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3e dimanche ordinaire B - 25 janvier 2015

 

Le temps presse!

Egbert Erzbischof von Trier 977-993

 

 

Première prédication de Jésus : Marc 1, 14-20
Autres lectures : Jonas 3, 1-5.10; Psaume 24(25); 1 Corinthiens 7, 29-31

 

Comme croyants et croyantes en Jésus et en Dieu qui l’a relevé d’entre les morts, nous nous sommes habitués à vivre « parmi le monde » comme si de rien n’était. Nous menons nos vies dans la tranquillité de notre routine. Nous respectons la morale, nous contribuons à notre REÉR, et vogue la galère. Il n’en a pas toujours été ainsi pour les disciples de Jésus. Pendant plusieurs générations, être disciple de Jésus impliquait un sentiment d’urgence. Les premiers chrétiens vivaient chaque journée dans la certitude qu’elle les rapprochait du moment béni où Jésus Seigneur allait revenir en pleine gloire parmi eux. La fin du monde, tel que ces gens le connaissaient, était pour eux une bonne et grande nouvelle. On la célébrait chaque jour avec bonheur. Dieu allait remettre les choses en ordre, dépouillant un empereur prétentieux des pouvoirs qu’il s’était arrogé. Le règne de Dieu était bienvenu.

     On ne vivait pas dans la crainte du grand Jour, mais dans l’espérance de le vivre… de son vivant. Car on se désolait de voir mourir physiquement des frères et des sœurs dans la foi. Elles et ils allaient-ils être privés du grand bonheur qui devait surgir bientôt ? La question était tellement sérieuse que saint Paul en a traité dans ses premières lettres. Il fallait concilier la grande rencontre à venir, qui méritait qu’on lui sacrifie tout, et les nécessités du temps présent. Quelle honte : certains chrétiens osaient vivre le nez en l’air. Comme des gérants d’estrade, ils oubliaient de faire leur part pour la continuité des affaires humaines normales…

     Il est rare que, dans nos communautés chrétiennes, des gens concentrent toute leur énergie sur « les temps à venir ». Bien des gens vivent au jour le jour, comme si la mort personnelle n’allait jamais les toucher. Ces personnes vivent encore moins dans la pensée que les temps sont arrivés à maturité en Jésus, et qu’un beau matin cela va faire une différence… La conscience eschatologique est actuellement (restons polis!) au neutre. Les propos bibliques de ce 3e dimanche risquent de soulever… un tsunami d’indifférence. À moins que les pasteurs ne fassent ressortir les impacts de cette composante omniprésente dans les lectures bibliques proclamées aujourd’hui.

Dieu laisse vivre, tout de suite
Jonas 3, 1-5.10

     D’entrée de jeu, la première lecture met en scène un changement drastique mené au pas de charge. Ninive était une ville très étalée pour l’époque, au point où il fallait trois jours pour la traverser… Au cœur de cette monstrueuse agglomération, le prophète Jonas, prophète malgré lui, réussit à se faire entendre… et se faire comprendre. Dans une joyeuse exagération dont le livre de Jonas a le secret, voilà que roi et bêtes prennent le deuil devant la révélation de leur indifférence devant un Dieu… qui n’est même pas le leur! Bien leur en prend, car le courroux de Dieu peut ainsi prendre congé.

     Cet épisode est difficile à comprendre, car il est sorti de son contexte par le Lectionnaire. En fait, ce grand événement de conversion met la table pour un autre récit, très théologique celui-là. Le chapitre suivant du livre raconte une conversion individuelle qui sera vécue avec grande réticence : celle du prophète. Jonas est bien déçu d’avoir réussi à convaincre les Ninivites de se repentir. On remballe les feux d’artifices du courroux divin! Jonas va donc bouder en dehors de la ville, submergé de honte. Pour lui faire comprendre la miséricorde divine, le Créateur fait pousser puis laisse mourir un arbre. Il procure au prophète dépité un peu d’ombre pendant quelques heures. Devant cette croissance végétale trop vite interrompue, le prophète finira par admettre que ce qui compte, c’est la vie donnée par Dieu.

