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Dimanche de la Résurrection B - 5 avril 2015

 

Plonger dans la lumière

Jésus ressuscité

La résurrection de Jésus - Vitrail.

 

 

Le tombeau vide : Jean 20, 1-9
Autres lectures : Actes 10, 34a.37-43; Psaume 117(118); Colossiens 3, 1-4 et 1 Corinthiens 5, 6-8

 

Chaque année à la messe du dimanche de Pâques, nous entendons le même récit, celui de la découverte par Marie Madeleine du tombeau de Jésus ouvert. D’autres passages des évangiles auraient certainement très bien convenu à ce jour important de l’année liturgique. Mais l’extrait de Jean comporte des éléments qui ont vraisemblablement fait pencher la balance en sa faveur, comme la mention des ténèbres dans lesquels la scène commence et les détails concernant la course des deux disciples ainsi que la disposition des morceaux de linge. Sans compter cette phrase aussi brève que percutante : Il vit et il cru. L’ensemble nous offre en condensé le parcours d’une expérience de foi authentique et déterminante.

La touche de Jean

     Les chapitres 20 et 21 de l’Évangile selon saint Jean présentent quatre épisodes situés après la résurrection de Jésus. L’évangéliste y met sa touche particulière en ce qu’il met en scène des interactions plus développées entre le Ressuscité et certains personnages : Marie Madeleine, Thomas et Pierre. Le récit choisi pour la liturgie eucharistique du matin de Pâques est la première partie d’un ensemble qui se conclut au moment où le Christ vivant se fait reconnaître à Marie Madeleine avant de l’envoyer annoncer la nouvelle de sa résurrection aux disciples. La course de Pierre et du disciple bien aimé vient interrompre cette trame narrative.

« Le premier jour »

     Le récit commence par une indication chronologique significative : les événements se situent « le premier jour de la semaine ». Il s’agit à la fois d’une allusion au dimanche, jour de mémoire de la résurrection du Seigneur, et du premier jour de la création. Pâques apparaît donc dès le départ comme une création nouvelle, un temps nouveau où tout est appelé à changer. L’évangéliste précise encore davantage le moment de la scène : De grand matin, alors qu’il fait encore sombre. Marie Madeleine n’est pas tout à fait arrivée au tombeau et le monde est encore plongé dans l’obscurité. On peut y reconnaître une évocation du récit de la tempête apaisée : Les disciples montent dans la barque alors que c’était déjà les ténèbres (Jean 6, 17). On connaît la suite : Jésus va montrer sa domination sur les flots déchaînés, symboles de la mort. Il annonçait alors sa victoire définitive qui allait survenir le matin de Pâques.

     Malgré l’obscurité, Marie Madeleine voit que la pierre a été retirée de l’entrée du tombeau et elle en conclut qu’« on a enlevé le Seigneur ». L’évangéliste ne mentionne pas que la femme a pénétré dans la sépulture pour constater l’absence du corps, contrairement à ce qu’il dira de Pierre et de l’autre disciple. L’intuition de Marie est néanmoins juste, car le tombeau ne contient effectivement plus de cadavre. Mais son explication de la disparition est inexacte, puisque personne n’a retiré la dépouille du lieu de l’ensevelissement. Il faut cependant reconnaître que son hypothèse est la plus logique, la plus vraisemblable, la plus spontanée. Marie se situe encore sur le plan des perceptions physiques, matérielles, dans l’horizon terrestre. Elle se trouve encore dans l’obscurité jusqu’à un certain point; elle aura besoin de l’éclairage du Ressuscité pour que sa foi franchisse une étape cruciale.

Pierre et l’autre

     Après Marie Madeleine, deux disciples entrent en scène : Pierre et celui que Jésus aimait. Dans l’Évangile selon saint Jean, ces deux-là apparaissent déjà ensemble dans le récit de la passion et reviendront dans un même épisode une fois le Christ ressuscité. Quelques détails dans le récit de leur visite au tombeau laissent percevoir une certaine rivalité entre les deux. Et l’évangéliste veille à bien cadrer chacun dans son rôle et ses attributs. Ainsi, tous les deux amorcent la course en même temps, mais « l’autre disciple » arrive le premier. Il apparaît ici comme le disciple idéal, le plus motivé, le plus empressé, peut-être même porté par les ailes que l’affection particulière de Jésus lui donnait. Cependant, même s’il jette un coup d’œil à l’intérieur du tombeau et constate que Marie avait raison, il laisse à son compagnon le soin de pénétrer le premier, marquant ainsi la prééminence de Pierre. Par contre, l’« autre disciple », constatant la même scène, adhère à la foi, signalant sa supériorité sur ce plan.

