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Dédicace de la Basilique du Latran - 9 novembre 2014

 

Détruire le Temple... pour construire l'Église

 

La purification du Temple : Jean 2, 13-22
Autres lectures : Ezéchiel 47, 1-2.8-9.12; Psaume 45(46); 1 Co 3, 9-11.16-17

 

Ce dimanche, la liturgie catholique me semble un peu ironique. Pour célébrer la dédicace d’une église, la basilique du Latran, nous lisons un extrait d’évangile présentant Jésus, le fouet à la main, qui annonce la destruction du Temple. Un esprit tordu pourrait se demander comment il se fait que les chrétiens se soient mis à bâtir des temples alors que Jésus prône leur destruction. Bien qu’intéressante, cette question n’est pas sans problèmes parce que le Temple de Jérusalem est bien entendu très différent des églises chrétiennes.

Le Temple de Jérusalem

     À l’époque de Jésus, le Temple de Jérusalem était le lieu central de la présence de Dieu. Il était le centre économique, culturel et même politique de la société juive. Cette institution représentait le cœur de l’identité nationale juive. Son activité principale tournait autour des sacrifices d’animaux. À l’époque de l’écriture de l’Évangile de Jean (vers 90), ce Temple avait été détruit par les Romains en 70. Cet événement avait été aussi bouleversant que la destruction du Temple par les Babyloniens en 587 A.C.. D’un coup, tout le système religieux, politique et même économique d’Israël avait volé en éclat. Aussi, une question théologique très importante se posait : Où donc est Dieu ? Le Temple, c’était la résidence du Seigneur sur la terre. On croyait qu’il était dans le Saint des Saints au cœur du Temple. La destruction de la maison de Dieu ne pouvait que provoquer un bouleversement complet chez les Juifs et chez les chrétiens d’origine juive.

Où donc est Dieu après la destruction du Temple ?

     La réponse des rabbins à ce questionnement sera de mettre l’accent sur la présence de Dieu dans les Écritures saintes. Ainsi les synagogues vont prendre le relais du Temple dans l’organisation sociale et religieuse. Elles permettront la recherche de la présence de Dieu dans les textes saints par la lecture communautaire de ceux-ci.

     Les chrétiens aussi trouveront Dieu dans la lecture des Écritures, mais de façon plus spécifique, ils voient que Jésus lui-même est le lieu de la présence divine. L’extrait de l’Évangile de Jean proposé aujourd’hui n’est pas seulement la purification du Temple, mais plutôt le remplacement de celui-ci par Jésus et par la communauté chrétienne comme lieu de la présence de Dieu. Allons donc regarder quelques détails de ce récit pour voir comment il permet ce changement.   

Le zèle de Jésus

     Les quatre évangiles décrivent une colère de Jésus au Temple. Le récit de Jean diffère des trois autres sur deux éléments essentiels.

     D’abord, l’événement se situe au tout début du ministère de Jésus et non à la fin. Pourtant, dès le premier verset, les expressions employées « Pâque », « monter », « Jérusalem » laissent déjà présager la passion et la mort de Jésus. Celle-ci surviendra aussi dans cette ville, au temps de la fête de Pâque, alors que Jésus sera élevé sur la croix. La citation du Psaume 69 le zèle de ta maison me dévorera permet aussi de penser à la mort de Jésus.

     Ensuite, le récit de Jean montre plusieurs détails absents des autres textes. Jésus se fabrique un fouet, il chasse les bœufs, les brebis, il disperse la monnaie des changeurs, il renverse leurs tables et il crie aux marchands de colombes de les sortir de la maison de son Père.

     Les actions de Jésus ne sont pas qu’une purification du système en place. Il ne veut pas restaurer la pureté du Temple. Ces actions signalent un remplacement complet du système de sacrifice. Jésus sort tout ce qui est associé à ces sacrifices à coups de fouet : des animaux à l’argent des changeurs.

