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4e dimanche de Carême A - 30 mars 2014

 

Lumières sur l'envoyé

 

Jésus, la lumière du monde, donne la vie à un aveugle : Jean 9, 1-41
Autres lectures : 1 Samuel 16, 1.6-7.10-13; Psaume 22(23); Éphésiens 5, 8-14


Le palpitant chapitre 9 de l’Évangile selon Jean se lit comme une pièce de théâtre. Avec un peu de boue, Jésus recrée la vie d’un aveugle de naissance. Ce geste généreux déclenche une cascade de réactions et de commentaires. Petit à petit se déploie devant nous un éventail de positions pour ou contre Jésus. On peut ainsi évaluer la distance plus ou moins grande que nous laissons entre nous et ce Seigneur qui vient à notre rencontre. « Le miracle pour tout homme et toute femme est, en effet, de rencontrer Jésus d'une manière ou d'une autre, et de devenir, grâce à lui, lucide sur ce qu'il y a d'important dans la vie. Remarquons-le bien : il ne s'agit pas de rencontrer l'homme-miracle, qui donnerait la solution magique des problèmes. Il s'agit de rencontrer « l'envoyé de Dieu », et à travers lui Dieu lui-même, à partir duquel, seul, on va orienter ses actes et ses jugements. C'est de cette orientation de vie que sortent les vrais miracles, ceux qui transforment les rapports humains et qui produisent la paix de l'esprit » (Jean-Pierre Bagot, Guide Emmaüs des dimanches et fêtes, Paris, Desclée de Brouwer, 1985, page 34).

     L’expérience d’une personne chrétienne et catholique commence par une rencontre quasiment plus réelle que sa réalité. Dans cette rencontre, Dieu vient littéralement faire des propositions qui changent la vie. Voilà pourquoi la mise en scène de l’évangile est si pertinente au milieu de la saison de « jogging spirituel » qu’est le Carême. Le récit de la rencontre de Jésus avec l’aveugle de naissance pose une question essentielle : qui est Jésus dans notre vie ? Quelle place prend-il ? Quel espace encombre-t-il dans notre cœur ? Nous arrive-t-il encore de changer notre façon de marcher à cause de lui ? Ou bien, Jésus n'est-il rien de plus qu'un individu du passé, qu'on représente sur des bibelots ou des breloques pendues à nos cous ? Notre rencontre de Jésus est-elle seulement une rencontre dans notre tête ? Avons-nous vécu le choc quasi physique de sa rencontre, un coup de foudre qui provoque une réorganisation de la vie ? Il semble que ce fut le cas pour un certain aveugle de naissance… Il en est ressorti illuminé autant du dedans que du dehors!

Mise en scènes et ironie

     Dans une vigoureuse succession de scènes, l’évangile enchaîne des dialogues décapants. Autant d’occasions pour nous demander si nous réagissons peu ou pas, beaucoup ou passionnément à cause de cette rencontre lumineuse voulue par le Seigneur.

     L’évangile effectue cette introspection dans un climat dynamique, chargé d’ironie. Dans la manière de raconter, ce ton ironique a une fonction d’actualisation. Il invite à ne pas accepter trop vite les idées reçues contre Jésus.  Il invite à creuser avec intensité l'expérience de la rencontre. Elle devient alors le terrain d'accueil de la révélation.

     Même isolés, rejetés par leurs pairs, les croyantes et les croyants d’aujourd’hui peuvent rencontrer Jésus dans ce qu'il est vraiment : l’envoyé de Dieu, le messager de son envoyeur. Les personnes familières avec l’hébreu biblique auront d’ailleurs remarqué que le nom du bassin d’eau (Siloé : Jean 9, 7) est plus proche d’un participe présent (« l’envoyant ») que de la forme passive (« l’envoyé »). Porteur des propositions de Dieu, Jésus offre une présence constante, un soutien réel. Ces propositions réorientent une vie et éclairent autrement le paysage du quotidien.

Personnages et attitudes

     Jésus est venu pour une remise en question (Jean 9, 39). Par conséquent, il faut vérifier la qualité de notre rencontre avec lui. La variété des personnages de l’évangile de ce dimanche offre une « liste de vérification ». Y sont regroupées différentes réactions possibles face à la rencontre avec Jésus.

