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27e dimanche ordinaire A - 5 octobre 2014

 

Fils, héritier, pierre d'angle

 

Parabole des vignerons meurtriers : Matthieu 21, 33-43
Autres lectures : Isaïe 5, 1-7; Psaume 79(80); Philippiens 4, 6-9

 

Dans la parabole ou, plus précisément, dans l'allégorie que Jésus adresse aux grands-prêtres et aux pharisiens, dans cette liturgie du 27ème dimanche de l'année A, il dépeint son père comme le propriétaire d'un domaine où il plante une vigne.  C'est le texte de Matthieu qui nous est offert, mais nous  savons que ce même récit est présent en Mc 12, 1-12 et en Lc 20, 9-19. Et les trois Synoptiques l'ont placé après les trois annonces de la Passion  et après l'entrée messianique à Jérusalem. Il faut donc qu'aux yeux des premières générations chrétiennes, cette page des enseignements de Jésus ait été  perçue comme exprimant au mieux le dessein de Dieu sur l'humanité, l'histoire du peuple de Dieu, culminant  dans la vie et la mission du Fils Unique. À la différence de Luc, Matthieu et Marc ont mis en relief le grand soin que ce propriétaire avait pris de sa vigne. Oui, quel soin!  Il l'a protégée en l'entourant d'une clôture et en y bâtissant une tour de garde. Il est si sûr de sa fécondité qu'il y a creusé un pressoir.

La vigne du Seigneur

     En écoutant Jésus présenter ce grand propriétaire et son projet, on comprend que ses auditeurs qui étaient familiers des Écritures ne pouvaient pas ne pas penser au magnifique texte d'Isaïe 5 que la liturgie de ce dimanche nous offre en première lecture: Je chanterai pour mon ami le chant du bien-aimé à sa vigne. Mon ami avait une vigne sur un coteau plantureux. Vient ensuite le récit des soins que l'ami procure à sa vigne: soin de la terre où il la sème, choix d'un plant de qualité, tour de garde, pressoir. Puis, l'expression par l'ami du rêve de fécondité de la vigne. On comprend qu'il dise: Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n'ai fait ?

Les serviteurs de la vigne

     Mais revenons à la parabole de Jésus et écoutons ce dernier nous raconter l'intervention des serviteurs du propriétaire de la vigne auprès des vignerons au moment de la vendange. Mais, au juste, qui sont ces vignerons à qui le propriétaire a confié le soin de sa vigne et qui sont ces serviteurs qu'il envoie pour se faire remettre le produit de la vigne ? La parabole nous laisse entendre que le propriétaire a pris ces vignerons à son service, montrant qu'il leur faisait confiance, qu'il comptait sur eux pour lui remettre en temps voulu le produit de la vigne. Est-ce que Jésus pense aux prêtres, aux pharisiens, aux guides spirituels de son temps ? Sans doute puisqu'à la fin du récit, on nous  dit que « grands-prêtres et Pharisiens, en entendant ses  paraboles comprirent  bien qu'il les visait ». Oublient-ils, ces ouvriers, qu'ils ne sont pas propriétaires de la vigne mais de simples intendants ? Et qui sont ces serviteurs que le propriétaire envoie à la vigne ? Il semble bien que Jésus pense aux prophètes que le Père a envoyés à la vigne pour rappeler qu'il attend des fruits de cette vigne, que ces fruits lui appartiennent. Ce que la parabole se hâte de nous dire, c'est que les vignerons sont extrêmement durs et injustes envers les serviteurs : ils se saisissent d'eux,  en frappent un, en tuent un autre, en lapident un troisième.

     Le propriétaire ne se laisse pas vaincre par une telle attitude des vignerons. Il envoie d'autres serviteurs, plus nombreux encore que les premiers, mais un même sort les attend.

     Le propriétaire a une dernière carte : il décide d'envoyer son fils. Il se dit : Ils respecteront mon fils. Les employés de la vigne ont une tout autre perspective. Le fils, c'est l'héritier : il faut l'abattre. Ils se saisissent donc de lui, le jettent hors de la vigne et le tuent.

