INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant

Imprimer

Dimanche du Christ, Roi de l'univers B - 22 novembre 2015

 

Le Christ, Souverain de tout l'univers

Christ Pantocrator, VIe siècle, église Ste-Catherine du Sinaïe, Égypte

Christ Pantocrator, VIe siècle, église Ste-Catherine du Sinaïe, Égypte

 

 

Jésus devant le tribunal romain : Jean 18, 33-37
Autres lectures : Daniel 7, 13-14; Psaume 92(93); Apocalypse 1, 5-8

 

Le dernier dimanche de l'année liturgique met en valeur la figure du Christ, Roi de l'univers, qui s’est dépouillé de tout, devant Pilate, procureur de l'empereur romain, le maître du monde. L'extrait de l'Évangile de Jean (18, 33-37) met en scène Jésus livré à ses adversaires.

     Au cours des douze dernières heures, il a pris le repas avec ses disciples, leur a lavé les pieds; il s'est retiré au jardin des Oliviers pour prier et vivre une agonie extrême. Judas le trahit et le livre aux Juifs. Conduit par les soldats romains et les « gardes des Juifs » qui sont venus l'arrêter. Il comparaît devant Anne (18, 12-27), le grand-prêtre, qui l'interroge sur ses disciples et sur son enseignement; au même moment, Pierre renie son Maître trois fois. Puis, à l'aube, vient la première comparution devant Pilate (18, 28-32) et commence alors le procès devant le pouvoir impérial. Les accusateurs ne cachent pas leur intention : ils veulent la condamnation de Jésus, et réclament la peine de mort qu'ils ne peuvent prononcer eux-mêmes. Cette décision est prise depuis longtemps (5, 18; 7, 1.19.25.32.45-47; 11, 47-50.57) et arrive l'heure où  seul le représentant de l'empereur romain peut évaluer la culpabilité de l'accusé, et fixer la sentence.

La  royauté de Jésus

     Le grief des autorités religieuses juives se situe au niveau de la messianité de Jésus. À la question de Pilate, elles fournissent une allégation imprécise (18, 29-30). Pilate les invite alors à juger Jésus selon leur loi et il décide de le renvoyer. Là, les accusateurs, hostiles et légalistes (18, 28) dévoilent clairement le but poursuivi. Et commence alors le face à face Jésus-Pilate.

     Trois questions portent sur la royauté de Jésus : Es-tu le roi des Juifs? (v. 33);  Est-ce que je suis Juif, moi? Ta propre nation, les grands-prêtres t'ont livré à moi! Qu'as-tu fait? (v. 35). Tu es donc roi? (v. 37). Le procès se doit de situer Jésus, de bien cerner son identité. Pour les Juifs, le Messie attendu, de la descendance du roi David, devait recevoir une royauté éternelle qui assurerait protection et subsistance au peuple; qui apporterait justice et paix aux petits et aux pauvres (Psaume 71, 3.5.16). Dans l'esprit des élites religieuses juives, on attendait de cet élu qu'il les délivre aussi de l'occupant romain. Le récit indique, quelques paragraphes plus loin, que les autorités pour obtenir ce qu'elles veulent, confèrent clairement au mot roi un sens politique : cet homme qu'elles accusent et condamnent avant tout examen, se veut l'adversaire de César (19, 12). Pour ce qui est de Pilate, l'accusation ne pouvait avoir qu'un sens politique. Il s'agit dès lors de voir clair quant aux actes séditieux commis, car on peut livrer quelqu'un par erreur ou par méchanceté; et, ensuite, de prononcer la seule sentence possible, soit la crucifixion. Quant à Jésus, entre la haine des uns et l'indifférence des autres, que dit-il? A-t-il déjà affirmé sa royauté?

     Les récits évangéliques proclament que Jésus a toujours refusé d'être Roi. Lors des tentations au désert, lorsque le Diable lui montre les royaumes de la terre et lui demande de s'agenouiller, Il refuse (Luc 4, 5-6). Plus tard, après  avoir rassasié la foule qui veut l'enlever pour le faire roi, (Jésus) se retira à nouveau, seul, dans la montagne (Jean 6, 15). Le malentendu ne peut exister, car Jésus refuse d'assumer une royauté de puissance, de prestige, telle que la foule le désire.

Le dialogue entre Jésus et Pilate

     Pilate, le non-Juif, à la fois condescendant et altier, sait se distancer des accusateurs, il cherche à discerner ce que sous-tend la prétention messianique attribuée à cet inculpé enchaîné (1, 49; 6, 15). Il ne peut l'accuser qu'en s'appuyant sur des faits. Jésus, totalement présent, dans une attitude souverainement calme, en répondant aux questions, va obliger Pilate à clarifier le rôle joué par les accusateurs (18, 34); en ne cherchant pas à se justifier ou à  convaincre, Jésus va émouvoir le procurateur et le dérouter; Il va lui faire voir la peur qui l'habite devant les réactions juives et mettre à nue sa lâcheté dans la condamnation qu'il prononcera : Ma royauté ne vient pas de ce monde; si ma royauté venait de ce monde, j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Non, ma royauté ne vient pas d'ici (18, 36).

