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Dimanche du St-Sacrement du Corps et du Sang du Christ A - 22 juin 2014

 

Invités à la même table

 

Discours sur le pain de vie : Jean 6, 51-58
Autres lectures : Deutéronme 8, 2-3.14-16; Psaume 147(148); 1 Corinthiens 10, 16-17

 

Le symbole de la nourriture a été emprunté par beaucoup de religions pour signifier l’immortalité. Notons, entre autres, la plante d’immortalité de l’épopée babylonienne de Gilgamesh et le guduchi indien appelé plante de vie éternelle sans oublier l’arbre de vie de la Genèse. Depuis toujours l’être humain aspire à découvrir l’élixir qui le rendrait incorruptible. La nourriture que Jésus nous propose n’est pas de cet ordre. Ce que les vieux mythes ne pouvaient promettre qu’en rêve, Jésus nous l’offre en certitude.

Des faims et des soifs étranges

     Si la plupart d’entre nous sommes réceptifs aux besoins de notre corps concernant la faim et la soif, et cela dès notre entrée dans le monde, nous avons du mal à percevoir cette autre faim et cette autre soif qui nous habitent. Si, par grâce, nous ressentons un vide inexplicable, un manque profond au dedans de nous, nous pouvons ne pas saisir d’où ils viennent et quelle est leur origine. Ce qui en découle, c’est que nous nous demandons comment apaiser cette faim et cette soif étranges, comment combler ce vide existentiel qui nous habite ? Si nous interprétons assez bien les exigences de notre corps concernant la nourriture, avons nous dit, cela est moins évident pour l’appel de l’âme. Consentir à descendre dans les profondeurs de notre être n’est pas une aventure facile. C’est pour cette raison qu’il serait bon de réapprendre le chemin le moins fréquenté, celui qui mène de la tête au cœur comme nous l’apprend l’ouvrage célèbre de Scott Peck.

La manière de Dieu

     Dans le Deutéronome, l’auteur raconte la manière dont Dieu éveilla cette autre  faim dans le cœur du peuple choisi : Moïse dit au peuple d’Israël : Souviens-toi de la longue marche que tu as faite au désert (…) le Seigneur Dieu t’a fait sentir la faim pour te faire découvrir que l’homme ne vit pas seulement de pain (Deutéronome 8, 3). Il a donc fallu que ce peuple fasse la découverte de sa pauvreté intérieure dans la solitude et dans le silence de ces espaces arides. Même si ce lieu était propice à ressentir cet éveil, les Israélites ont mis plusieurs années à décrypter  et à saisir le message divin. Mais peu à peu, dans la suite des jours, le désir de l’âme s’est creusé un chemin. L’usure du temps les a bien servis. Ils ont pu entreprendre un autre chemin menant vers une autre terre promise. La dernière, la définitive. Leur expérience est aussi la nôtre.

L’autre terre promise

     Les pharisiens sont convaincus d’être installés à demeure dans cette terre promise, conquise par leurs ancêtres. Jésus, cependant, leur rappelle une autre dimension de la promesse qui consistait à les conduire vers un autre pays où il y a plus que le lait et le miel. Mais quand le ventre est repu, quand on se croit libéré de tout souci matériel, il est difficile de faire découvrir la vraie nourriture et la vraie boisson etsurtout nous les faire désirer : Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle (Jean 6, 54). Et Jésus ajoute cette phrase non équivoque : Ma chair est la vraie nourriture et mon sang est la vraie boisson (v. 55). Pourtant, le livre du Deutéronome le dit expressément : Il t’a donné la manne pour te faire découvrir que l’homme ne vit pas seulement de pain mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur (Dt 8, 3). Installés confortablement dans l’héritage des anciens, les Juifs, dans leur discussion, en oubliaient la quête et le désir (v. 52). C’est ce qui amène Jésus à les poursuivre dans leur retranchement : Tel est le pain qui descend du ciel : il n’est pas comme celui que vos pères ont mangé. (v. 58)

