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3e dimanche de Carême B - 8 mars 2015

 

La transcendance de Dieu

Le Christ chassant les marchands du Temple par Giotto, XIVe siècle

 

 

La purification du Temple : Jean 2, 13-25
Autres lectures : Exode 20, 1-17; Psaume 18(19); 1 Corinthiens 1, 22-25

 

Le récit évangélique de ce dimanche, extrait de l’Évangile selon saint Jean, s'inscrit dans un ensemble appelé Le livre des signes. Le premier signe se découle à Cana, lors d'une noce où l'eau pour lespurifications est changée en vin (2, 1-12). Suivent d'autres signes : l'expulsion des vendeurs du Temple (2, 13-25), l'entretien avec Nicodème (3, 1-21), la rencontre de la Samaritaine (4, 1-42),la guérison du fils d'un fonctionnaire royal (4, 43-54), la guérisond'un paralytique à la piscine de Bethzatha (5, 1-9), la multiplication des pains (6, 1-15), lamarche sur la mer (6, 16-21), la guérison de l'aveugle-né (9, 17-41). Chaque fois le récitexplicite la nature de l'événement et renvoie à une autre scène qui complète l'éclairage. À l'approche de la Pâque juive, l'expulsion des vendeurs du Temple a certainementconstitué un geste audacieux qui a marqué profondément les témoins.

Miracle ou signe ?

     Les synoptiques - Marc, Matthieu et Luc - relatent généralement les guérisons en termes de faits miraculeux. Par contre, l'évangéliste Jean privilégie le mot signe, au contenu très riche. Nous employons ce mot dans le langage courant. On connaît par exemple, les signes du zodiaque, ceux qu'on retrouve en mathématiques. Lorsque nous présentons la main à quelqu'un, que nous lui donnons une accolade chaleureuse ou encore un cadeau, tel un bouquet de fleurs, nous lui exprimons notre affection, nous lui donnons un signe de notre amitié. Le geste est tout à la fois une reconnaissance de ce qui se vit entre les personnes et un gage d'espoir pour le futur.

     Qu'en est-il chez l'évangéliste Jean ? Le signe prend son appui dans la réalité concrète des gens (2, 11.18.23; 4, 54; 6 ,2.14.26.30; 11, 47; 12, 18.37; 20, 30). Jésus utilise les jarres d'eau de purification, les provisions d'un enfant, pour nourrir une foule; il fera de la boue avec la salive pour guérir l'aveugle-né. Les gestes et les attitudes de Jésus pointent vers la perception d'un ordre de réalité à venir, vers le sens du mode d'agir de Dieu et de l'origine divine de Jésus. On voit donc que le signe renvoie à un événement qui lui donne sens. Et cette signification ne s'impose pas d'emblée.

Le signe du Temple

     Il est bon de se rappeler que chez les Juifs, le Temple est le centre de la vie religieuse, le lieu de la présence de Dieu. Après sa destruction par les Babyloniens, en 586 avant Jésus Christ, il fut rebâti au temps de Darius et reconstruit par Hérode le Grand, plus beau et plus vaste, plus majestueux. Sa splendeur ne cesse d'impressionner les voyageurs et spécialement les Galiléens (Marc 13, 1).

     Autour de ce monument qui abrite une synagogue et la cour de justice, règne une vie trépidante, s'entrecroisent prêtres et lévites, scribes et anciens; gardes, serviteurs et artisans; sur les parvis s'agitent les banquiers, ainsi que les commerçants qui vendent des offrandes diverses et des animaux purs pour les sacrifices : boeufs, brebis, colombes. Ce sont les prêtres des -Sadducéens-, sous l'autorité du grand prêtre, divisés en vingt-quatre classes depuis le roi David, qui préparent les sacrifices, brûlent l'encens, sonnent la trompette, bénissent le peuple. Au bas de la hiérarchie, les lévites vaquent aux activités de bedeaux. Ils dépècent les animaux réservés au sacrifice, surveillent les magasins, nettoient le mobilier, fabriquent les pains de proposition. À Jérusalem, le Temple est vraiment une ville dans la ville.