     C'est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix (18, 37).

     Les réponses de Jésus lèvent toute ambiguïté sur son identité et sa mission. Sa royauté n'est pas d'ordre politique, elle n'emprunte pas à la conception des Pharisiens, elle n'utilise pas les moyens des zélotes, les procédés habituels des puissants de ce monde qui, par l'intermédiaire de leurs soldats, brutalisent et humilient (19, 2-3). N'a-t-il pas commandé à Pierre de remettre au fourreau le glaive dont il venait de se servir (18, 11)? Sa royauté n'est donc pas celle en usage en ce monde, ici-bas, avec ses valeurs, son organisation, ses méthodes violentes. Certes, Pilate, l'autorité suprême en Judée, a pouvoir de vie et de mort, mais ce pouvoir lui a été prêté par Rome. Et davantage, car quiconque a un pouvoir, le reçoit d'en-haut : Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir s'il ne t'avait été donné d'en-haut...  (19, 11).

     Oui, Jésus, ligoté, humilié, roué de coups, réduit à rien comme le pire des malfaiteurs, accusé injustement par des gens qui veulent sauver leurs intérêts et ce qu'ils comprennent de leur religion, Jésus est l'envoyé du Père. Il possède  la dignité royale, révélée et donnée par le Père, et non conférée par les hommes. Il n'y a pas de volonté de puissance chez Lui; Il règne sans violence, sans s'imposer, sans contraindre les libertés; Il se donne par amour. En Lui s'accomplissent les prophéties d'Isaïe 53. Sa royauté est intérieure et universelle, elle transcende tout ce que les hommes conçoivent, connaissent et accomplissent. Cette royauté s'est manifestée pleinement lors de son arrestation, elle éclate au cours du procès et de son agonie sur la croix. À ce moment unique de l'Histoire humaine, on est à des années-lumière du pouvoir des monarchies du monde.

Le témoin lumineux de la vérité

     La troisième parole de Jésus (18, 37) révèle l'essence de sa royauté. Qu'est-ce que la vérité? Le contraire du mensonge? Dans les écrits du Premier Testament, la vérité désigne ce qui est fiable, ce sur quoi on peut s'appuyer, ce à quoi on peut faire confiance (1, 14; 14, 6). Elle renvoie à la fidélité de Dieu-Amour, à sa miséricorde à l'égard du peuple élu (Psaume 89(88), 2-4.25-29). Fidélité à l'Alliance donc, et, dans le Nouveau Testament, fidélité de l'amour du Père, révélée en plénitude, en Jésus, son Fils (1, 14; 14, 6), qui s'est donné à tous aux jours de son ministère. Maintenant, à l'heure de sa passion, de sa condamnation et de sa mort, où Il vit pleinement son destin, on ne le lui enlève pas sa vie : Personne ne me l'enlève mais je m'en dessaisis moi-même; j'ai le pouvoir de m'en dessaisir et j'ai le pouvoir de la reprendre : tel est le commandement que j'ai reçu de mon Père (10, 18). Cet acte libre, ultime, vécu dans un amour désintéressé rend visible la nature de la vérité  dont il témoigne devant Pilate.

     La dignité royale de Jésus, détenue dès la création du monde, est mise en lumière dans la vision de Daniel (écrit vers l'an 160 avant J. C.; première lecture). Daniel ne distingue pas le temps de la création du moment de la rédemption : Moi, Daniel, je regardais... comme un Fils d'homme... à qui fut donné domination, gloire et royauté... Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite (7, 13-14).

     Devant l'inouï de la résurrection, on comprend que les premières communautés chrétiennes aient proclamé la royauté unique de Jésus à qui appartient toute autorité, tout honneur et toute gloire. Les chrétiens et chrétiennes d'aujourd'hui sont appelés à accueillir et à confesser la royauté de Jésus, le témoin fidèle, le premier-né d'entre les morts, le souverain des rois de la terre (Apocalypse de saint Jean 1, 5). Ils sont invités à reprendre l'hymne de reconnaissance et à ressembler à Celui qui s'est dépouillé de tout dans un amour total et qui, par sa résurrection, est devenu le premier-né d'entre les morts, le souverain des rois de la terre... l'alpha et l'oméga... Lui qui nous aime... qui a fait de nous le royaume et les prêtres de Dieu son Père.

     À lui gloire et puissance pour les siècles des siècles. Amen (1, 5-6.8).

 

Julienne Côté, CND

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2465. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
Confiance et espérance