     Rien n’est dit de la réaction de Pierre après avoir pénétré dans le tombeau et vu ce qui s’y trouve et, par le fait même, ce qui ne s’y trouve plus. Mais le silence parle de lui-même : comme Marie Madeleine, il n’est manifestement pas prêt à admettre ce qui s’est passé, à l’accueillir dans la foi. Il aurait au moins pu dire que le corps n’a vraisemblablement pas été « enlevé » comme le croyait Marie. Sinon, pourquoi aurait-on pris la peine de replacer les linges aussi soigneusement? L’« autre disciple », lui, a peut-être constaté cette anomalie et en a tiré la conclusion la plus incroyable qui soit, mais qui, finalement s’avérera la plus juste sur le plan de la foi. Il vit et il crut : non seulement franchit-il un pas de plus mais il réalise un véritable plongeon dans la lumière pascale.

Des réactions diverses

     Le récit de Jean se distingue des autres évangélistes en ce qu’aucun personnage (ange, jeune homme ou hommes) n’intervient pour annoncer que le Christ est ressuscité. Les protagonistes sont laissés à eux-mêmes devant une scène à laquelle ils ne s’attendaient manifestement pas. Et chacun réagit à sa façon : explication logique et matérielle de Marie Madeleine; silence (perplexité?) de Pierre; foi pour le disciple bien-aimé. L’évangéliste expose ainsi trois cheminement, trois dispositions de cœur et d’esprit qui représentent chacune une ouverture plus ou moins grande au mystère de la résurrection. Une façon de laisser entendre, peut-être, que croire aveuglément et sans hésitation n’est pas obligatoire, n’est pas le signe d’une foi plus pure ou supérieure. Cependant, il donne clairement le beau rôle à « l’autre disciple », le présentant comme un modèle à suivre. Mais son parcours n’est pas le seul valable; les détours, les doutes et les hésitations peuvent aussi faire partie d’une expérience de foi authentique. Ils peuvent même contribuer à consolider celle-ci.

Quel parcours!

     La première lecture met en scène l’apôtre Pierre qui prononce une profession de foi chez un centurion de l’armée romaine, à Césarée. Il présente une synthèse de la prédication, des agissements et du sort funeste de Jésus, événements qui se sont conjugués pour aboutir à la résurrection. Celui qui parle est le même qui, dans l’évangile, demeure muet devant la scène des linges soigneusement repliés dans le tombeau abandonné par le Ressuscité. Quel parcours il a accompli! La liturgie en ce matin de Pâques se trouve à nous emmener en quelque sorte dans un itinéraire inversé. On commence par entendre le discours de Pierre solidement enraciné dans une foi éclairée. Puis, avec le récit de Jean, on revient dans le temps, alors que le même personnage ne prononce pas un seul mot devant la disparition du corps de Jésus. Il lui faudra du temps et quelques rencontre avec le Ressuscité pour saisir l’ampleur de ce qui s’est passé. Sans compter, bien entendu, le don indispensable de l’Esprit qui lui ouvrira l’intelligence aux Écritures.

« Vous êtes ressuscités avec le Christ »

     Pour le dimanche de Pâques, la liturgie offre un choix de deux textes de Paul comme deuxième lecture : Colossiens 3, 1-4 et 1 Corinthiens 5, 6b-8. Le passage de Colossiens est particulièrement intéressant en ce qu’il précise que la résurrection n’est pas seulement l’affaire du Christ mais que c’est aussi la nôtre. En tant que baptisés, nous participons déjà à la vie nouvelle du Ressuscité. Paul en tire une conséquence sous forme d’invitation : Recherchez donc les réalités d’en haut. Dans la foi en la résurrection, on ne peut vivre comme si l’existence humaine se limitait au monde physique qui nous entoure. En vainquant la mort, le Christ nous entraine dans une tout autre dimension et il donne à notre présence un sens nouveau. L’autre lecture, de la Première aux Corinthiens, va dans le même sens mais en empruntant l’image du pain familière à la tradition juive.

 

Jean Grou, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2441. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Une procession messianique déconcertante