L’inévitable scandale

     Le scandale provoqué par ces paroles était quasiment inévitable pour ces pieux pharisiens, convaincus d’avoir les pieds bien ancrés dans la terre de la promesse. Comment, pour eux, imaginer un seul instant l’insondable don, le merveilleux trésor offert dans la communion au corps et au sang du Christ ? Qu’aurions-nous saisi à leur place ? Sans la foi en cet homme-Dieu l’adhésion est peu probable, même impossible. Il leur fallait plonger dans le mystère et accepter de s’y perdre. Accepter que celui qui parle est l’Envoyé du Père et qu’il vit par Lui (v. 57).

Le don suprême

     Si Jésus nous donne son corps et son sang, gages de la vie éternelle, c’est pour que nous nous mettions en route vers la terre de la véritable promesse, là où la mort n’a plus aucune emprise. Si Jésus nous donne son corps et son sang, promesses d’éternité, c’est pour que nous fassions l’expérience spirituelle de sa présence en nous, de ce choix de Dieu d’établir sa demeure dans le cœur de l’homme et de la femme : Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi je demeure en lui (v. 56). Mais nous n’avons pas le choix, comme le peuple d’Israël, il nous faut consentir à retourner dans le désert, dans un autre désert cependant. Il nous faut y cheminer patiemment pour que s’éveille en nous l’être intérieur. Dieu est à l’affût de cet éveil…

Une aventure accompagnée

     Cette aventure audacieuse, nous ne pouvons entreprendre de la vivre seuls. Il nous faut être accompagné de ce Dieu qui a fait de nous un peuple, un seul peuple, afin que, communiant à son corps, nous devenions un seul corps : l’Église de Jésus Christ. Mais pour que nous ne perdions pas courage, pour que l’engourdissement du sommeil n’ait raison de notre faiblesse, le Christ nous a laissé son ineffable Présence. Dans le tabernacle délabré des bidonvilles, dans l’église la plus humble, dans les chapelles des couvents et des hôpitaux, dans les cathédrales somptueuses, Jésus nous attend dans le silence. Pour être réconfortés par cette présence muette et pour entretenir un dialogue du regard avec elle, il nous faut un cœur de pauvre. Un cœur d’enfant même. N’est-ce pas ce qu’il voulait nous faire comprendre dans cette béatitude que Luc met dans la bouche de Jésus : Heureux les pauvres de cœur, le royaume des cieux est à eux? (Luc 6, 20).

La table eucharistique

     Pour prendre une expression bien connue, le Père tient table ouverte à l’eucharistie. Cette table est multi dimensionnelle. Elle a la dimension du monde, de tous les mondes. Le pain offert à cette table veut nourrir tous les hommes et toutes les femmes réunis en communauté de croyants, en communauté vivante. Le vin versé autour de cette table veut également désaltérer tous ces assoiffés qui luttent pour survivre. Nos combats sur la place publique et nos engagements à plus petite échelle témoigneront de la qualité de notre appartenance chrétienne et de notre solidarité avec le message évangélique proclamé par Jésus et ses successeurs, hérauts de la parole au cœur du monde. On le sait et on le voit, des marches s’organisent, des pétitions circulent, des micros résonnent, des slogans s’inventent au nom de cette table fraternelle même si les personnes n’en sont pas conscientes. C’est ce que Xavier Nolan avance dans son livre : Suivre Jésus aujourd’hui : « Dieu est un avec tous les êtres humains, et nous sommes un avec les autres, que nous en soyons conscients ou non ». Il développe son propos en ajoutant que « nous aimer les uns les autres naît de la découverte continue de ne faire qu’un avec les autres » (p. 203). Aller recevoir le pain à la Table du Seigneur, c’est prendre un risque mais un risque qui aura sa récompense. Un risque qui réservera des surprises à tous ces combattants pour une cause juste. Il nous faut réaliser en nos vies la parole d’Augustin : Devenir ce que nous mangeons.

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2409. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Qui donc est Dieu ?