     Quant à nous, retenons le « tout de suite » de la conversion de Ninive. Ce « tout de suite » est un ingrédient essentiel pour comprendre les autres lectures de ce jour. On appréciera le détachement de Paul dans la deuxième lecture et le geste fort, mais en apparence irréfléchi, posé par les nouveaux disciples de Jésus dans l’évangile.

Jésus ouvre maintenant l’avenir
Marc 1, 14-20 

     Difficile d’être plus clair. Dans les versets d’introduction, nous apprenons ce qu’affirme la Bonne Nouvelle de Dieu : les temps sont accomplis, le règne de Dieu est proche, il faut se convertir et croire à cette Nouvelle. Le reste du court évangile met en scène deux épisodes concrets d’actualisation de cette Nouvelle. Le texte est mené au pas de course, comme c’est la coutume dans l’évangile selon Marc. Ce qui se passe entre les versets 16 et 20 va très vite. Nous en comprenons mal la portée à première lecture.

     Des pêcheurs bien organisés et bien réseautés abandonnent filets, barque, paternel et ouvriers. Ils suivent ce Jésus qui vient de prononcer un petit verset de Bonne Nouvelle. La rapidité de leur changement de vie nous trouble. Nous devrions surtout déplorer notre insensibilité. Notre insensibilité aux charmes des « temps accomplis » de Jésus nous fait hurler à l’inconscience. Au contraire de ces pêcheurs, tout à fait conscients de la portée et du sens de leur décision professionnelle... Elle se prend subito presto car elle concerne quelque chose d’essentiel qui vient d’être proclamé en public par Jésus.

     Cette décision transforme les pêcheurs de Galilée. Ils ne jetteront plus le filet dans la mer, mais un peu partout, même aux franges du désert. La description de tâche proposée par Jésus, « pêcheurs d’hommes », ne nous impressionne pas le moins du monde. Et l’image du filet de pêche nous semble bien coercitive, pour ne pas dire abusive. Il en allait autrement dans le Judaïsme du temps de Jésus. Le filet de pêche était une image belle et constructive. Elle décrivait le moment heureux où le jugement de Dieu allait rassembler ses fidèles croyants. Bénis seraient ceux qui manieraient un tel filet! Ils allaient inclure dans la maison de Dieu des foules de gens. Quel beau métier!

     Simon, André, Jacques, Jean ne commettent pas un suicide social.  Ils ne se rétrogradent pas eux-mêmes en cessant de courir les flots de la mer de Galilée pour partir à la suite d’un Jésus en mouvement perpétuel dans la très terrestre Galilée. Les quatre pêcheurs se vouent à l’essentiel. Ces quatre hommes deviennent pour nous une source salutaire de questionnement. Ils nous permettent de mesurer la basse température qui s’affiche sans doute sur notre « thermomètre eschatologique ».

Le temps est limité, donc…
1 Corinthiens 7, 29-31 

     Événement extraordinaire dans le Lectionnaire dominical : les thématiques des trois lectures bibliques s’éclairent et se renforcent mutuellement! D’habitude, la deuxième lecture fait figure d’intrus, car nous lisons en continu, d’un dimanche à l’autre, une épître de Paul sans rapport avec les deux autres lectures. Aujourd’hui, le hasard liturgique permet à l’apôtre de renforcer les idées de la première lecture et de l’évangile. N’allons pas bouder notre plaisir!

     Les propos étonnants de Paul sur le mariage, sur les achats et sur les profits de ce monde ne sont pas déconnectés. Ils font sens dans le contexte des convictions sur le temps déjà expliquées pour les deux autres lectures : Ce monde tel que nous le voyons est en train de passer. L’entrée en matière de Paul est on ne peut plus directe : Je dois vous le dire : le temps est limité. Quant à moi, je dois vous le dire : ce dimanche nous invite à prendre au sérieux la vision biblique du « temps accompli ».  C’est une composante importante de la foi commune à toutes les confessions chrétiennes qui clôturent aujourd’hui la Semaine de prière pour l’Unité des chrétiens.

Alain Faucher, ptre

Source : Le Feuillet biblique, no 2431. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Quand Dieu et l'homme se cherchent