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Présentation de Jésus au Temple - 2 février 2014

 

Voir enfin la lumière!

 

Jésus est présenté au Seigneur dans le Temple : Luc 2, 22-40
Autres lectures : Malachie 3, 1-4; Psaume 23(24); Hébreux 2, 14-18


La fête de la Présentation du Seigneur au Temple fait partie de celles qui trouvent leur source dans un épisode précis du Nouveau Testament. C’est le cas aussi, par exemple, de la Transfiguration (6 août) ou du Martyre de saint Jean Baptiste (29 août). D’autres fêtes ou solennité sont plutôt rattachées à un thème théologique, comme le Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ, ou à un personnage de l’histoire sainte comme la célébration de Sainte Marie, Mère de Dieu. La tradition a donné à la fête d’aujourd’hui le nom de Chandeleur, dérivé d’une expression latine signifiant « fête des chandelles ». La liturgie, en effet, prévoit un rite d’ouverture au cours duquel les fidèles allument des chandelles et font une procession. S’il en est ainsi, c’est en raison des paroles de Syméon dans la lecture évangélique qui proclament Jésus comme la « lumière pour éclairer les nations ».

     La fête d’aujourd’hui est à date fixe, toujours le 2 février de chaque année, et a préséance sur les dimanches. La dernière fois qu’elle est tombée un dimanche remonte à 1997. Nous avons donc cette année une belle occasion de lui accorder un peu plus d’attention.

Deux hommes, deux femmes, un bébé

     La lecture évangélique de ce dimanche se déroule dans l’enceinte du Temple de Jérusalem et met en scène plusieurs personnages, cinq en tout : Marie, Joseph, Jésus, Syméon et Anne. Jésus joue un rôle pour ainsi dire secondaire, ce qui se comprend bien compte tenu qu’il est alors un nouveau-né. Il est néanmoins le centre d’attraction autour duquel l’« intrigue » du récit se déroule. L’évangéliste rapporte les paroles d’un seul des personnages, Syméon, mais il décrit néanmoins les réactions des parents de Jésus et la teneur des propos d’Anne.

     Syméon est qualifié d’homme juste et religieux, qui attendait la Consolation d’Israël. Le mot « Consolation » renvoie au premier verset de la deuxième partie du livre d’Isaïe : Consolez, consolez mon peuple (40, 1). Par cette allusion, l’évangéliste fait de Syméon l’image du peuple israélite en attente d’une intervention décisive de Dieu pour le libérer de tout ce qui l’opprime. Luc précise que l’Esprit Saint était sur lui, signalant ainsi que le personnage n’agit pas selon sa propre initiative, au gré d’une fantaisie, mais parce qu’il a reçu une lumière particulière qui lui ouvre les yeux. Syméon devient par le fait même un modèle d’ouverture et de docilité à l’action de l’Esprit.

     Contrairement à Anne dont il sera question plus loin, Syméon ne semble pas particulièrement attaché au Temple ou à des dévotions spécifiques. Luc dit simplement de lui qu’il vit à Jérusalem, qu’il est juste et religieux. Il n’est ni prophète, ni devin, ni roi, ni membre de la caste sacerdotale. C’est pourtant sur lui, homme du commun, que l’Esprit vient se poser, tout comme il l’a fait pour une jeune fille tout aussi ordinaire, Marie de Nazareth. On voit poindre ici un thème récurrent chez Luc : Dieu se manifeste parmi les plus humbles, les gens sans grande envergure, sans diplômes et sans trophées. C’était déjà le cas la nuit de la naissance de Jésus, lorsque les anges du ciel ont chanté leur joyeuse annonce aux bergers (2, 9-12).

Louange et oracle

     Syméon s’adresse tour à tour à Dieu, puis à Marie. Il prononce d’abord une sorte d’hymne de louange et d’action de grâce au Seigneur. Il exprime à Dieu sa reconnaissance de lui avoir permis de contempler ce qu’il attendait depuis toujours semble-t-il. La portée de ses paroles déborde cependant largement ses préoccupations personnelles. Ce qu’il a eu le privilège de contempler est appelé en effet à rayonner à la face de tous les peuples. Comme ailleurs dans les récits de l’enfance de Jésus, l’évangéliste Luc souligne ici la dimension universelle de la naissance de Jésus. La bonne nouvelle, […] grande joie pour tout le peuple que l’ange annonçait aux bergers près de Bethléem (Luc 2, 10) déborde ici bien au-delà des frontières de la communauté juive.

