INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant

Imprimer

Dimanche de l'Ascension du Seigneur A - 1er juin 2014

 

Temps d'absence, temps de présence

 

L'envoi en mission : Matthieu 28, 16-20
Autres lectures : Actes 1, 1-11; Psaume 46(47); Éphésiens 1, 17-23


Quand revient la célébration annuelle de l’Ascension, nous avons l’impression de raconter encore et encore un récit trop fréquenté, le récit proposé par le chapitre premier des Actes des Apôtres. Certes, la narration proclamée chaque année reste la même, ainsi que le Psaume 46 qui lui répond.  Par contre, le dimanche de l’Ascension de Jésus offre, selon l’année liturgique en cours, un menu biblique arrimé à l’évangile des autres dimanches.

     Cette année, la finale de l’Évangile selon Matthieu est mise en évidence. De même, la deuxième lecture introduit une belle diversité dans le menu biblique proposé. La Lettre aux Éphésiens offre d’ailleurs un riche contenu qui concerne chaque disciple de Jésus.

Éphésiens 1, 17-23 : à la croisée des temps

     Pour mesurer l’originalité de l’année A, nous commencerons notre exploration par la deuxième lecture.  Elle propose deux axes pour relire le contenu de la fête. Dans un premier temps (vv. 17-18), la Lettre aux Éphésiens évoque le « pas encore » : l’auteur inscrit dans une démarche prospective des souhaits d’intervention de Dieu en faveur des disciples du Seigneur Jésus. Dans un deuxième temps (vv. 19-23), la lettre rappelle le « déjà là », l’œuvre de glorification accomplie par le Père en faveur de son élu, Jésus Christ. Cette double exploration du passé et de l’avenir ouvre de nombreuses pistes d’actualisation pour la fête de l’Ascension.

     On vérifie ainsi à quel point le contenu véhiculé par la fête concerne plus que le cercle restreint des premiers disciples de Jésus. Les Apôtres ne sont pas les seuls concernés par les promesses et les souhaits de Jésus. Sinon, la fête de l’Ascension de Jésus ne serait qu’une évocation du passé sans grande prise sur notre quotidien actuel. Il nous semble, au contraire, que les pistes ouvertes dans la deuxième lecture sont autant de supports pour alimenter un langage actuel de louange et d’espérance. Jésus semble absent par les temps qui courent ? C’est simplement pour magnifier dans le temps présent l’apport fortifiant de l’Esprit saint (Ac 1, 8) et de la parole des disciples partis à la rencontre de toutes les nations (Mt 28, 19)!

Les pistes d’avenir ouvertes dans la deuxième lecture

     L’extrait de la Lettre aux Éphésiens inscrit un premier souhait dans la ligne du discernement. On souhaite aux lecteurs un esprit de sagesse pour découvrir et connaître vraiment Dieu le Père de Jésus (1, 17). Pas besoin de disserter longtemps quant à la pertinence actuelle d’un tel souhait! Avec tous les discours contradictoires qui circulent sur l’identité de Dieu, les fidèles de Jésus ont souvent besoin de revenir aux «papiers officiels» de Dieu pour se voir confirmer son identité. 

     Ce discernement est en même temps une ouverture du cœur à la lumière de Dieu. Elle fait comprendre de nombreuses choses : l’espérance donnée par l’appel de Dieu, la gloire de l’héritage partagé avec les fidèles, la puissance infinie déployée pour les croyants (1, 18-19). Il ne s’agit pas seulement d’une ouverture sentimentale, car le cœur est perçu dans la Bible comme un lieu de décision rationnelle. La lumière de Dieu vient illuminer l’intelligence, dirions-nous dans le langage de notre temps.

Un avenir qui éclaire notre présent

     Ces versets d’une densité rare prennent alors une portée fabuleuse pour nous aujourd’hui. Ils alimentent un processus rationnel de choix et d’adhésion. Rétroactivement, quand on mesure l’enjeu de tels propos, on comprend l’enthousiasme des premières générations chrétiennes. L’horizon d’une société engoncée dans ses rôles et ses statuts quasi inamovibles éclatait soudain grâce à la puissance exercée par Dieu au bénéfice de ses fidèles. L’appartenance nouvelle au monde divin générait des bénéfices qui comptaient pour beaucoup à cette époque. Avec l’héritage venait la gloire, c’est-à-dire la bonne réputation d’être important aux yeux de Dieu et des autres. Cette promotion sans mesure alimentait le dynamisme missionnaire : le don était tellement grand qu’il devait être partagé avec le plus grand nombre.

