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5e dimanche ordinaire B - 8 février 2015

 

Une journée dans la vie de Jésus

Guérison de la belle-mère de Pierre par John Bridges (en), XIXe siècle.

 

 

Jésus guérit la belle-mère de Pierre : Marc 1, 29-39
Autres lectures : Job 7, 1-4.6-7; Psaume 146(147); 1 Corinthiens 9, 16-19.22-23

 

On ne sait pas vraiment qui était l’évangéliste Marc ! Certainement contemporain de Jésus, on ne saurait dire cependant s’il l’a connu personnellement ou seulement à travers des témoins. Peut-être est-il ce jeune disciple anonyme (et légèrement vêtu !) qui s’enfuit du jardin lors de l’arrestation de Jésus (Mc 14, 51-52) ? On croit plus certainement qu’il aurait été ce Jean surnommé « Marc », qui assiste tantôt Paul et Barnabé, tantôt Pierre dans leur apostolat (Ac 12, 12.25; 13, 5; 15, 37). Une tradition ancienne (Irénée de Lyon, mort en 202) en fait un disciple et interprète de Pierre l’ayant suivi jusqu’à Rome. Son évangile, tout empreint du témoignage de Pierre, serait d’ailleurs destiné à une communauté de chrétiens de Rome, issus du paganisme. Quoi qu’il en soit, comme les autres évangélistes, c’est à travers le prisme de la résurrection de Jésus que Marc nous dresse un portrait fiable de cet homme de Nazareth par qui « le Règne de Dieu s’est approché » (Mc 1,15).

La journée de Capharnaüm

     Pour nous raconter comment ce Règne de Dieu s’approche, Marc, dès ses premières pages, reconstitue une journée-type dans la vie de Jésus, ce que d’aucuns appellent la journée de Capharnaüm (évangile de ce dimanche) 1. Cette journée de Jésus est encadrée par deux moments de communion à Dieu : cette prière communautaire matinale à la synagogue en ce jour de sabbat et cette prière personnelle nocturne dans un endroit désert. Cette communion à Dieu fonde la vie et le ministère de Jésus. Il y puise cette certitude que, par lui, le Règne de Dieu s’avance et c’est bien ce qu’on voit car la Parole de Jésus s’avère efficace comme celle de Dieu - et parce qu’elle est celle même de Dieu !

     Cette Parole de Jésus fait reculer le mal sous toutes ses formes. Par son enseignement, c’est d’abord et avant tout l’obscurité de l’ignorance et de la méconnaissance de Dieu que Jésus chasse par la lumière de son enseignement qui impressionne et fait autorité. Marc insiste beaucoup sur le rôle d’enseignement de Jésus et de son effet sur les foules (voir par exemple Mc 1, 22.27; 2, 13; 4, 1-2; 6, 2.34; 7, 37; 11, 18; 12, 35). Puis sa Parole désarme les forces du mal. À son ordre, l’esprit impur sort de ce possédé de la synagogue 2.

     Le péché, la maladie et même la mort s’inclineront également devant la puissance de la Parole efficace de Jésus. C’est cette victoire totale du Christ qu’évoque le récit de la guérison de la belle-mère de Pierre et du sommaire qui suivra où, après le sabbat, les foules viennent à Jésus.

La guérison de la belle-mère de Pierre

     Sitôt rentrés à la maison, on parle à Jésus de la malade, en l’occurrence la belle-mère de Pierre affligée d’une fièvre. La fièvre, dans la Bible, figure parmi les châtiments de Dieu en raison de l’infidélité à l’alliance mosaïque (voir Lv 26, 15-16a et Dt 28, 22). Or, on ne sait rien de la belle-mère de Pierre, de sa fidélité ou non à la Loi. Toutefois le miracle – très sobre – de sa guérison évoque symboliquement à la fois la rémission des péchés, la délivrance du Mal et la résurrection. Car selon la conception qu’on se fait de la maladie dans l’Antiquité, celle-ci est vue comme la conséquence d’un péché commis. Suite à ce péché, un esprit démoniaque s’installait chez la personne provoquant son mal physique. Peu étonnant alors que guérisons et exorcismes opérés par Jésus ne se distinguent pas toujours très nettement dans les récits évangéliques 3. Pour la guérir, Jésus « la fit lever en lui prenant la main ». La main de Jésus la fait lever ou la ressuscite car c’est bien le même verbe grec qui sera utilisé par Marc pour dire que Jésus est ressuscité. Aussitôt guérie – plutôt ressuscitée – elle se mit à les servir ! Loin d’y voir un trait misogyne, il faut au contraire y voir l’attitude par excellence du chrétien qui, se sachant sauvé par le Christ, se met à le servir dans la personne de ses frères et soeurs.