L'expulsion des vendeurs du Temple

     Quiconque fait une lecture continue de la première partie de l'évangile de Jean, soit des chapitres 1 à 12, découvre différentes facettes de la personnalité de Jésus. À Cana, à l'égard de Marie, sa mère, son ton bien que respectueux est plutôt austère et, avec autorité, il ordonne aux serviteurs de remplir les jarres. Avec Nicodème, membre du Sanhédrin, on décèle une véhémence, une pointe d'agacement et une ironie bienveillante. Avec la Samaritaine, il emprunte tantôt un ton moqueur, tantôt un ton grave, voire décapant. Quand Jésus se présente au Temple sur la cour des Gentils, il constate l'activité commerciale et bancaire, il n'en croit pas ses yeux. Il s'indigne, blessé profondément au contact de ce désordre et de cette déchéance. Le lieu où son Père doit recevoir la louange de son peuple dans un culte sincère et authentique est devenu un espace sacrilège. Sous prétexte d'offrandes à Dieu, on cherche ses intérêts, déviant ainsi le culte de sa finalité. Joignant le geste - avec un fouet, il chasse les marchands - à la parole, il dit : Enlevez cela d'ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic (2, 17). Oui, un geste violent et une parole catégorique! Pour « reconstruire », « relever », Jésus est là, au service de son Père. Depuis les membres de la hiérarchie sacerdotale jusqu’aux croyants les plus humbles, tous doivent saisir le comportement répréhensible dans lequel ils s'enlisent et découvrir l'enjeu de la présence de Jésus parmi eux. Il est temps de passer à une dimension supérieure : le mystère encore caché de sa venue parmi les siens. Ses disciples se rappelèrent cette parole de l'Écriture : L'amour de ta maison fera mon tourment (v. 17; Psaume 69, 10).

Le geste de purification

     De nos jours, des protestataires posent des gestes d'éclat pour sensibiliser la population à une cause juste. Dans le Premier Testament, des prophètes ont posé des actions significatives qui ont pu paraître étranges. Ainsi, Jérémie se promène avec un joug de cordes sur les épaules pour annoncer qu'Israël passerait aux mains du roi de Babylone (Jr 27, 21). Ézéchiel joue avec des briques et les poils de sa barbe pour avertir les siens du siège imminent de la ville (Ez 4-5). Chez Jésus, le geste qu'il pose est de nature prophétique et messianique : il annonce la fin du Temple de pierres et l'arrivée d'un Temple nouveau.

Le nouveau Temple de Dieu

     Les Juifs sachant que Jésus n'est pas un employé du Temple et qu'il vient de poser un geste d'autorité, demandent une preuve, lui lancent un défi et inversent la situation : ce ne sont pas eux les fautifs, mais Jésus qui trouble le cours de leur vie religieuse. Il leur faut un signe (v. 18). Puis ils se livrent au sarcasme, s'amusent des paroles prononcées. Quant aux pèlerins de la fête pascale, le texte dit qu'ils crurent en Jésus à la vue des signes, mais Jésus n'avait pas confiance en eux, connaissant par lui-même ce qu'il y a dans l'homme (vv. 24-25). Entre croire aux signes et adhérer à la personne de Jésus, il y a un chemin à parcourir, un pas décisif à franchir dans une confiance totale et un attachement fidèle.

     Les disciples, sur le moment, ne comprennent pas, mais ils vont se souvenir. Après la mort et la résurrection de leur Maître, dans la foi, ils découvrent la signification du geste posé : Aussi, quand il ressuscita d'entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu'il avait dit cela : ils crurent aux prophéties de l'Écriture et à la parole que Jésus avait dite (v. 22; aussi v. 17).

     Le vrai Temple désormais est le corps de Jésus (v. 21). Corps! Ce mot en hébreu désigne la personne dans sa totalité. Bien que l'annonce soit voilée, Jésus proclame que le Temple nouveau, définitif, lieu de la présence de Dieu est lui-même, dans son humanité. Ce corps qui connaîtra la mort et que le Père ressuscitera.

     Pour l’apôtre Paul, tous les croyants qui adhèrent au mystère de la Pâque du Christ, constituent le Corps du Christ. Seule la foi en Celui dont le corps est le vrai Temple permet d'atteindre la transcendance de Dieu.

Julienne Côté, CND

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2437. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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