportement récurrent qui contraste avec la gravité tragique des événements rapportés.  Il s'agit d'une évocation de la joie du groupe des disciples, joie causée par tous les miracles qu'ils avaient vus (Luc 19, 37).

     Cette formulation établit un lien avec les nombreux miracles rapportés dans le long récit de Luc.  Cette allusion à la joie si souvent vécue par les disciples confirme qu'il ne faut pas isoler les terribles événements de la Passion des réalisations antérieures de Jésus.  L'ensemble de l'œuvre lucanienne est le contexte positif nécessaire pour apprécier pleinement la portée et la beauté des derniers moments de Jésus.

     Voici un autre exemple d'attention particulière portée aux disciples en ce dimanche.  Luc ne se contente pas d'évoquer de manière générale les marcheurs accompagnateurs (Marc) ou les foules (Matthieu).  Il porte vraiment son attention sur les disciples.  Les pharisiens dans la foule veulent que Jésus arrête les transports de joie des disciples. La réponse de Jésus fracasse leurs attentes : S'ils se taisent, les pierres crieront.  Dans le contexte du sol pierreux de la Judée, cette cacophonie généralisée ferait encore plus de bruit !  À quelles pierres fait-il allusion ?  Simplement aux éléments de l'environnement physique, ou à quelqu'autre élément mentionné au fil du récit lucanien ?  Par exemple, à la pierre que le Tentateur voulait changer en pain (Luc 4, 3) ?  Aux pierres désarticulées de la vision d'une Jérusalem anéantie (Luc 19, 44) ?  Même s'il s'avère ici impossible de soupeser adéquatement chaque hypothèse, on constate la force de l'image du cri des pierres lorsqu'elle est appliquée à la vie de disciple, la suite de Jésus.  Les disciples, dans l'esprit de Luc, c'est du solide.

Célébrer la miséricorde

     Une troisième thématique réconfortante surgit avec force au moment de la mort en croix de Jésus : la miséricorde.  L'Évangile au complet a déjà mis en vedette la miséricorde de Dieu.  Elle se manifeste ici dans l’inoubliable conversation entre Jésus et le malfaiteur repenti installé sur la croix voisine de celle de Jésus.

     Jésus en croix est affaibli et, en apparence, impuissant. Il peut pourtant donner accès au monde de Dieu à toute personne qui lui fait confiance.  Que chefs et soldats se moquent de lui n'émousse en rien son pouvoir d'ouvrir la maison d'éternité à toute personne de bonne volonté.  Immobilisé en croix (Luc 23, 39-43), Jésus agit encore en roi.  Il a le pouvoir d'inclure dans la maison de Dieu ceux qui sollicitent ce privilège, à l'exemple du brigand repenti.

L'anéantissement qui relève

     Ainsi, la miséricorde de Dieu proclamée dans les paraboles de Jésus n'est pas devenue une thématique désincarnée, à l’heure de la croix. La miséricorde change les relations entre les personnes, comme Dieu change les relations des gens avec lui. La miséricorde divine proclamée dans l'Évangile selon Luc a un impact sur la vie en société.

     On ne sera pas surpris, alors, de constater une insistance, une utilisation insistante  du langage politique en ce dimanche.  Ainsi, la thématique de la royauté ancre dans le concret de l'existence et le sérieux des affaires humaines l'aventure à première vue malheureuse de Jésus. L'anéantissement évoqué dans la deuxième lecture (Philippiens 2, 6-7) devient un modèle pour quiconque prétend exercer un pouvoir.

     Luc insère en 22, 24-30 la discussion sur la grandeur des disciples et le service immédiatement, tout de suite après le don du mémorial du pain et du vin (Luc 22, 14-23). Par ce choix éditorial original, Luc affirme à quel point la joie de suivre Jésus permet de changer le monde à coup de miséricorde et de service. Ainsi se valide et se renforce le mémorial légué aux disciples en ce dernier repas d'avant Résurrection...

 

Alain Faucher, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2352. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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