     Nous pouvons réagir comme les Pharisiens (Jean 9, 13-34). Ces bonnes gens ont leur idée arrêtée de la religion. Plus aucune surprise ne doit survenir. Nous agissons comme eux quand nous refusons de nous laisser déranger par l'Évangile, par la Bible, par la prédication, par le témoignage des autres personnes baptisées qui nous entourent.

     Nous pouvons réagir comme les voisins de l'ancien aveugle (Jean 9, 8-12). Ils hésitent à prendre acte de la transformation. Pourtant, ils manifestent un peu d'intérêt: dans une réaction digne d'un journaliste, les gens ne se demandent pas qui est le guérisseur, mais où il se trouve! Ces gens sont à peine touchés par la question de Dieu qui vient d’agir avec éclat...

     Nous pouvons réagir comme les parents de l'aveugle (Jean 9, 18-23).  Ils en disent le moins possible sur la place publique. On rejoint ici une attitude de notre époque.  La religion est devenue une affaire privée. C'est le nouveau tabou!  En public, il ne faut en parler qu'en mal. En accablant les gens religieux des pires responsabilités, en les affublant des pires soupçons. C'est devenu plus pornographique de parler à la radio et à la télévision de la foi vécue que de raconter en long et en large de prétendus exploits sexuels. Nous voilà forcés de sortir de notre confort et de notre indifférence.  La mère-Église est attaquée. Nous devons prendre position. Nous sommes tous meurtris, tous pointés du doigt...  Il est tellement plus facile de se fondre dans le décor...

     Enfin, nous pouvons réagir comme l'aveugle au fil du récit. La grâce de Dieu lui est tombée dessus sans crier gare. Il doit apprendre à se débrouiller avec cela. Et sa foi s'affermit lorsqu'elle est contestée, critiquée, remise en question. Nous pouvons ressembler à l’aveugle réintégré à condition de chercher des réponses.

D’autres scènes bibliques éclairantes

     La liturgie de ce quatrième dimanche du Carême offre des textes bibliques cohérents avec le message de l’évangile. Il serait dommage que l’éclatant évangile empêche de les apprécier à leur juste pertinence.

1 Samuel 16, 1.6-7.10-13a

     La première lecture met en scène l’initiative de Dieu. Il vient à la rencontre des humains selon ses propres critères. Dans un épisode surprenant de l’histoire de la jeune monarchie, le porte-parole de Dieu, Samuel, doit gérer l'échec de son premier choix. En effet, Saül n'a pas été un roi selon le cœur de Yahvé. Dans notre vocabulaire, le cœur est la source des émotions. Dans le vocabulaire biblique, le cœur est, au contraire, le siège de la capacité rationnelle de décision. Ce que Dieu cherche, ce n'est pas l'émotivité d'une alliance sentimentale, mais la force d'une adhésion réfléchie et constante. Le critère s'applique graduellement dans la démarche de l'évangile, quand l'aveugle guéri finit par adhérer totalement à Jésus en tant qu'envoyé de Dieu.

     Le récit fait donc émerger un roi pétri des valeurs divines, si différentes des points de vue humains. Même si le narrateur s'extasie sur la prestance physique du petit dernier négligé par son père, il est clair que le critère de choix des hommes n'est pas celui de Dieu. Dieu va vers le cœur, non vers l'apparence. Voilà pourquoi le nom du nouveau roi est dévoilé seulement à la fin du récit. Celui qui rend caduques les anciennes manières de penser et de gouverner en les ajustant au désir de Dieu, c'est David, une célébrité selon les destinataires du récit.

Éphésiens 5, 8-14

     À première vue, ces versets véhiculent une charge émotive moins dense que le récit du choix de David, le psaume du bon berger ou la rencontre de l'aveugle-né avec l'envoyé de Dieu. Pourtant, ces quelques versets ouvrent des pistes de réflexion de haute densité et de grande pertinence. La tension entre les ténèbres et la lumière rappelle les problèmes de fond de l'évangile: qui a fait le mal ?  Qui est porteur du bien ?

     En un raccourci saisissant, la formulation de l'« avant » et de l'« après » met en évidence la transformation accomplie par l'action de Dieu : Autrefois, vous étiez ténèbres; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière... (Éphésiens 5, 8). Il ne s'agit pas de se féliciter entre nous. Il s'agit de reconnaître que la lumière de la conversion communique à celles et ceux qui l'accueillent une participation à la vie avec Dieu.

 

Alain Faucher, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2397. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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