Jésus et le peuple de l’alliance

     Au fond, Jésus, en une parabole, a en quelque sorte exprimé par un symbole saisissant l'histoire d'Israël et son point culminant qu'Il est lui, Jésus.  Ce qui semble le point final de l'histoire s'avère être le point de départ d'une histoire nouvelle, la naissance d'un nouveau peuple, la pierre angulaire d'un nouvel édifice, l'œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux!  La liturgie est bien inspirée de nous faire chanter en ce dimanche, le Psaume 79 :

La vigne que tu as prise à l'Égypte
tu la replantes en chassant des nations.
Dieu de l'univers, reviens!
Du haut des cieux, regarde et vois,
visite cette vigne, protège-la,
celle qu'a plantée ta main puissante.

     Un propriétaire...des ouvriers à qui ce propriétaire confie le soin et le rendement de sa vigne...des serviteurs nombreux qu'il envoie cueillir le produit de la vigne à l'heure de la vendange...le Fils, l'héritier, la pierre angulaire de la nouvelle Maison de Dieu...
Le texte de cette parabole, je l'ai lu bien souvent; bien plus, que de fois j'ai repris et chanté La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle, car ce verset, cité dans la parabole de Matthieu comme aussi dans les textes correspondants de Marc et de Luc, appartient au grand psaume d'action de grâce, le Ps 118 (119),  qui clôt le Hallel et qui pourrait avoir été utilisé dans la liturgie de la fête des Tentes. Le verset 22 de ce psaume exprime si bien le mystère pascal qu'on ne peut se surprendre que tous les dimanches, on le proclame soit aux Laudes, soit à l'Office du milieu du jour. Ce verset et celui qui le suit sont comme des joyaux précieux de la tradition judéo-chrétienne. Ils rappellent un bref oracle d'Is 28, 16, annonçant que l'architecte de la nouvelle Jérusalem poserait sur la justice  et le droit la pierre de fondation de cette ville, et donnerait comme nom à cette pierre : Celui qui s'y fie ne sera  pas ébranlé. Luc, dans les Actes des Apôtres, met notre psaume sur les lèvres de Pierre, qui s'explique au sujet de la guérison de l'impotent de la Belle Porte. La guérison est l'œuvre du Crucifié-Ressuscité et, ici encore, le Ps 118, 22 est proclamé comme appui scripturaire.

La pierre rejetée, devenue pierre de fondation

     N'oublions pas non plus que la Lettre aux Éphésiens, utilisant l'image de la construction pour exprimer la réalité de l'Église, proclamera que le Christ Jésus lui-même  est la pierre d'angle de la construction que nous sommes. Enfin, n'est-il pas particulièrement intéressant que la Première lettre de Pierre (1 P 2, 4-10) ait réuni si habilement la perspective pascale du Ps 118 et la perspective de la construction ecclésiale de Isaïe 28, 16 :  Car il y a dans l'Écriture : Voici que je pose en Sion une pierre angulaire, choisie, précieuse, et qui se confie en elle ne sera pas confondu. À vous donc, les croyants, l'honneur, mais pour les incrédules, la pierre qu'ont rejetée les constructeurs, celle-là  est devenue la tête de l'angle, une pierre d'achoppement et un rocher qui fait tomber (1 P 2,6ss).                  

     La parabole de Mt 21 me parle bien de cette histoire du salut culminant dans la mort-résurrection du Christ, mais elle vient de trouver une nouvelle vie en moi. C'est que, au moment d’écrire ce commentaire, une de nos consœurs de la Congrégation de Notre-Dame, vient d'être enlevée (kidnappée) à sa mission de Tchéré à l'extrême nord du Cameroun, il y a 40 heures. Nous sommes toutes très émues : où les ravisseurs l'ont-ils conduite ?  Qui sont-ils ?  Quel est leur objectif ? Comment Gilberte est-elle traitée par ses ravisseurs ? A-t-elle faim ? A-t-elle soif ? Est-elle maltraitée ? En danger ?

     Les serviteurs que le maître, le père, envoie cueillir le fruit de la vigne, deviennent subitement très concrets et la question devient : les vignerons avaient-ils perdu leur humanité ? Aucun doute en moi : Gilberte a choisi le Christ : toute sa vie m'est un témoignage irrécusable qu'il est sa « pierre angulaire » comme Il est celle de toute l'Église. Comment reçoit-elle le conseil de Paul aux Philippiens : Ne sois inquiète de rien, mais en toute circonstance, dans l'action de grâce, prie et supplie pour faire connaître à Dieu tes demandes. En ce moment d'épreuve extrême, elle sait, je sais, nous savons que c'est uniquement la puissance du Christ ressuscité qui est garante de sa fidélité. Oui, c'est là l'œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux...

 

Lorraine Caza, CND

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2415. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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