Trois jours

     Lorsque Jésus affirme Détruisez ce Temple et, en trois jours, je le relèverais, ses interlocuteurs pensent à une reconstruction matérielle de celui-ci. Pour eux, c’est impossible à réaliser. Mais, pour un chrétien qui connait déjà la fin de l’évangile, ce texte fait un lien avec les fameux trois jours entre la mort et la résurrection de Jésus. Même le verbe « relever » (egeirô) employé pour la reconstruction du Temple est le même verbe utilisé pour décrire l’action de se relever d’entre les morts.

     Lorsque le narrateur affirme que Jésus parlait du Temple de son corps, le lecteur ne peut que comprendre que le véritable Temple est la personne même de Jésus. Il représente la présence même de Dieu sur terre. Cette façon de mettre l’accent sur la divinité de Jésus, c’est ce qui est fondamental à la communauté de Jean.

Le corps du Christ

     La lecture de cet extrait de l’Évangile de Jean est claire. Rien ne sert de chercher Dieu dans le Temple et son système sacrificiel. Ultimement, il est voué à la destruction. Jésus par sa mort et sa résurrection permet un nouveau rapport à Dieu. Cette présence divine n’est plus reliée à un endroit spécifique, mais bien dans le corps du Christ : le rassemblement de chrétiens, l’Église. Dans la théologie de Jean, c’est Jésus tant dans son humanité que dans sa condition actuelle de ressuscité, qui est le Temple de Dieu. Dans les lettres de Paul, l’Église est le vrai Temple de Dieu et remplace le Temple de pierres puisque l’Esprit de Dieu repose en elle (1 Co 3,16). Restons vigilants de ne pas enfermer Dieu dans nos lieux de culte. Dieu se laisse trouver dans le corps du Christ qui est l’Église (le rassemblement de croyants) et non dans les églises (les bâtiments).

Pour aller plus loin...

Petite histoire du Temple de Jérusalem

     Avant sa construction, l'Arche de l'alliance reposait dans la tente de la rencontre (Ex 26). Selon le Livre des Rois, c'est finalement Salomon, le fils de David qui construisit le Temple de Jérusalem. Il était considéré comme la demeure du Seigneur sur terre. Sous le règne de Josias, il y a un effort de centralisation du culte au Temple de Jérusalem. Les autres lieux de culte sont détruits.

     Par ailleurs certains prophètes comme Jérémie remettent en question le rapport au Temple. Ils mettent de l'avant la justice envers les pauvres et les exclus au lieu du système du Temple.

     Ce premier Temple fût détruit en 587 A.C. par les Babyloniens. En exil à Babylone les Juifs espéraient rebâtir le Temple, mais il ont appris à vivre sans celui-ci.

     Au retour de l'exil, un deuxième Temple est bâti à Jérusalem entre 537 et 515 A.C. Il est financé par Cyrus et Darius, les rois perses. Ce Temple n'abritera pas l'Arche de l'alliance qui a disparu avec la destruction de Jérusalem par les Babyloniens.

     Hérode le Grand va rebâtir et agrandir ce Temple. C'est celui que fréquentera Jésus. Il sera lui aussi détruit en 70 après J.C. par les Romains.

     Encore aujourd'hui des groupes voudraient reconstruire un nouveau Temple au même emplacement. Il y a cependant un problème majeur : le mont du Temple est maintenant l'esplanade des mosquées.

Que reste-t-il du Temple aujourd’hui ?

     Aujourd’hui, le mur des Lamentations est la seule partie du Temple qui reste encore présent à Jérusalem. En fait, il s’agit d’un mur érigé par Hérode pour soutenir l’esplanade sur laquelle le Temple était construit. Chaque jour, des centaines de pèlerins s’y retrouvent pour prier et y laisser leurs intentions de prière sur des petits papiers entre les pierres du mur.

 

Sébastien Doane, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2420. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Dans la noirceur, l'espérance !