     Cette belle-mère de Pierre, sans dire un seul mot, n’illustre-t-elle pas en sa personne le passage que fera une partie du peuple juif, passant du régime de la Loi, impossible à mettre parfaitement en pratique (voir Ga 3, 10), au service libérateur du Christ dans l’Esprit ?  L’Apôtre Paul le verrait certainement ainsi !

Le soir venu...

     Au coucher du soleil, le sabbat étant fini, les foules peuvent maintenant accourir à Jésus sans contrevenir aux limitations de déplacement imposées par la Loi au septième jour. Et on vient en grand nombre car la renommée de Jésus est maintenant répandue dans toute la Galilée depuis l’exorcisme de la synagogue (Mc 1, 28). Ici, l’activité thaumaturgique et exorciste de Jésus est simplement récapitulée dans ce qu’on appelle un « sommaire », où les bénéficiaires de Jésus restent aussi anonymes qu’indéterminés. Pour la deuxième fois déjà depuis le début de son évangile, on voit poindre le fameux « secret messianique » si cher au Jésus de Marc (Mc 1, 25.34.44; 5, 43; 7, 36; 8, 26.30). Jésus veut réduire au silence les esprits mauvais qui savent « qui il est » de peur que soit révélé trop tôt son identité messianique et que les foules le prennent pour un libérateur politique. Ce n’est que devant le Grand Prêtre durant son procès (Mc 14, 62), alors qu’il est sûr de passer par la mort, que Jésus abandonnera sa réticence à se révéler comme Messie et Fils de Dieu.

C’est pour cela que je suis sorti...

     On aurait voulu le retenir à Capharnaüm - après tout, avoir un thaumaturge sous la main est bien pratique ! - mais la Bonne Nouvelle ne se laisse pas enfermer, elle doit être portée dans tous les recoins de l’humanité, car c’est bien pour cela que Jésus est sorti. Cette « sortie » de Jésus peut être comprise à deux niveaux. Historiquement, Jésus est sorti de Nazareth, de sa famille, de son anonymat pour se mettre à annoncer la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu. Mais cette « sortie », pour le croyant, est aussi théologique puisque Jésus est sorti de Dieu pour devenir l’un de nous, ce que le Prologue de l’évangile de Jean exprimera sans équivoque (Jn 1, 1-18).

Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! (1 Co 9,16)

     Cette journée de Capharnaüm racontée par Marc est plus que la récapitulation de l’activité du Nazaréen en Galilée, elle est le programme même de l’Église jusqu’à la fin des temps. Cette Galilée est plus que la portion de terre qu’a foulée Jésus, elle est le terrain de l’humanité entière. Par Jésus, le Règne de Dieu s’approche, le mal recule et l’humanité est libérée et cette joie de l’Évangile doit être portée jusqu’aux périphéries de l’existence humaine, comme nous le rappelle un certain prophète des temps modernes appelé François.

________________

1 À noter que nous commencions la description de cette journée de Capharnaüm dimanche dernier. On voyait Jésus dans la synagogue le jour du sabbat où il enseignait avec autorité et délivrait un homme possédé par un esprit impur (lire Mc 1, 21-28).

2 Ces deux premières formes de recul du mal s’effectuent dans la synagogue, évangile de dimanche dernier.

3 Par exemple, l’évangéliste Luc rapporte le même évènement de la guérison de la belle-mère de Pierre comme un exorcisme (Lc 4, 38-39).

 

Patrice Bergeron, ptre

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2433. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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