INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant

Imprimer

Épiphanie du Seigneur - 5 janvier 2014

 

La longue marche à l'étoile

 

La visite des mages : Matthieu 2, 1-12
Autres lectures : Isaïe 60, 1-6; Psaume 71(72); Éphésiens 3, 1-3a.5-6


L’évangile selon Matthieu n’est pas un des premiers écrits parus au sein de la communauté primitive même s’il occupe le premier rang dans la série des évangiles. Son style, son genre littéraire et ses préoccupations nous donnent à penser qu’il fut composé au terme d’une longue évolution. Deux choses sont à retenir pour nous aider à comprendre. Notons d’abord que le récit de l’enfance de Jésus baigne dans la lumière de la Résurrection. Il est clair, pour ces premiers chrétiens, que Jésus est bel et bien le Messie attendu. Puis, l’évangile de l’enfance a été écrit à un moment où il est clair, aussi, que la révélation de Jésus, Fils de Dieu, doit être annoncée à tous, Juifs et païens confondus. Ces constatations vont se refléter dans le récit de la visite des Mages dont il sera question tout au long de ce développement.

Les légendes s’organisent

     Qui ne connaît pas ces trois personnages que la tradition ou l’imagerie populaire appelle rois ? Ce fait découle peut-être ou certainement du passage d’Isaïe où il est dit : Les nations marcheront vers ta lumière et les rois, vers la clarté de ton aurore (Is 60, 3). D’où viennent leurs noms ? De l’imaginaire probablement. Dans ma jeunesse on les savait très tôt et par cœur : Gaspard, Melchior et Baltasar. Nous les pointions dans la crèche selon le goût du moment. Pourtant l’évangile reste muet à propos de leur identité. Ce sont des anonymes. En plus, rien ne précise qu’ils étaient trois. Donc, ni rois, ni trois, ni nommés.

L’histoire en parle

     Ce n’est qu’au 6e siècle, apprend-on, qu’on donna un nom aux mages, sans pour autant authentifier quoi que ce soit. Mais pour ce qui est des trois cadeaux, ils sont bel et bien identifiés dans l’évangile de ce jour : Tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent  de l’or, de l’encens et de la myrrhe (Matthieu 2, 11). Ce passage nous incite à ne pas en rester là car sous ces précisions il y a un symbole à approfondir. L’or était le métal le plus précieux. Et c’est encore vrai, aujourd’hui, en y ajoutant le diamant. Il va sans dire que seuls les rois et les riches en possédaient. Ce cadeau en or, vient donc signifier que Jésus est le Fils de Dieu, le Roi des rois (Ct 5, 11). Les Pharaons d’Égypte faisaient brûler de l’encens aux pieds de leurs dieux de pierre ou de métal. Jésus étant le Dieu unique, l’offrande de l’encens, dans notre religion, lui rend hommage. Elle évoque aussi sa Résurrection (Ps 141, 2). Enfin, la myrrhe, deux fois plus dispendieuse que l’encens, entrait dans la composition des remèdes. Allusion à Jésus guérisseur. La myrrhe sert aussi comme euphorisant. La Loi autorisait d’en donner aux condamnés pour amoindrir leurs souffrances. Elle préfigure la Passion du Christ. Et le pharisien, Nicodème, s’en servira aussi pour vénérer le corps de Jésus, son ami (Jn 19, 39), celui qu’il était allé visiter en secret (Jn 3, 2).

La prodigieuse étoile des Mages

     Combien également n’a-t-on pas insisté sur le prodige de l’étoile guidant ces chercheurs de Dieu, venus d’Orient, ces étrangers, ces non-Juifs de surcroît. C’est qu’ils sont les représentants de tous les peuples et de toutes les nations et cela sans distinction de couleur et de religion. Comme les cadeaux, l’étoile est bel et bien nommée, elle aussi, dans le récit : Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue se lever les précédait; elle vint s’arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l’enfant. (Mt 2, 9). Elle veut signifier que c’est Dieu qui guide ces marcheurs vers la vraie lumière, Jésus : Resplendis Jérusalem, elle est venue ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi (Is 60, 1).