     Honnêtement, nous devons constater à quel point nous sommes devenus tièdes, pour ne pas dire insensibles, à l’extraordinaire générosité de Dieu pour les fidèles de son Fils. Aussi honnêtement, nous devrions nous demander : « Avons-nous trouvé ailleurs l’équivalent du don de Dieu ?  Qui, dans notre société humaine refroidie et laïcisée, nous offre une dignité comparable à celle dont se voyaient soudain gratifiés les gens des premières générations chrétiennes ? »  Poser la question, c’est vite comprendre que rien ne dépassera jamais ou n’égalera un tant soit peu le don de Dieu.

     Pourquoi ? Tout simplement parce que la puissance déployée au bénéfice des croyants est semblable à la force, au pouvoir, à la vigueur mis en œuvre lors de la résurrection et de la mise en valeur finale de Jésus le Christ (1, 19-20). Pas tout à fait convaincus ?  Relisez les versets 21 à 23. On y constate que Jésus est bien au-dessus des puissances et des entités qui semblaient jusque-là dominer les humains. Cette position au sommet de l’univers vaut autant « dans le monde présent que dans le monde à venir ».  Autrement dit : « autant dans le temps humain que dans le temps divin ». On s’entend redire aussi à quel point le don de Dieu accordé à Jésus et aux fidèles qui le suivent est un accomplissement global, complet et donc… incomparable : Il lui a tout soumis et, le plaçant plus haut que tout, il a fait de lui la tête de l’Église qui est son corps, et l’Église est l’accomplissement total du Christ, lui que Dieu comble totalement de sa plénitude.

L’évangile et la première lecture

     L’évangile fait écho à la thématique de la totalité. Jésus a reçu tout pouvoir (Mt 28, 18). Toutes les nations peuvent devenir disciples (28, 19) et apprendre à garder tous les commandements donnés (28, 20). Ces possibilités coïncident avec la présence de Jésus tous les jours jusqu’à la fin du monde (28, 20).  La première lecture n’est pas en reste. Elle évoque l’envoi des témoins jusqu’aux extrémités de la terre (Ac 1, 8).

     Encadrant l’extrait de la Lettre aux Éphésiens, les deux autres lectures s’inscrivent bien dans le cadre temporel accompli / inaccompli décrit dans la deuxième lecture. L’évangile évoque le pouvoir déjà accordé à Jésus (Mt 28, 18), pouvoir total qui justifie les mandats qu’il confie désormais aux disciples (28, 19-20). Quant à la lecture tirée des Actes des Apôtres, elle marie les faits accomplis (Ac 1, 3.9) et l’ouverture sur un avenir tantôt proche (1, 4-5.8), tantôt lointain (1, 6-7.11). Les Apôtres, les disciples ne seront jamais confinés aux frontières du présent. Associés à Dieu, ils sauront s’associer en tout respect avec Celui qui, dans sa liberté souveraine (Ac 1, 7), n’est pas contrôlé par les humains qui peinent à garder prise sur le présent.

La richesse de la fête

     De toutes ces considérations, nous pouvons comprendre que cette journée d’Ascension n’est pas seulement la célébration nostalgique d’une absence corporelle de Jésus.  Par la présence constante dans le temps humain de « l’Église qui est son corps » (Ép 1, 23), Jésus inscrit ses fidèles dans le temps de Dieu, à la jonction du « déjà là » et du « pas encore ». 

     L’Ascension nous invite à comprendre que deux ingrédients de notre spiritualité humaine, l’espace et le temps, sont profondément enrichis par ce qui s’est passé entre le Père et le Seigneur ressuscité. En Jésus ressuscité, l’espace et le temps prennent une profondeur qui n’appartient qu’à Dieu. Contrairement aux potins discrètement partagés au chalet ou dans une chaloupe de pêcheurs, les propos de ce jour d’Ascension méritent d’être partagés pour toujours jusqu’aux extrémités de la terre (Ac 1, 8).

 

Alain Faucher, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2406. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
L'amour est plus fort que la mort