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30e dimanche ordinaire A - 26 octobre 2014

 

Dieu est amour.
Celui qui aime est né de Dieu.

 

Le premier de tous les commandements : Matthieu 22, 34-40
Autres lectures : Exode 22, 20-26; Psaume 17(18); 1 Thessaloniciens 1, 5-10

 

C’est avec les mots de ce titre que sera introduite la proclamation de l'évangile de ce 30e dimanche du temps ordinaire de l'année A.  Pouvait-on souhaiter un verset alleluiatique plus ajusté à l'enseignement de Mt 22, 34-40 qui porte sur le premier et le second commandement.

     Ce texte constitue la troisième de quatre controverses des Pharisiens et des Sadducéens avec Jésus. Ici, ce sont des Pharisiens qui questionnent Jésus avec l'intention de le mettre à l'épreuve, alors qu'il vient de fermer la bouche aux Sadducéens qui l'avaient confronté sur la question de la Résurrection (Mt 22, 23-33).

Le cri du cœur de Jésus

     C'est à un docteur de la Loi de leur groupe que les Pharisiens confient la tâche de demander à Jésus quel est le plus grand commandement de la Loi. Ils croient que le docteur tendra tout un piège à Jésus, eux qui considèrent qu'il y a 613 commandements de la Loi,  365 interdictions  et 248 autres prescriptions. Jésus répond en citant Dt 6, 5, un texte que tout juif inclut dans sa prière du matin, qui exprime ‑on ne peut mieux‑ le vrai cri du cœur de Jésus.  Cette parole dit combien il est tout relatif au Père. Il me semble que nous devons donc accueillir cette parole de Jésus comme exprimant profondément sa mission : ce qu'Il désire par-dessus tout, c'est que de toute notre âme, de tout notre cœur, de tout notre esprit nous communiions à son amour infini pour le Père. Dans le texte parallèle de l'évangile de Marc, la réponse de Jésus reprend non seulement Dt 6, 5, mais Dt 6, 4-5 et donc le début même de la prière matinale des juifs, le fameux  Écoute (Shema), Israël.

Pas d’amour de Dieu sans amour du prochain

     Jésus se hâte d'ajouter à ce plus grand et premier commandement une seconde prescription dont il dit qu'elle est semblable à la première.  Encore ici, l'enseignement est donné à l'aide d'un texte tiré de la Loi de Sainteté que l'on trouve dans le livre du Lévitique, chap. 17-26.  En effet, le Tu aimeras ton prochain comme toi-même se trouve en Lv 19,18.  Jésus donnerait donc une importance incomparable à l'amour du prochain. Et ses auditeurs sauraient que le Lévitique entendait que cet amour s'exprimait en ne commettant pas d'injustice dans les jugements, en ne faisant pas acception des personnes avec le pauvre, en ne se laissant pas éblouir par le grand, en jugeant son compatriote avec justice, en ne diffamant pas les siens, en ne mettant pas en cause le sang de son prochain,  en n'ayant pas dans son coeur de haine pour son frère, en réprimandant son compatriote pour n'avoir pas la charge d'un péché, en ne se vengeant pas et en ne gardant pas de rancune envers les enfants du peuple d'Israël (Lv 19, 15-18).

     La nouveauté que Jésus introduisait dans sa réponse aux Pharisiens, alors même qu'il la formulait en des termes pris dans la loi de Moïse, n'était-ce pas de dire qu'ils étaient semblables et donc qu'on ne pouvait prétendre aimer Dieu de tout son être si on n'aimait pas son prochain comme soi-même. Vous me parlez de votre amour pour  moi, dirait Dieu, dans  la  façon dont vous vous situez  par rapport à vos frères et soeurs.

Le double commandement : un chemin de vérité

     En Matthieu, Jésus apporte une merveilleuse confirmation du statut privilégié qu'il donne aux deux commandements. Il conclut en disant que toutes les prescriptions des livres de la Loi et de l'enseignement des prophètes sont mesurées par l'amour de Dieu de tout son être et par l'amour du prochain comme soi-même;  voilà l'horizon sous lequel vous devez interpréter la Loi et les  Prophètes.  C'est sous un aspect différent que l'évangile de Marc considérera la chose. Lorsque le scribe reprendra l'énoncé de Jésus au sujet des deux commandements plus grands que tous les autres, il ajoutera que vivre selon ces commandements « vaut mieux que tous les holocaustes et tous les sacrifices ». Ici, c'est sous l'horizon du culte, des offrandes et des rites  que les deux commandements qui n'en font qu'un  sont considérés.