     Ces considérations pieuses, ces explications symboliques peuvent nous fasciner mais elles peuvent aussi nous faire passer à côté de l’essentiel. Essayons plutôt de voir la juste interprétation du récit, à savoir son enseignement pour aujourd’hui.

Le rappel de Vatican II

     Le Concile Vatican II, dont on a fêté tout récemment le 50e anniversaire de son annonce, a rappelé au monde que « le Christ est la lumière des nations et qu’il faut en illuminer tous les hommes ». Car le Christ Jésus, représenté sous les dehors d’un enfant, reflète le visage de l’Église comme étant « la terre [féconde] que Dieu cultive » (1 Co 3,9) pour y faire grandir son Fils. « L’Église va de l’avant, depuis les Mages, marchant parmi les persécutions du monde et les consolations de Dieu » (Augustin). La fête de L’Épiphanie nous enseigne d’une manière non équivoque que ce rappel de l’événement conciliaire doit être considéré comme étant « un temps de grâce qui permettra de consolider la communion à l’intérieur de la grande famille qu’est l’Église afin de lui donner une portée nouvelle » (Benoît XVI à Lourdes). Le Concile a indiqué la route à prendre…

La fugitive carte routière

     Les Mages, lorsqu’ils arrivent à Jérusalem, haut-lieu du savoir et du pouvoir, perdent toute trace de l’étoile. Dure leçon d’humilité pour ces aventuriers qui partaient de loin, avons-nous préciser. D’ailleurs, on part toujours de loin quand on veut vraiment chercher et trouver Dieu. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner de tous ces lents et tortueux cheminements, de tous ces détours d’une jeunesse essayant de démêler croyance et foi. Il ne faut pas s’étonner non plus des tâtonnements maladroits des distants pour qui on a souvent défiguré le visage de Dieu. Ne soyons pas surpris également de tous ces reculs dans notre propre aventure spirituelle. La route est longue qui mène à Dieu! L’étoile se dérobe souvent pour réapparaître en des lieux imprévus, en des occasions inédites, en des Bethléem tout humbles et tout discrets… Il nous faut relever la tête et scruter le ciel. Dieu se laisse toujours trouver par qui le cherche honnêtement.

Une cohabitation difficile

     Le roi nouveau-né et les rois de la terre auront de la difficulté à cohabiter. Il arrivera que Jésus devra se dérober. Il faudra qu’il évite de croiser leurs chemins. Toute rencontre, tout face à face pourrait lui être fatal, avant son Heure (Jn 7, 30). Aujourd’hui, ceux avec qui il se sent en sécurité, ce sont les bergers de la campagne, les mages à la confiance naïve, les pauvres curieux et disponibles. Tous ceux-là, attirés par cette drôle de famille, recevront son message. Ils se verront invités au Royaume de paix que l’Enfant-Dieu vient instaurer dans notre monde, sur notre terre. Tous ceux-là mériteront cet honneur parce qu’ils ne se seront pas compromis avec d’autres puissants, d’autres potentats jaloux. Ces gens-là ne peuvent faire écran à la lumière. Aucun malentendu possible entre eux et l’Enfant nouveau-né. Au fond de leur cœur ils entendent déjà la mélodie : Paix aux hommes que Dieu aime (Lc 2, 14). Si, enfin, Épiphanie signifie : « Manifestation visible de Dieu », encore faut-il que nous sachions où se déroulera le lieu de cette rencontre. Les mages nous offrent une réponse : pour rencontrer Dieu, il faut être en recherche, il faut être en chemin. Pour que Dieu puisse nous rejoindre, nous devons secouer notre torpeur et nos vieilles habitudes. Il nous faut ouvrir grand les fenêtres de notre âme pour que la lumière de l’étoile puisse glisser ses rayons dans nos pièces les plus obscures.

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2385. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
Une famille saint histoire ?