     Les propos suivants de Syméon sont plus mystérieux. Adressant un oracle à Marie, il annonce des jours difficiles pour son fils et elle-même. Ces paroles laissent entrevoir la discorde qui naîtra autour de Jésus et le refus de son peuple de le reconnaître comme Messie. La prédiction concernant plus directement Marie (ton cœur sera transpercé par une épée) est parfois comprise comme une allusion à la passion de son fils. Mais dans le contexte, avec les mentions de « chute » et de « division », il s’agit plus vraisemblablement de la douleur de la Vierge de voir son peuple tourner le dos à Jésus.

Une femme pieuse

     Quand à Anne, Luc la qualifie de «prophète», proche du Temple, fervente des pratiques de dévotion que sont le jeûne et la prière, solidaire de tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. Elle apparaît donc comme parfaitement enracinée dans la tradition juive. Contrairement à ce qui se passe avec Syméon, l’Esprit Saint ne semble pas avoir incité Anne à proclamer les louanges de Dieu. Comme quoi celui-ci sait prendre des voies diverses pour toucher le cœur de ses fidèles…

Une simple famille

     Et qu’en est-il de la famille de Jésus ? Elle apparaît comme respectueuse de la loi de Moïse et même un peu plus. Après la naissance d’un enfant, la mère devait en effet procéder à un rite de purification. Et le premier-né de sexe masculin devait être « consacré au Seigneur ». Mais la Loi n’exige pas que l’enfant soit présenté au Temple. Marie et Joseph font donc preuve d’un zèle remarquable, sans être exceptionnel non plus. L’offrande qu’ils apportent est celle prévue pour les familles moins fortunées. Ce détail correspond bien à l’esprit de l’évangéliste Luc, toujours soucieux de faire valoir que le salut de Dieu se déploie d’abord parmi les plus pauvres.

     Ce tour d’horizon des différents personnages du récit de la présentation de Jésus au Temple nous amène à un constat : tout dans cet épisode contribue à orienter le lecteur vers la suite des choses. Syméon et Anne ont raison de se réjouir, mais tout n’est pas rose pour autant.

Qui pourra rester debout ?

     Dès le départ, la première lecture, tirée du livre de Malachie,  (3, 1-4) nous situe dans le contexte : Soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez. Les paroles du prophète trouvent leur accomplissement dans la joie de Syméon poussé par l’Esprit au sanctuaire et qui voit finalement celui-là même qui apporte le salut pour son peuple. Et la question de Malachie, Qui pourra rester debout lorsqu’il se montrera ?, se déploie en quelque sorte dans ces mots de Syméon : Ton fils, qui est là, provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Et la conclusion de son oracle : Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d’un grand nombre, annonce l’aboutissement du processus de purification que dépeint la première lecture.

En tout semblable à ses frères

     Alors que l’évangile situe résolument Jésus dans la tradition de son peuple, l’auteur de la deuxième lecture (He 2, 14-18) rappelle que la portée de son œuvre dépasse largement tout ce que les rituels du Temple pouvaient accomplir. L’auteur souligne la solidarité du Christ avec les humains, les « fils d’Abraham » comme il les appelle. Il est venu les délivrer du «pouvoir de la mort» non pas d’un coup de baguette magique mais en se faisant pleinement partenaire de la condition humaine. Les prêtres israélites étaient aussi, bien entendu, des humains qui ont partagé les joies et les peines, les plaisirs et les souffrances de leurs semblables. Mais ce qu’ils offraient à l’occasion des cérémonies au Temple était systématiquement extérieur à eux-mêmes : des animaux, des herbes, du parfum… Le Christ, lui, a offert sa propre vie, non pas pour satisfaire les caprices d’un dieu sanguinaire, mais par amour envers ses frères et sœurs. C’est ce qui, aux yeux de l’auteur de la Lettre aux Hébreux, fait de lui le grand prêtre qui surpasse tous les autres et qui rend caducs les sacrifices prescrits par la loi de Moïse.

 

Jean Grou, bibliste

 

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2389. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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