     L'évangile de Luc ne parlera pas du plus grand ou du premier commandement, mais il nous présentera un homme de loi qui demande à Jésus ce qu'il doit faire pour avoir en héritage la vie éternelle et c'est lui-même qui donnera réponse à sa question en termes d'amour de Dieu par-dessus tout et d'amour du prochain comme soi-même.  Jésus se montrera satisfait de cette réponse, mais le légiste a voulu savoir qui Jésus plaçait dans la catégorie « prochain ».  C'est avec la merveilleuse parabole du Bon Samaritain, cette fois, que Jésus interviendra. Le scribe et nous   apprendrons alors que c'est de celui ou de celle dont nous nous faisons proches dont il est question. 

Un amour qui se fatigue

     L'amour du prochain... il est donc intimement lié à l'amour de Dieu dans les 3 scènes du grand commandement.  Ne peut-on pas dire aussi que le passage de l'Exode (22, 20-26) qui nous est offert, ce dimanche, en première lecture, explicite des aspects fort importants de l'amour de l'autre : comment traiter les personnes en situation de grande vulnérabilité : immigrants, orphelins, veuves, pauvres, personnes dont « nous tenons un bien en gage »...

     Dans la seconde lecture (1 Th 1, 5c-10), Paul témoigne bien à la communauté de Thessalonique de cet amour de l'autre dans cet encouragement qu'il offre à ses frères et sœurs.  Il félicite les Thessaloniciens de leur accueil de la Parole dans la joie de l'Esprit Saint. Il prend le temps de les conscientiser au large rayonnement de leur foi en Dieu, à la qualité de l'accueil qu'ils lui ont réservé, de leur conversion au service de Dieu et de l'espérance dont témoigne leur attente de Jésus ressuscité.  C'est aussi aimer son prochain que de l'aider à discerner en quoi il est porteur de vie pour les autres.

     Le texte du plus grand et premier commandement me remet en mémoire qu'un jour, à l'École Biblique de Jérusalem, j'avais demandé au Père Paul-François Dreyfus, OP., de me raconter comment il était venu du judaïsme au christianisme. Il avait refusé catégoriquement d'accéder à ma demande disant que c'est trop dangereux qu'alors, quelqu'un raconte la conversion qu'il aurait aimé avoir plutôt que celle qu'il a vraiment vécue. Il me renvoya cependant à un récit qu'il avait publié dans un des volumes sur les convertis du 20e siècle. De la lecture de ce récit, j'ai gardé cet aveu du Père Dreyfus : « C'est la qualité, l'abondance, l'intensité du message d'amour des évangiles qui l'avait attiré au Christianisme. Bien sûr, la foi en la divinité de Jésus Christ est venue un jour, mais le déclic s'est fait d'abord autour du grand et premier commandement et de celui qui lui est semblable ».

     À la mort du Père Dreyfus, on a invité un de ses amis juifs très cher à prononcer l'oraison funèbre. Meir M. Bar-Asher a alors cité la 3e strophe d'un poème liturgique que le Père Dreyfus affectionnait particulièrement. Le poème était l'œuvre d'un mystique juif du 16e siècle Éliézer Azikri : « Éternel, que ton amour s'émeuve et soit plein de miséricorde pour ton fils qui t'aime. Car il est plein d'un désir ardent de voir la splendeur de ta puissance. Je t'en prie, mon Dieu, bien-aimé de mon cœur, hâte-toi et ne cache pas ton visage ». La primauté de l'amour a donc envahi la vie du Père Dreyfus sans lui faire renier ses racines. Ses proches avaient constaté que cet amour du bien-aimé de son coeur avait progressivement déteint sur son amour pour ses frère et soeurs.

 

Lorraine Caza, CND

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2418. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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